Edito Se tuer à la tâche pour des salaires de misère ? N’attendons pas les élections pour résister !

Boris  Malarme
par Boris Malarme

Le plan de restructuration de la direction de Delhaize, avec la mise sous franchise de l’ensemble des magasins, donne une idée précise de la société que souhaitent les patrons : une société de travailleurs et travailleuses pauvres où plusieurs emplois précaires sont nécessaires pour survivre. Après le soutien apporté à Delhaize par le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), le ministre des PME David Clarinval (MR) en a rajouté une couche en saisissant l’opportunité pour défendre la nécessité d’une nouvelle réforme du marché du travail, prétendument « trop rigide », avec une flexibilité accrue et plus de possibilités pour le travail du dimanche.

D’un « deal pour l’emploi » à l’autre ?

Le MR conditionne la conclusion d’un accord fédéral pour une réforme fiscale à celui d’un deuxième « deal pour l’emploi ». Les libéraux francophones proposent la limitation à deux ans des allocations de chômage et une plus forte dégressivité de leur montant, parlant ainsi d’une même voix avec l’opposition de droite (NVA) et d’extrême droite (Vlaams Belang) flamande au gouvernement fédéral. En bref, il s’agit de forcer chacun à accepter tout type d’emploi précaire, à bas salaire et à temps partiel. Le CD&V est d’accord. Pour la droite, l’agression patronale chez Delhaize sert de prétexte pour populariser l’extension de ce modèle à toute la société.

C’est d’ailleurs ce qui se cache derrière l’accord de la Vivaldi pour l’objectif d’un taux d’emploi de 80% en 2030. On trouve un tel taux d’emploi aux Pays-Bas mais, au total, on y trouve moins d’équivalents temps plein qu’aujourd’hui en Belgique. Autre exemple : les réformes Hartz appliquées en Allemagne entre 2003 et 2005 par la social-démocratie ont généralisé les contrats hyperprécaires et hyperflexibles et ont ouvert la voie, quelques années plus tard, aux « jobs à 1€ » : un euro de l’heure en plus de l’allocation de chômage.

Le 1er « deal pour l’emploi » du vice-premier ministre chargé de l’Économie et du Travail Pierre-Yves Dermagne (PS) avait introduit en octobre 2022 une chasse aux malades de longue durée et la flexibilité accrue de la semaine de travail. Il comportait la fin de la journée de 8 heures et le retour de la journée de dix heures par le biais de la possibilité de prester une semaine de 5 jours en 4. La FGTB avait raison de souligner qu’il s’agissait d’un coup de couteau dans la revendication de diminution collective du temps de travail. À l’aube des élections de 2024, le PS aimerait éviter de remettre le couvert étant la pression du PTB dans les sondages.

Il nous faut un Clabecq 2.0 !

Élargir la procédure Renault pour les licenciements collectifs à la restructuration déguisée en cours chez Delhaize, comme le propose le PS, ne va pas endiguer le phénomène. Le PTB a raison de remettre en question les aides de l’État perçues par Delhaize pour faire pression sur la direction. Mais pour balayer l’ensemble du plan de la direction, il faut bien plus que des propositions parlementaires. Il nous faudra nous battre, non pas sur le modèle de Renault Vilvorde mais sur celui de la lutte des Forges de Clabecq à la même époque. Comment mobiliser 70.000 personnes aux dépôts Delhaize de Zellik comme ce fut le cas à Tubize pour Clabecq ? Le soutien aux travailleurs est remarquable aujourd’hui aussi, reste à construire la mobilisation de celui-ci.

Les travailleurs pauvres à temps partiel et à bas salaires (majoritairement des femmes), avec leurs carrières morcelées, sont aussi les cibles du projet de réforme des pensions de Karine Lalieux (PS). Idem pour le projet de réforme fiscale de Vincent Van Peteghem (CD&V) qui veut limiter la progressivité de l’impôt direct en faveur d’une augmentation d’un impôt non progressif comme la TVA. Les plus bas revenus ne bénéficieront pas ou très peu d’une hausse « de salaire poche ». Sans hausse des salaires bruts, ce ne sont pas les patrons qui financent, mais les travailleurs par d’autres impôts ou au détriment de la sécurité sociale, dont les pensions. La hausse de la TVA à 9% sur la plupart des produits de première nécessité (viande, poisson, pain, céréales, produits laitiers) pèsera plus lourd sur les dépenses des plus petits revenus. Les prix des caddies ont déjà augmenté de 20 % en un an ! Près de la moitié des habitant.es sont en difficulté financière ! Un record ! Parmi les 20 % des revenus les plus bas, c’est même presque 7 sur dix.

