Le 9 novembre dernier, plus de 800 piquets de grève recouvraient un pays à l’arrêt. Une belle réussite, en dépit des réticences de certains, dans les hautes sphères syndicales, qui « nous mobilisent avec le frein à main », comme nous l’écrivions dans notre tract. Le constat était partagé sur les dizaines de piquets visités par nos équipes militantes.
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Quel aurait été l’effet d’entraînement si les 80.000 personnes qui avaient répondu à l’appel du front commun syndical pour manifester à Bruxelles le 20 juin étaient retournées auprès de leurs collègues et de leurs proches avec la date d’une grève générale et du matériel de mobilisation ? Malgré tout, le 21 septembre, un rassemblement syndical qui se voulait symbolique est devenu sous la pression des affiliés une manifestation de 20.000 personnes. A la tribune, c’est la mention de la grève générale qui a suscité l’enthousiasme. Mais même alors, les hésitations ne manquaient pas chez les dirigeants syndicaux. Finalement, la grève générale était passée de 15 jours lorsque la manifestation nationale de décembre a été annoncée par la FGTB, tandis que les secteurs partaient déjà à la bataille en ordre dispersé. La mobilisation hoquette, et cette irrégularité sans perspectives claires nourrit l’exaspération.
Canaliser la colère ?
Au sein des équipes gouvernementales et dans les milieux patronaux, on espère avant tout que les syndicats soient en mesure de canaliser la colère et de jouer un rôle de digue contre les « dérapages sociaux ». L’intention est partagée dans les sommets syndicaux, comme l’exprime ouvertement Marie-Hélène Ska (Secrétaire Générale de la CSC): « Notre rôle est de ne pas hurler à tort et à travers. Nous sommes les premiers à dire que les réponses à apporter à la crise actuelle ne sont pas simples. Et nous savons qu’il est faux de dire que rien n’a été fait. »
Tant dans l’appareil dirigeant de la CSC que dans celui de la FGTB, la tendance est à la répétition du scénario de la pandémie : se montrer « responsable » vis-à-vis des autorités en attendant le « retour à la normale ». Sans ouvertement empêcher la prise d’initiative par des délégations ou des secteurs, les structures évitent soigneusement de les coordonner et de les stimuler pour construire un véritable rapport de force offensif. La peur panique du retour d’un gouvernement de droite dure conduit les dirigeants syndicaux à l’acceptation résignée des limites étroites de la logique du marché et à un soutien officieux au gouvernement fédéral.
Un programme à hauteur des enjeux
« Pour vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace », disait Danton à l’époque de la Révolution française. L’audace d’agir, mais aussi d’exiger. La meilleure manière de prendre le pouls de la situation, d’impliquer le plus de monde possible dans l’action et dans les décisions et de consolider la dynamique de lutte à chaque étape, c’est de généraliser les assemblées du personnel et de défendre une démocratie de combat. De cette manière, les spécificités et besoins de chaque secteur pourraient également être pris en compte et intégrés dans le programme plus large du mouvement.
Un programme n’est pas figé, il vit et se développe au fur et à mesure de la lutte. Il déclenche celle-ci, mais s’y adapte aussi pour ne laisser aucun chantage patronal sans riposte. Quand nous parlons d’augmentation de salaire – 2 euros de plus de l’heure pour tout le monde et un salaire minimum de 15 euros, ce n’est quand même pas trop demander – les patrons crient qu’ils ont la corde au cou. Des (petites) entreprises et des indépendants étouffent, essentiellement parce que l’énergie coûte trop cher. Mais leur désarroi est cyniquement instrumentalisé par les fédérations patronales pour attaquer nos salaires et dévier l’attention des bénéfices record ailleurs.
Quand des entreprises alertent de leurs difficultés, exigeons l’ouverture de leur comptabilité pour vérifier si leurs comptes sont bien à sec et si les actionnaires n’ont pas été dorlotés au lieu de constituer des réserves. Et si des entreprises menacent de licencier, il faut les nationaliser sans rachat ni indemnité (sauf sur base d’un besoin avéré) et les placer sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs et de la collectivité. Nous devons d’ailleurs directement le faire pour des secteurs clés de l’économie tels que l’énergie et la finance.
La crise du capitalisme réduit le réformisme à l’impuissance
Une des raisons des hésitations dans les sommets syndicaux est d’ordre politique. On y craint qu’un mouvement social fasse tomber le gouvernement fédéral déjà faible et divisé, car il serait remplacé par un gouvernement appliquant les mêmes politiques si ce n’est encore pire. Gardons en tête que tout gouvernement arrivé au pouvoir une fois son prédécesseur dégagé par le mouvement ouvrier aurait une ardeur antisociale sérieusement refroidie. Et quelle confiance cela donnerait à la base militante !
Une autre raison est d’ordre économique. Selon la Commission européenne, la Belgique devrait entrer officiellement en récession (deux trimestres de croissance négative consécutifs) à la fin de l’année, à l’instar de la zone euro. Cela aura un impact sur les finances des autorités publiques ou encore sur le taux de chômage. Pour combien de temps ? « L’incertitude reste exceptionnellement élevée », dit la Commission. Incertitude partagée dans les sommets syndicaux.
En substance, ces doutes proviennent du manque d’alternative et de l’impasse du réformisme. Si l’on ne réfléchit qu’en fonction de ce que permet la camisole de force d’un système capitaliste qui plonge d’une crise à l’autre sans sortir de la précédente (récession, climat, guerre, inégalités…), on ne peut pas aller bien loin. D’où l’écho syndical en faveur de la proposition de primes pour certaines catégories de travailleurs, ou la vieille prière pour « plus de justice fiscale ».
De plus en plus de gens comprennent bien qu’il n’y a plus d’autre choix que d’envoyer ce système à la poubelle, sans savoir par où le prendre ni dans quelle direction aller. De là un découragement qui explique que certains cherchent un réconfort dans de petites mesures progressistes, ou considérées comme telles, qui existent à l’étranger et expliquant que l’on peut avancer centimètre par centimètre alors que la catastrophe nous fonce dessus. Nous devons explicitement et audacieusement lier les inquiétudes du quotidien au type de société socialiste démocratique dont nous avons besoin en alternative à la barbarie capitaliste. En faire l’économie peut sembler plus facile, mais cette pente conduit à une dangereuse impasse.
Défendre une telle alternative, cela donne de plus un objectif ambitieux de nature à renforcer l’enthousiasme pour construire un puissant rapport de force. N’oublions pas non plus que nous ne sommes pas seuls. Notre combat s’inscrit dans un contexte de renaissance des luttes ouvrières à travers l’Europe. Au lieu de laisser les patrons nous monter les uns contre les autres au nom de la « compétitivité », nous avons besoin d’une coordination de lutte internationale. Le capitalisme est un système international, notre organisation doit l’être également. C’est pourquoi le PSL/LSP fait partie d’une organisation socialiste révolutionnaire mondiale, Alternative Socialiste Internationale. Votre place vous attend à nos côtés.