[INTERVIEW] 40 ans après le début de la bataille de Liverpool contre Thatcher

40e anniversaire de l’élection du Conseil municipal travailliste de Liverpool dirigé par la tendance Militant

Cela fait 40 ans que le légendaire conseil municipal dirigé par Militant a été élu à Liverpool, qui était alors la cinquième plus grande ville de Grande-Bretagne. Le 5 mai 1983, le parti travailliste a remporté les élections locales à Liverpool, obtenant 12 sièges avec une augmentation de 40 % du vote travailliste. Il s’agissait d’une exception surprenante à la tendance nationale qui a alors profité au gouvernement conservateur de Margaret Thatcher.

Le parti travailliste de Liverpool était dirigé politiquement par la « tendance Militant » trotskiste, dont Alternative socialiste internationale (ASI) et notre section en Angleterre, au Pays de Galles et en Écosse tirent leurs origines. La victoire électorale à Liverpool, reposant sur des politiques socialistes et le refus d’accepter la destruction d’emplois et l’austérité des Conservateurs, a posé les bases de l’une des plus importantes luttes de la classe ouvrière en Grande-Bretagne à la fin du 20e siècle.

Nous publions ici une version éditée d’une interview réalisée en 2004 par le journal suédois Offensiv (de la section suédoise d’ASI) avec Laurence Coates, membre d’ASI, qui a été organisateur à plein temps pour Militant à Liverpool dans les années 1980.

En quoi la lutte de Liverpool est-elle pertinente pour les combats d’aujourd’hui ?

L’expérience montre ce qu’il est possible de réaliser lorsque l’on dispose d’un parti et d’une direction qui mènent un véritable combat pour défendre les intérêts des travailleur.euse.s. À l’époque, comme aujourd’hui, les gouvernements locaux procédaient à un mélange de réductions budgétaires, de privatisations ou d’augmentation des impôts locaux pour compenser les réductions de subsides du gouvernement central. C’était du néolibéralisme avant même que ce terme ne soit inventé. Mais Liverpool était différente.

Le conseil municipal, dont les politiques, le programme et surtout les tactiques au cours de la lutte ont été déterminés par la force de la tendance Militant à Liverpool, a refusé de procéder aux coupes budgétaires exigées par le gouvernement de Thatcher. Contrairement au mythe véhiculé par nos détracteurs – selon lequel les marxistes ne participent qu’aux luttes et aux campagnes qu’ils contrôlent – le groupe travailliste de Liverpool comprenait des travaillistes de gauche et même des sections de l’aile droite du parti. En fait, les camarades du Militant ont toujours été en minorité numérique, mais nos politiques et nos propositions d’action l’ont emporté dans la plupart des cas.

Aujourd’hui, dans la plupart des pays, les partis de « gauche » sont devenus des fondamentalistes du budget : ils insistent sur l’équilibre budgétaire et même sur les excédents. Les marxistes ne préconisent pas comme stratégie le financement du déficit dans une économie capitaliste, notre alternative étant la propriété collective et la planification démocratique des grandes entreprises et des banques. Mais dans le contexte du gouvernement local, nous avons soutenu que Liverpool devrait établir un budget déficitaire, dans lequel les recettes ne couvriraient pas les dépenses prévues, et lancer ensuite une campagne de masse pour forcer le gouvernement de Thatcher à fournir les ressources supplémentaires.

Les travaillistes ont remporté les élections municipales à Liverpool en mai 1983, à contre-courant de la tendance nationale, sur base d’un programme totalement différent de celui des travaillistes du reste du pays.

Différent en quoi ?

Tout d’abord, le conseil municipal travailliste de Liverpool a réellement tenu ses promesses électorales. Il a promis d’annuler 2.000 suppressions d’emplois imposées par l’administration libérale précédente, ce qu’il a fait. Les libéraux qui avaient dirigé la ville avec les conservateurs locaux pendant dix ans avaient également gelé la construction de logements sociaux. Nous avons lancé un programme ambitieux de construction de 5.000 nouveaux logements.

