L’extrême droite se nourrit du désespoir sans y apporter la moindre solution

La victoire électorale de Meloni en Italie et la tentative de coup d’État des partisans de Bolsonaro au Brésil ont remis l’extrême droite sous le feu des projecteurs. Pourquoi une telle victoire électorale de l’extrême droite en Italie à peine plus de cent ans après la marche sur Rome de Mussolini ? Pourquoi Bolsonaro a-t-il perdu son pouvoir après juste un mandat ? Pourquoi le Vlaams Belang se dirige-t-il probablement vers un score monstrueux en 2024 ?

Par Koerian (Gand), article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

Crise et désespoir

L’extrême droite repose sur le désespoir. Lorsque les gens ne sont plus en mesure d’acheter une maison, font la queue à la banque alimentaire, ne peuvent plus obtenir un lit à l’hôpital et ne voient aucune solution constructive pour sortir de cette misère. À ce moment-là, le caractère diviseur des semeurs de haine comme Van Langenhove, Meloni, Orban ou Bolsonaro gagne du terrain. Nous vivons un tel moment aujourd’hui. Le capitalisme traverse sa crise la plus profonde depuis les années ‘30. La hausse des prix érode les salaires, les maisons et les loyers deviennent inabordables, l’enseignement et les soins de santé sont au bord de l’effondrement.

L’extrême droite peut marquer des points dans un contexte de manque de moyens et de problèmes sociaux. Elle se construit également une base sociale parmi des éléments confus et parmi les couches les plus précarisées de la société. L’assaut du Capitole et l’assaut de Brasilia en sont des expressions.

Un vernis social…

L’extrême droite recouvre de plus en plus sa haine d’une couche de vernis social. Lors de sa dernière campagne électorale, le Vlaams Belang a mis l’accent sur la revendication d’une pension minimale de 1.500 euros après 40 ans de travail. Orban et le gouvernement polonais PiS ont augmenté les allocations familiales. Meloni essaie de vendre sa taxe forfaitaire de 15% comme une mesure pour la classe moyenne. Bolsonaro a été élu sur un discours anticorruption et a tenté de marquer des points avec un enchevêtrement de petits avantages au printemps dernier avant les élections. Cela montre que l’extrême droite ressent également la pression pour trouver des réponses sociales. Elle essaie d’être perçue comme opposée à l’establishment dominant, la haine seule ne suffit pas à maintenir la démagogie à flot.

… qui s’écaille rapidement

La réalité de l’extrême droite au pouvoir est tout sauf sociale. L’extrême droite défend les intérêts des dirigeants d’entreprise et des PDG.

Le Vlaams Belang a voté contre l’augmentation du salaire minimum, pour la chasse aux malades de longue durée, pour la loi de 96 sur les normes salariales qui, aujourd’hui encore, bloque nos salaires. Orban a réduit les subventions à l’énergie. Bolsonaro a relevé l’âge de la retraite et réduit les pensions des veuves.

Meloni a immédiatement déclaré son allégeance à l’UE et à l’OTAN. Elle veut être considérée comme un partenaire fiable par la classe dominante. Le budget de l’Italie dépend d’un plan de relance européen de 191,5 milliards d’euros (68,9 milliards d’euros de subventions et 122,6 milliards d’euros de prêts). Le gouvernement Meloni est pieds et poings liés aux diktats de l’UE. Pour faire passer plus facilement les coupes à venir, le gouvernement a mis en œuvre le décret dit « anti-raves ». Le prétexte des raves parties masque une attaque contre tout ce qui « compromet l’ordre public » avec des peines de prison de 3 à 6 ans pour les organisateurs. Il ne faudra pas longtemps avant que cette loi soit utilisée contre les grèves et les manifestations. Le racisme, le sexisme et LGBTQIA+phobie servent le même objectif : briser violemment la contestation des politiques antisociales.

Ces politiques antisociales sont également la plus grande faiblesse de l’extrême droite. Après une première participation au gouvernement au début du siècle, le FPÖ autrichien a perdu plus de la moitié de ses voix. Il y a eu de larges protestations contre une attaque sur les pensions. En mai 2019, le gouvernement des conservateurs et de l’extrême droite est tombé après des manifestations contre l’introduction d’une journée de travail de 12 heures et des coupes budgétaires dans les soins de santé. Cette situation a été aggravée par un scandale de corruption concernant le président du FPÖ, Heinz-Christian Strache. Bolsonaro et Trump ont perdu leur soutien en raison de la hausse de la pauvreté, de l’échec de leur politique COVID et de leur propre corruption. En Hongrie également, ce sont les protestations contre les récentes mesures d’austérité qui constituent le plus grand défi pour Orban.

Le moindre mal

Lorsque l’extrême droite menace, beaucoup de gens choisissent le moindre mal. Il est compréhensible que les couches opprimées souhaitent une fin rapide à un climat de discrimination violente. Sous Lula et Biden, la discrimination et la haine seront moins importantes que sous Bolsonaro et Trump. Pour les personnes de couleur, cela fait une différence que Macron ou Le Pen soit président français. Mais il faut admettre que les politiques procapitalistes de Lula et de Biden continuent d’accroître le terreau de l’extrême droite.

En outre, le moindre mal est de moins en moins une garantie de victoire. La profondeur de la crise sociale crée une profonde colère contre l’establishment. Faire appel à cet établissement pour éviter le pire fonctionne d’ailleurs de moins en moins. Biden et Bolsonaro ont gagné de justesse lors d’élections à très faible taux de participation. Une coalition de presque tous les partis bourgeois n’a pas pu vaincre Orban en Hongrie, pas plus que de grands blocs électoraux n’ont pu défier le PiS en Pologne.

Lutter pour un programme social

Pour stopper l’extrême droite, il faut passer à l’offensive avec la gauche et les syndicats pour une augmentation des pensions, des allocations sociales et des salaires, une réduction du temps de travail avec maintien des salaires, un réinvestissement dans les services publics : un programme qui répond aux besoins populaires immédiats. De cette manière, le désespoir individuel qui génère les votes d’extrême droite peut laisser place à un espoir collectif de changement social. Il est impossible de le faire durablement dans un système qui place les profits d’une petite minorité au-dessus des besoins et des vies de la majorité. Le socialisme ou la barbarie est toujours le choix auquel nous sommes confrontés.

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