Socialisme 2014 : Préparer un front de résistance contre l’austérité !

ANJA DESCHOEMACKER : porte-parole de Gauches Communes et tête de liste à la Chambre (Bruxelles).

Ce samedi 3 mai, plus de 170 personnes ont participé à l’événement annuel de discussion et de formation politique du PSL : Socialisme 2014. La Fête Internationale des Travailleurs du Premier mai n’était pas bien loin dans l’esprit des enthousiastes participants venus approfondir ce que signifient concrètement la lutte et la solidarité pour le socialisme. Et si cette édition ne comportait qu’une seule journée, le programme n’en était pas moins riche pour autant, avec une diversité de sujets et d’approches autour d’un thème central : se préparer à l’offensive d’austérité qui ne manquera pas d’arriver une fois les élections passées.

Pas de reprise pour les 99% de la population !

Le point central de l’événement était le meeting final, ouvert par un message vidéo de Kshama Sawant, première élue socialiste au conseil de Seattle depuis plus de 100 ans, commenté par Els Deschoemacker, membre du Bureau Exécutif du PSL ayant passé ces sept dernières semaines aux USA afin de soutenir le travail politique impressionnant mené par nos camarades de Socialist Alternative.

Aux USA, Kshama Sawant et Socialist Alternative ont utilisé leur position élue pour directement lancer une campagne afin d’imposer un salaire minimum de 15 dollars de l’heure suite à ce succès électoral. Cette campagne dispose d’un véritable soutien massif, au point même qu’Obama a dû se prononcer sur le sujet. Ce mouvement est évidemment plus développé à Seattle grâce au rôle de Socialist Alternative, mais il s’éparpille partout aux USA. A ceux qui ont demandé à Kshama si elle ne craignait pas de déclencher une véritable ‘‘guerre de classes’’, celle-ci a très justement répondu que cette guerre avait déjà bel et bien lieu, mais d’un côté seulement. Il est grand temps d’organiser la contre-offensive du camp des travailleurs, et ce n’est pas vrai que pour les USA…

MITSOS PANTAZOPOULOS, militant antifasciste et socialiste grec (membre de Xekinima, parti-frère du PSL en Grèce), à propos des leçons de la lutte contre l’austérité et le fascisme en Grèce.

Notre camarade grec Mitsos Pantazopoulos, membre de notre parti-frère Xekinima, a quant à lui abordé ces quatre dernières années où le programme antisocial de la troïka a été appliqué. Les structures économiques et sociales du pays sont détruites, la désindustrialisation est énorme, les institutions publiques ont été privatisées et le salaire minimum a été diminué de plus de 30%. Si l’on a récemment annoncé le retour de la Grèce sur la scène financière, le budget 2013 a même été en excédant, cela n’a été construit que sur les ruines de tout ce que le mouvement des travailleurs avait pu arracher comme conquêtes sociales les années précédentes. Voilà ce que c’est, une guerre de classes !

Ces attaques antisociales ne sont pas restées sans réponse et le pays a connu une trentaine de grèves générales, dont 4 de 48 heures. Le mouvement ouvrier grec a renoué avec ses meilleures traditions et nous sommes actuellement témoins de réels développements révolutionnaires. Il est toutefois impossible de l’emporter avec les dirigeants syndicaux actuels et la plupart des dirigeants de la gauche. Les dirigeants syndicaux restent ainsi attachés à la social-démocratie et appellent à des grèves sans les organiser, afin de donner une expression inoffensive à la colère des masses.

Toujours est-il que la conscience de la classe des travailleurs a profondément changé. Le révolutionnaire russe Léon Trotsky disait en son temps qu’au début de la lutte, la classe ouvrière sait ce dont elle ne veut pas, mais pas encore ce qu’elle veut. Aujourd’hui, la majorité de la société grecque voit maintenant ce qu’elle veut, c’est ce qui réside à la base de l’énorme succès électoral de Syriza en 2012. Ce résultat provenait de son appel à une collaboration de gauche et à l’arrivée d’un gouvernement de gauche qui refuserait notamment de payer la dette publique. Mais une fois ces élections passées, la direction de Syriza a commencé à quitter sa vision radicale. Le succès électoral de Syriza et la perspective qui s’ouvre pour les organisations de gauche ne constitue pas le bout de la route, mais le début d’une nouvelle période de confrontation entre le capital et les travailleurs. Même dans la perspective d’un gouvernement de gauche, il n’y a aucune assurance que les politiciens respectent leur engagement sans un puissant rapport de force du mouvement ouvrier.