Liverpool a construit plus de logements sociaux que toutes les autres collectivités locales de Grande-Bretagne réunies. Ce programme a permis de créer 12.000 nouveaux emplois dans le secteur de la construction. Il convient de rappeler qu’à l’époque, le taux de chômage masculin à Liverpool était de 25 %. Le chômage des jeunes atteignait 90 % dans certains quartiers de la ville ! En ce qui concerne les conditions de logement, même le ministre de Thatcher, Jenkin, lorsqu’il s’est rendu dans la ville pour des négociations en 1984, a admis qu’il n’avait jamais rien vu de tel : il était choqué.

Nous avons porté le salaire minimum du personnel municipal à 100 livres par semaine (une augmentation pour les 4.000 personnes les moins bien payées) et réduit la semaine de travail de 39 à 35 heures sans perte de salaire. Le conseil municipal, qui employait plus de 30.000 personnes, était le plus gros employeur de la région. Les syndicats des employés municipaux, qui ont joué un rôle décisif dans la lutte, disposaient d’un degré de contrôle sans précédent, y compris le droit de nommer la moitié des candidats aux nouveaux emplois.

Nous avions l’habitude de plaisanter en disant que nous, les révolutionnaires, étions les seuls « réformistes » qui existaient encore. Nous pouvions mettre en avant les réformes spectaculaires de Liverpool, obtenues par la lutte, et les opposer au bilan des réformistes à la tête du parti travailliste, qui avaient abandonné tout engagement sérieux en faveur de réformes dans l’intérêt de la classe ouvrière.

Les sociaux-démocrates prétendent que les trotskystes ont conduit Liverpool à la faillite. Qu’en penses-tu ?

C’est un mensonge ! C’est le gouvernement de Thatcher et ses politiques qui ont failli mener Liverpool à la faillite. Les coupes budgétaires opérées par Thatcher dans le système d’attribution des subventions avaient fait perdre à Liverpool pas moins de 34 millions de livres sterling depuis 1979 (date de l’arrivée au pouvoir de son gouvernement).

L’idée du gouvernement conservateur était de forcer les élus locaux à opérer de sombres coupes budgétaires. Dans le cas de Liverpool, si nous avions suivi les ordres du gouvernement, notre premier budget en 1984 aurait été inférieur de 11 % à celui de 1980-81. Il aurait fallu licencier 6.000 employés municipaux pour équilibrer les comptes.

Si les dirigeants travaillistes nationaux se sont opposés à Thatcher en paroles, ils n’ont rien fait en pratique. Ils ont dit aux conseils travaillistes « quoi que vous fassiez, restez dans les limites de la loi ». La situation juridique des conseils locaux est telle qu’ils peuvent être condamnés à des amendes et à l’interdiction d’exercer leurs fonctions s’ils établissent délibérément un budget dans lequel les recettes et les dépenses ne s’équilibrent pas. Les conseillers de Liverpool ont déclaré qu’ils ne violaient pas la loi, mais qu’il valait briser la loi que briser les pauvres.

Alors, d’où allait venir l’argent ? Militant s’opposait à l’augmentation des taxes municipales notamment.

À l’époque, de nombreux conseils municipaux travaillistes ont augmenté les taxes, massivement dans certains cas, pour éviter de faire des coupes budgétaires, mais cela a fait le jeu des conservateurs, en sapant le soutien du parti travailliste. Nous avons dit qu’il ne s’agissait pas d’une alternative parce que, bien sûr, les familles de la classe ouvrière étaient également touchées. Nous avons le même argument aujourd’hui lorsque ce dilemme se pose dans de nombreux pays et administrations locales. Nous sommes opposés à l’augmentation des impôts locaux pour compenser les limites de trésorerie des gouvernements. L’alternative est de se battre pour obtenir plus de moyens.