Sommes-nous condamnés à choisir entre austérité dure et douce ?

Mais Pierre Wunsh (MR), directeur de la Banque Nationale, avertit qu’un 2e « deal pour l’emploi » ne sera pas suffisant au regard de l’état des finances publiques. Il prépare le terrain pour un retour à l’austérité plus dure à tous les niveaux. Les pensions et la sécurité sociale sont particulièrement dans le viseur. L’enjeu des élections de 2024 se précise. Alors que la proposition de Lalieux sur les pensions représente une économie de 0,4 % du PIB pour 2070, le MR propose pas moins de 1,2 % d’économie: la proposition la plus à droite du parti le plus à droite du gouvernement commente un journaliste du quotidien patronal L’Écho. Alors que l’enseignement francophone est en lutte, le ministre président Pierre-Yves Jeholet (MR) propose d’éponger la dette de la Fédération Wallonie-Bruxelles en dégradant les conditions de travail des profs et d’encadrement des élèves.

Que va faire le PS avec le MR de Bouchez, Clarinval et Jeholet et ses airs de trumpisme ? Une répétition des plans d’austérité brutaux en 1993 au niveau fédéral et de 1995-1996 dans l’enseignement ? Ou bien choisir l’option de majorités de gauche avec le PTB dans l’idée d’appliquer une austérité plus douce sur le modèle des gouvernements sociaux-démocrates au Portugal et en Espagne ? Il s’agit d’un autre modèle de gestion du capitalisme en crise que celui d’une confrontation frontale avec la classe travailleuse. Il repose sur le principe que les difficultés économiques dictent d’attendre un peu avant d’adopter des mesures qui aggraveront les éléments de récession.

Pour de réelles majorités de gauche, le PTB doit partir des besoins à satisfaire, pas des carcans budgétaires imposés. Toute forme d’austérité, même douce, doit être brisée. La gauche doit faire une vraie différence. L’autre scénario, celui du Vlaams Belang, est un cauchemar pour les personnes issues de l’immigration, les femmes, les personnes LGBTQIA+, les jeunes et les syndicalistes. On ne peut combattre l’extrême droite avec un « front démocrate » au côté des artisans des conditions du succès électoral de l’extrême droite ! Il nous faut un front uni des travailleurs dans une lutte commune contre le capitalisme.

Mais l’instauration d’une taxe sérieuse sur les fortunes provoquera une riposte patronale immédiate. Comment s’y préparer ? Face aux délocalisations et aux restructurations, il faudra recourir à la réquisition de l’outil et des capitaux et à la nationalisation pour sauver l’emploi. À une crise de solvabilité de la dette face aux marchés, nous pourrons répondre par le non-paiement aux créanciers sauf sur base besoins prouvés. Face à la fuite des capitaux, nous pouvons nationaliser tout le secteur financier sous contrôle de la collectivité.

Les bases seraient ainsi posées pour en finir avec l’économie de marché et introduire une planification démocratique de l’économie. 175 ans après le Manifeste du parti communiste de Marx, ces questions sont plus que jamais d’actualité. Nous avons besoin d’un programme socialiste révolutionnaire qui a l’ambition d’en finir avec la propriété privée des moyens de production.

Vous désirez en savoir plus sur nos propositions pour la lutte ? Participez à nos journées « Socialisme 2023 » les 14 & 15 avril !

Samedi 15 avril. De 14h à 15h30. Meeting central. Crise économique, polarisation politique, déclin social et tensions communautaires : où va la Belgique et comment le mouvement ouvrier peut-il imposer ses préoccupations à l’agenda ? Que peuvent faire les jeunes, les socialistes révolutionnaires et les syndicalistes de combat ? Quelles leçons pouvons-nous tirer des luttes en France ? Qu’en est-il des élections de 2024 ? Comment combattre la menace de l’extrême droite, du racisme et des discriminations ? Y aura-t-il des coalitions de gauche avec le PTB après 2024 et sur base de quel programme ? Quelle est la différence entre un parti révolutionnaire comme le PSL et un parti comme le PTB ?

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