Le programme nécessaire dans ce cadre n’est pas valable que pour la Grèce, et divers point ont d’ailleurs été soulignés par la suite, comme le refus de payer la dette publique et la nationalisation du secteur financier et des secteurs clés de l’économie sous contrôle des travailleurs. En Grèce et ailleurs, nous avons besoin d’un front de résistance contre l’austérité basé sur un programme clair et radical.

L’appel financier de Boris Malarme, organisateur de la campagne Gauches Communes à Bruxelles, a permis de rajouter plus de 3.300 euros au fonds de soutien aux actions antifascistes en Grèce et aux campagnes électorales du WASP en Afrique du Sud et de Gauches Communes.

Il a ensuite été question de la Belgique, tout d’abord autour des suites de l’appel du premier mai 2012 de la FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut portant sur la nécessité de construire un relais politique pour les travailleurs à gauche du PS et d’Ecolo. Si la période électorale a permis au PS de mettre suffisamment de pression pour que l’appareil de la FGTB soit ébranlé, le résultat des élections va permettre d’aider à l’appel d’aller de l’avant. L’effet de la période qui s’ouvrira alors avec l’offensive d’austérité qui s’abattra à tous les niveaux de pouvoir en Belgique sera plus important encore. Quelle que puissent être les coalitions qui arriveront au pouvoir, nous assisterons inévitablement à une croissance des luttes sociales. Dans ce contexte, le fossé entre l’aile gauche du syndicat et son aile liée au PS va s’agrandir, la colère des travailleurs va s’amplifier, de même que la réflexion sur le type d’unité dans les luttes dont nous avons besoin (avec quelle liberté de débat, pour quel type d’action, autour de quel type de programme,…).

C’est pourquoi nous lançons un appel à la constitution d’un front de résistance contre l’austérité une fois les élections passées, un front qui regrouperait les syndicalistes combatifs, les mouvements sociaux, et tous ceux qui veulent lutter contre l’austérité. Un tel front pourrait montrer la voix et donner l’espoir d’obtenir des victoires. Comme l’a dit Antoine Thioux au premier mai de la FGTB de Charleroi cette année : c’est par la lutte syndicale que nous transformerons la situation. Il nous faut nous battre pour un réel syndicalisme de combat anticapitaliste et socialiste.

Enfin, Anja Deschoemacker (tête de liste pour Gauches Communes à la Chambre pour Bruxelles) a pris la parole au sujet de l’intérêt des listes Gauches Communes, soutenues par le PSL et le Parti Humaniste, déposées à Bruxelles à la Chambre et à la Région. Lors des élections communales précédentes, les militants de Gauches Communes ont été les seuls à prévenir de ce qui allait se passer et à dire que l’austérité allait s’étendre à tous les niveaux de pouvoir tout en soulignant qu’une fois que cela allait arriver, il fallait résister. Aucune fausse promesse donc, mais un appel à la lutte. Gauches Communes a d’ailleurs pris plusieurs initiatives à ce propos, comme lorsque la commune d’Ixelles a annoncé son plan d’austérité drastique. Anja a développé le programme défendu par Gauches Communes pour Bruxelles, pour que chaque enfant ait une place dans une école, pour un enseignement de qualité, pour disposer de 60.000 nouveaux logements sociaux, pour la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires,… En bref, pour un choc de solidarité contre le choc de compétitivité des partis traditionnels basé sur un plan massif d’investissements publics.

Spectacle de DAVID MURGIA Extraits de “Discours à la Nation’’, écrit et mis en scène par Ascanio Celestini.

Tout cela ne va bien entendu pas tomber du ciel. Il ne s’agit pas simplement de dénoncer la politique des partis établis mais aussi de passer à l’action. Jamais l’élite capitaliste ne libèrera volontairement les moyens nécessaires pour assurer nos droits. C’est la raison pour laquelle Gauches Communes défend la nécessité de la nationalisation des secteurs clés de l’économie et d’un changement de société. Nous sommes évidemment préparés à nous battre pour la libération du mouvement ouvrier et le prouvons dans chaque lutte, mais ce qui est fondamentalement nécessaire, c’est de commencer à créer une alternative réelle.

L’intérêt de ce meeting final fut rehaussé par la représentation théâtrale d’extraits de  »Discours à la nation » (sur base de textes d’Ascanio Celestini) par David Murgia, un spectacle centré autour de la lutte de classe et joué pour la toute première fois en français et néerlandais. Les éclats de rire furent nombreux, et tant les textes que leur interprétation ont su toucher les participants.