Quoi qu’il en soit, en 1984, Thatcher a introduit une nouvelle loi sur le plafonnement des taxes qui imposait des amendes aux conseils s’ils les augmentaient au-delà d’une certaine limite fixée par le gouvernement. Cette loi a mis fin à cette supposée échappatoire. A Liverpool, nous avons adopté la position suivante : une augmentation plus faible des taxes, correspondant au taux d’inflation, était acceptable, de même qu’une augmentation destinée à financer une véritable expansion des services du conseil. Mais en aucun cas pour combler le trou causé par les coupes budgétaires du gouvernement.

Le conseil municipal, et en particulier les militants comme Derek Hatton et Tony Mulhearn, qui étaient les principaux leaders de la lutte, ont expliqué que le gouvernement de Thatcher avait volé des millions de livres sterling de subventions publiques destinées à Liverpool et à d’autres villes. « Rendez-nous nos 30 millions de livres » est devenu le cri de ralliement du mouvement, entrant dans la conscience de la population dans son ensemble.

Un sondage d’opinion publié dans le Daily Post (24 septembre 1985) a montré que 60 % des habitants d’une ville d’un demi-million d’habitants soutenaient la demande d’une augmentation des subventions du gouvernement central. Seuls 24 % n’étaient pas d’accord. Dans le même sondage, 74 % ont déclaré qu’ils étaient prêts à supporter des perturbations dans les services publics tels que les écoles, le ramassage des ordures, etc. en cas de grève des employés municipaux pour soutenir le conseil. N’oubliez pas que le gouvernement, les médias et, plus tard, les dirigeants travaillistes nationaux ont mené une véritable campagne de panique contre Militant et Liverpool. À plusieurs reprises, Thatcher menaça de suspendre la démocratie locale à Liverpool et d’y envoyer l’armée. Pourtant, nous avons réussi à gagner les cœurs et les esprits de la classe ouvrière de la ville.

Comment avez-vous obtenu un tel soutien ?

La droite du parti travailliste a toujours affirmé que le programme et les idées du Militant, du trotskisme, ne pourraient jamais obtenir un soutien de masse. Notre « extrémisme » ferait fuir les gens, disaient-ils. À Liverpool, nous avons réussi à montrer qui étaient les vrais extrémistes : Thatcher et ceux qui poussent à la réduction des dépenses. Bien sûr, ils nous ont attaqués en tant qu’extrémistes. Mais comme le montre un courrier des lecteurs du journal local, les gens n’en ont pas tenu compte. Cette lettre disait : « Je ne suis pas sûr de savoir qui est Léon Trotsky, mais il devait être un fameux maçon si l’on en juge par le nombre de logements construites à Liverpool ! »

Nous avons toujours compris que la lutte devait sortir de l’arène parlementaire – de la salle du conseil municipal – pour descendre dans la rue, sur les lieux de travail et dans les quartiers. Ce n’est qu’en mobilisant la classe ouvrière derrière le conseil que nous pourrions forcer Thatcher à céder. Le jour du budget, le 29 mars 1984, par exemple, nous avons organisé une grève générale d’une journée.

Il s’agissait de « l’une des plus grandes grèves générales à l’échelle d’une ville dans l’histoire britannique », selon Peter Taaffe dans son excellente histoire de la lutte, Liverpool a City That Dared to Fight, coécrite avec Tony Mulhearn. Ce jour-là, 50.000 personnes ont défilé devant l’hôtel de ville pour soutenir la position du conseil municipal. À partir de ce moment, il ne fait aucun doute que la stratégie du conseil – refus de réduire ou d’appliquer des hausses de tarifs excessives – bénéficie d’un soutien massif. Le Liverpool Echo, aussi hostile à la lutte que le reste des médias capitalistes, a publié en première page une photo de la manifestation géante avec le titre « March of the Masses ».

