Toutes les crèches de la Ville de Liège ont été fermées une semaine dans le cadre de la grève générale des services publics du 10 mars. Du jamais vu. Les puéricultrices en lutte réclament que la pénibilité de leur travail soit reconnue et, le10 mars, elles étaient présentes en solidarité sur de nombreux autres piquets de grève. Nous nous sommes entretenus avec l’une d’elles.
Entretien avec une militante syndicale de la crèche d’Herstal, propos recueillis par Giulia
Qu’est-ce qui vous a poussé à un tel type de grève ?
La pénurie de personnel. Il n’y a plus beaucoup de statutaires, c’est beaucoup de contrats APE (1) qui ne sont pas nommés, il y a énormément de mi-temps et des 4/5 car le personnel devient plus âgé. Les 4/5, ce sont des gens qui ne sont pas là 1 jour semaine, mais ils ne sont pas remplacés. Ma collègue qui est pensionnée depuis le mois de mai, n’a toujours pas été remplacée. Quand le personnel est malade, on est en sous-effectif. Les puéricultrices qui sont par exemple en fin de carrière et qui ont mal au dos ne peuvent pas se permettre d’être « trop malades ». Chez nous la directrice a fait une demande pour avoir deux puéricultrices en polyvalence pour aller là où il y aura des petits soucis, mais le budget manque…
On met bien sûr toujours la priorité sur les enfants, mais quand par exemple on manque de personnel en cuisine, on doit le décrocher d’ailleurs… alors que chaque travail est très spécifique. A cela s’ajoute la charge de travail administratif. On voudrait mettre en place des choses pour améliorer le service comme de la nourriture bio, élargir le service pour correspondre aux horaires de travail des parents, etc. mais c’est difficile d’y arriver dans ces conditions.
Il faut comprendre que notre structure d’accueil est insuffisante. Nous, on doit avoir une liste d’attente de 100 enfants. La plupart des femmes enceintes doivent faire des demandes dans plusieurs crèches. Et il n’y a pas de structure faite pour accueillir d’urgence. A cela s’ajoutent les problèmes liés aux structures d’accueil. La lingerie est dans une cave et l’humidité cause des moisissures. Ça fait deux ans qu’on se bat pour que quelque chose soit mis en place pour ça !
C’est fatiguant. C’est pour ça que je suis dans le syndicat, quand quelque chose ne tourne pas rond, je dis qu’il faut mettre en place des solutions. Souvent, ça bloque faute de moyens…
Comment expliquer une mobilisation si remarquable dans la grève ?
Je pense qui ici avec tout ce qui se passe, la crise de l’énergie, les pensions, le coût de la vie, ça pousse plus à rentrer en grève et on ne fait plus confiance au gouvernement. Pas mal de gens disaient qu’avec un seul jour, on ne marquerait pas le coup. On était d’accord pour plusieurs jours. D’habitude on ferme, mais pour une semaine, on devait tenir compte des parents en difficulté, des agentes qui pouvaient financièrement difficilement suivre le mouvement en étant seules, etc. Une autre difficulté, c’est qu’on ne peut pas mettre n’importe quel enfant avec n’importe quelle puéricultrice, normalement il y a un suivi à respecter et il ne faut pas chambouler les enfants !
On a organisé des tournantes avec une réunion spécifique le vendredi pour commencer la grève le lundi. Finalement, ça s’est bien passé, mais les conditions étaient difficiles et conflictuelles. Le pouvoir organisateur nous a laissé un peu sur le fil en disant « Vous faites ce que vous voulez, si vous êtes capables de tenir dans des bonnes conditions pour les enfants, tant mieux, mais vous prenez la responsabilité ! » C’est un peu facile aussi… Ce qui nous a permis finalement que ça se passe aussi bien, c’était la grande solidarité entre collègues.
Quelles sont vos revendications ?
Plus de moyens. L’ONE voudrait que les crèches soient plus ouvertes le matin et le soir, pouvoir élargir l’horaire d’ouverture, pour ça aussi il faudrait plus de subsides pour avoir un accueil différent et pouvoir répondre aux parents en difficulté.
Ensuite, une valorisation du métier avec une formation de qualité et de meilleurs contrats de travail. Ça concerne aussi les salaires. Si vous êtes seule avec un enfant à charge et vous devez travailler pour quelque centaines d’euro que vous allez dépenser dans le transport, pour perdre les aides sociales et ne pas être là pour votre enfant, le choix est vite fait ! On devrait pouvoir avoir de meilleurs salaires et un meilleur accompagnement pour les gens.
1) APE : aides à la promotion de l’emploi, subsides régionaux octroyés aux employeurs du secteur non-marchand (socio-culturel, santé, action sociale…), des pouvoirs locaux (administrations communales, CPAS, organismes régionaux et communautaires) et de l’enseignement situés en Wallonie.