Jeunesse et socialisme

En début d’après-midi, avait déjà eu lieu un meeting lors duquel Mathias et Emily, respectivement responsables néerlandophones et francophone du travail jeune du PSL, ont abordé l’intérêt pour la jeunesse de combattre le système capitaliste, mais aussi de se lier à la classe des travailleurs et de discuter d’une alternative, le socialisme. Enseignement, emploi, logement,… l’avenir s’annonce bien sombre pour la jeunesse. Et si l’on ne parle pas encore en Belgique d’une génération ‘‘stérilisée’’, comme en Grèce où il est impossible pour beaucoup de jeunes couples d’avoir un enfant faute de moyens, le terme de ‘‘génération sacrifiée’’ est bel et bien présent dans les médias dominants.

Le révolutionnaire russe Léon Trotsky disait : « La vie n’est pas chose facile… On ne peut pas la vivre sans tomber dans la prostration ou le cynisme, si l’on n’a pas au-dessus de soi une grande idée, qui vous soulève au-dessus de la misère personnelle, au-dessus de la faiblesse et de toutes les félonies et imbécillités… » Dans beaucoup de pays, la jeunesse est encore confrontée à ce cynisme. En Belgique, la cause principale de décès parmi la jeunesse, c’est le suicide, et le nombre de dépressions augmente. Les jeunes sont individualisés face à leurs problèmes, pourtant avant tout sociaux, et sont poussés à se sentir responsables de leur situation. L’absence d’alternative claire pousse aussi des jeunes partout en Europe dans les mains de l’extrême-droite et de la droite populiste qui veulent, tout comme le patronat, que les jeunes aient leur vision brouillée par le nationalisme et ne voient pas leurs intérêts de classe.

Toute une génération doit aujourd’hui apprendre une nouvelle leçon, non pas à l’école, mais dans la rue, en luttant pour leur avenir et pour une autre société.

L’expérience concrète des luttes d’aujourd’hui

La journée prévoyait également deux sessions de quatre ateliers, et il a dû bien souvent être difficile de faire un choix. Le matin, ce fut l’atelier consacré au processus de révolution et de contre-révolution en Afrique du Nord et au Moyen Orient qui a eu le plus de succès. Trois ans après la chute de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte, il est clair que ces renversements n’ont pas constitué un aboutissement mais bien l’ouverture d’un processus où, si l’action de la classe des travailleurs a été décisive pour venir à bout de ces dictateurs, les masses doivent bien constater aujourd’hui que le résultat n’est pas celui initialement espéré.

Comment organiser notre classe jusqu’à la victoire dans le cadre de la véritable guerre de classes qui se développe aujourd’hui à travers le monde ? Ce sujet, central lors de cette commission, a été comme l’on peut s’en douter le véritable fil rouge de ‘‘Socialisme 2014’’.

Les autres ateliers avaient pour thème ‘‘la question nationale en Belgique et le danger de la NVA’’, avec pour introductrice Anja Deschoemacker, ‘‘le marxisme aujourd’hui’’ et ‘‘marxisme et écologie’’.

La seconde session d’ateliers a abordé divers exemples internationaux et nationaux particulièrement important. Tandis qu’une commission était consacrée à l’ouverture grandissante pour les idées du socialisme en Afrique du Sud après le massacre de Marikana en août 2012 et au développement du Workers and Socialist Party, une autre avait pour sujet le thème brûlant de la lutte antifasciste à travers l’Europe, avec notre camarade grec Mitsos et Geert Cool, porte-parole de notre campagne antifasciste flamande Blokbuster.

Un autre atelier était consacré à la lutte pour les droits des femmes à décider librement de leur corps, avec une attention particulière apportée à la situation en Espagne et en Belgique. Aux côtés d’Aisha, de la commission femmes du PSL, se trouvait une représentante d’Izquierda Unida, une coalition de gauche radicale espagnole. Enfin, un dernier atelier a réuni essentiellement des syndicalistes pour discuter de la manière de construire un front de résistance sur les lieux de travail.

Au final, on peut dire que cette journée fut une belle réussite, et nul doute que nous sommes déjà nombreux à attendre ‘‘Socialisme 2015’’. Les impatients pourront toujours participer à notre camp jeunes les 3, 4, 5 et 6 juillet !

 

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