Comment une telle mobilisation a-t-elle été possible ?

La grève et la manifestation sont le fruit de mois de campagne : réunions de masse dans toute la ville, réunions aux portes des usines, démarchage et distribution de tracts. Nous savions que nous ne pouvions pas compter sur les médias capitalistes pour rendre compte correctement de notre position. À l’approche de la journée du budget, le parti travailliste de Liverpool a distribué 180.000 exemplaires de son propre journal, « Not the Liverpool Echo ». Pendant ce temps, les dirigeants nationaux du parti travailliste incitaient Liverpool à augmenter les taux de 60 % au lieu de lutter.

Croyiez-vous qu’il était possible pour une ville de gagner seule ?

Non, nous avons pris des mesures concrètes pour obtenir un soutien national et même international. Des camarades du monde entier sont venus nous rendre visite et nous aider. Après la tragédie du stade du Heysel en Belgique (38 supporters de la Juventus ont été tués par l’effondrement d’une partie du stade lors d’un match de football contre le Liverpool FC), les dirigeants du conseil municipal ont contacté les organisations de travailleurs de Turin et ont organisé une visite officielle pour discuter des problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs des deux villes. Cela s’est fait face à une campagne médiatique nationale vicieuse alléguant, entre autres, que les habitants de Liverpool étaient des gens violents à cause du Militant !

Nous avons réussi à nouer des liens avec les syndicats des conseils municipaux d’autres villes, en particulier de Londres. Des représentants de Liverpool ont pris la parole lors de réunions organisées dans tout le pays. Militant a organisé un certain nombre de réunions très importantes. La victoire de Liverpool, le 9 juin 1984, lorsque le conseil municipal a obtenu du gouvernement des concessions d’une valeur de 16 millions de livres sterling, était due en partie à la grève des mineurs qui avait commencé trois mois plus tôt.

Thatcher savait qu’elle ne pouvait pas se battre sur deux fronts à la fois et a décidé de se concentrer sur les mineurs. Certains critiques de gauche – notamment le Socialist Workers’ Party qui a parlé de « capitulation » – nous ont attaqués pour être parvenus à un accord. Cela n’a jamais été l’attitude des mineurs eux-mêmes, qui ont vu dans notre victoire un formidable coup de fouet pour leur moral. Après tout, nous avions prouvé que Thatcher pouvait être battue si la classe ouvrière disposait d’une direction déterminée et d’un programme et d’une tactique adaptés.

Après avoir obtenu d’importantes concessions, il nous aurait été presque impossible de rejeter simplement l’offre du gouvernement et de poursuivre la lutte. Dans ce cas, les travailleurs de Liverpool auraient commencé à soupçonner que la propagande conservatrice était vraie, c’est-à-dire que le Militant avait un agenda caché : la confrontation à tout prix.

N’y a-t-il pas eu des tensions avec les autres groupes dans la direction de la campagne ? Comment avez-vous maintenu un front uni ?

Finalement, lorsque les dirigeants nationaux du parti travailliste sont intervenus en utilisant des méthodes staliniennes et en fermant la sections locale du parti, des scissions se sont produites. Mais dans la première phase de la lutte, de 1983 à 1985, la pression des masses derrière nos revendications et notre stratégie de campagne a imposé aux critiques de rester discrètes.

Nous avons montré qu’il était possible de souder un mouvement de masse, un mouvement très large, derrière les slogans et les méthodes de combat du marxisme. C’est pertinent aujourd’hui quand certains nous accusent de faire fuir des soutiens potentiels, d’être « trop politiques », par exemple dans les luttes anti-guerre et antiracistes.

Ce type de critique rappelle ce que le parti communiste stalinien a fait à Liverpool. Depuis les lignes de touche, ils ont affirmé que le « sectarisme » de Militant limitait la portée du mouvement. Ils voulaient une alliance plus large incluant l’Église, les dirigeants travaillistes de droite et même des sections du parti conservateur ! En fin de compte, les staliniens ont obtenu leur alliance avec les Tories et les dirigeants travaillistes, une alliance contre le conseil municipal, contre la lutte de masse et contre les acquis de la période 1983-1987.

Comment la classe dirigeante a-t-elle réagi aux succès de la lutte à Liverpool ?

Thatcher n’a pas pu vaincre Militant et le conseil municipal de Liverpool par des moyens démocratiques. Nous avons gagné toutes les élections de cette période. Lors des élections générales de 1983, 47 % des habitants de la ville (128.467) ont voté pour le parti travailliste. Ce chiffre est passé à 57 % (155.083 voix) lors des élections générales de 1987, après quatre années de lutte intensive.

Les 47 de Liverpool – les 47 conseillers municipaux travaillistes qui se sont battus jusqu’au bout – ont dû être destitués par un coup d’État judiciaire à la Chambre des Lords, une relique du féodalisme ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les capitalistes s’accrochent à des institutions antidémocratiques comme la monarchie et la Chambre des Lords.

Mais cela n’a été possible que grâce à une alliance entre Thatcher et les dirigeants travaillistes nationaux contre Liverpool. Plus d’un demi-million de livres sterling d’amendes et de frais de justice ont été imposés aux 47, argent qui a été collecté au sein de la classe ouvrière par une campagne de solidarité.

Alors que nous luttions contre les conservateurs, le leader travailliste Neil Kinnock a lancé un second front contre nous. Le parti travailliste de Liverpool a été fermé, puis relancé sous un régime policier. Les membres de Militant ont été expulsés et il leur a été interdit de se présenter comme candidats membres. Ces mesures ont été accompagnées d’une campagne de diffamation sans précédent.

D’ailleurs, Kinnock – qui nous accusait de méthodes antidémocratiques et de corruption – est entré plus tard à la Commission européenne à Bruxelles, collectivement limogée en 1999 à la suite d’un énorme scandale de corruption. Kinnock, qui prétendait que son approche « modérée » était nécessaire pour faire élire un gouvernement travailliste, n’a jamais remporté d’élections générales en tant que chef de parti et on ne se souvient principalement que de son discours de conférence de 1985 dans lequel il a calomnié Liverpool et Militant dans le plus pur style stalinien. Des gens comme lui ont jugé les conseillers municipaux de Liverpool pour le seul crime de se battre pour l’emploi et les services.

Quel effet ces attaques ont-elles eu sur les syndicats ?

Les actions contre Militant à Liverpool ont marqué le début d’une contre-révolution politique au sein du parti travailliste qui, sous Tony Blair, l’a finalement transformé en un parti ouvertement capitaliste. Dès le début, il y a eu des poches d’opposition à nos politiques de la part de carriéristes et de staliniens, mais ces éléments étaient très isolés. Lorsque Kinnock et l’ensemble de l’establishment se sont attaqués à Militant et au Conseil municipal, ils ont retrouvé leur courage.

L’un des problèmes qui s’est posé était l’opposition du « Black Caucus », un groupe de la classe moyenne qui se considérait comme le leader de la communauté noire de la ville. Ce groupe est devenu une cause célèbre pour la droite travailliste et les médias. Bien entendu, aucun d’entre eux ne s’intéressait à l’opinion des employés noirs du conseil municipal et des militants syndicaux qui ont joué un rôle clé dans la lutte de masse. Certaines sections de la bureaucratie syndicale de Liverpool ont soutenu et encouragé le Black Caucus.

Les attaques de ce groupe contre le conseil municipal, suite à la nomination de Sam Bond, un partisan du Militant, en tant que responsable des relations entre les différentes communautés du conseil municipal, ont été utilisées par Kinnock pour tenter de diviser et d’embrouiller le mouvement, de salir le conseil municipal en le qualifiant de raciste ou, au mieux, de « daltonien » vis-à-vis de l’oppression particulière des personnes de couleur. Ce mensonge est réfuté par le bilan du conseil en matière d’emploi, de logement et de politique anti-discriminatoire, qui représente un progrès important pour la communauté noire.

Les staliniens, bien que très peu nombreux à Liverpool, occupaient une ou deux positions syndicales importantes. Au lieu de mobiliser leurs organisations derrière la lutte, ils ont utilisé leurs positions pour attaquer le conseil. Ils ont joué un rôle particulièrement destructeur dans la direction du syndicat des enseignants, obtenant de justesse que les enseignants, dont beaucoup vivaient en dehors de la ville, votent contre la participation à une action de grève coordonnée en soutien au conseil en 1985. Il s’agit là d’un revers majeur dans la lutte.

Comment la lutte de Liverpool a-t-elle finalement été vaincue ?

Le contexte de la bataille de 1985 était différent de celui de 1984. La grève des mineurs avait été défaite principalement en raison du rôle scandaleux des dirigeants de droite de la confédération syndicale TUC, qui avaient refusé d’organiser une action de solidarité efficace. Thatcher voulait se venger de Liverpool et faire disparaître l’idée que la combativité est payante.

Dans l’intérêt d’un front uni avec 25 autres conseils municipaux de « gauche » contre le plafonnement des taxes, nous avons accepté une tactique sur laquelle nous avions nous-mêmes de grandes réserves : ne pas fixer de budget en guise de protestation. Liverpool avait plaidé pour l’établissement d’un budget déficitaire, une tactique similaire à celle de 1984, lorsque Liverpool s’était battu seul, parce que c’était plus facile à expliquer au public et à mobiliser.

Cet épisode montre comment nous abordons la question du front uni. Militant et le mouvement ouvrier de Liverpool se sont pliés en quatre pour parvenir à un accord d’action commune avec les autres conseils travaillistes. Si nous ne l’avions pas fait, bien sûr, nous aurions été attaqués pour sectarisme, refus de coopérer, etc.

Ce front uni s’est toutefois effondré presque immédiatement, les conseils travaillistes abandonnant les uns après les autres la tactique décidée. Liverpool s’est retrouvée seule à se battre (seule Lambeth, à Londres, est restée dans la bataille). Nous savions que la situation n’était pas aussi favorable qu’un an plus tôt. En même temps, il n’y avait pas d’autre choix que de se battre à part faire des coupes budgétaires.

Lorsque notre appel à une grève totale du personnel de la municipalité a été rejeté de justesse en septembre 1985, à la suite d’un sabotage par des sections de la hiérarchie syndicale, nous nous sommes retrouvés dans une position très difficile. Malgré cela, les tactiques employées – par exemple en faisant traîner les choses devant les tribunaux – ont permis aux 47 de rester au pouvoir pendant encore un an et demi, jusqu’en mars 1987.

Cela a permis d’éviter que le programme de logement de Liverpool, par exemple, ne soit annulé par le retour des libéraux et des conservateurs. D’une certaine manière, je pense que nos ennemis ont été encore plus déconcertés par les tactiques employées au cours de cette période, une période de retraite, qu’ils ne l’avaient été au cours de l’ascension du mouvement. Michael Heseltine, président du parti conservateur de Thatcher, l’a reconnu en déclarant que le Militant était « l’organisation qui ne dort jamais ».

La nouvelle génération doit tirer ces leçons. Liverpool a montré que la classe ouvrière pouvait vaincre une offensive néolibérale apparemment imparable. Dans les batailles décisives, il faut un programme de combat clair, une organisation, un enracinement dans la classe ouvrière et, enfin et surtout, une direction qui s’efforce de se mesurer sérieusement à l’ennemi, d’anticiper ses attaques et d’y répondre avec une flexibilité tactique. Pour y parvenir, nous devons construire un parti marxiste et une organisation solide bénéficiant d’un soutien de masse.

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