Côte d’Ivoire : Soutien aux travailleurs des Grands Moulins d’Abidjan (GMA)

Stop à la victimisation des syndicalistes ! Réintégrez les dirigeants limogés du SYT-GMA !

Les « Grands Moulins d’Abidjan », ou GMA, sont des minoteries situées dans la zone portuaire de la capitale ivoirienne, qui occupent un rôle clé dans l’économie du pays. Ils produisent de la farine de blé, du son de blé et de l’alimentation animale, commercialisés dans toute l’Afrique de l’Ouest, dont 70 % de la farine distribuée en Côte d’Ivoire même. En 2018, les Grands Moulins ont été rachetés par une multinationale américaine cotée à la Bourse de New York appelée Seaboard Corporation, qui opère dans 45 pays à travers le monde, dont 16 sur le continent africain. La nomination d’un nouveau directeur par le groupe en juin 2020 a marqué le début d’une offensive contre les conditions de travail et les droits des salariés.

Par Militant CI (ASI en Côte d’Ivoire)

En avril 2021, suite à une grève infructueuse des travailleurs des GMA, ils décident de créer leur propre syndicat indépendant, le SYT-GMA (Syndicat des Travailleurs des Grands Moulins d’Abidjan). La création d’une représentation syndicale digne de ce nom fut la conséquence logique de l’inertie de longue date des « délégués » de l’époque, affiliés à l’Union Générale des Travailleurs de Côte d’Ivoire (UGTCI), lesquels étaient cooptés par la direction et travaillaient main dans la main avec cette dernière pour étouffer toute véritable revendication des travailleurs, et avaient dévoyé leur grève pour des raisons intéressées. « “Ils répondaient aux ordres de la direction, pas des travailleurs »”, nous dit Digbé Patrick Raymond Lucien, le secrétaire général du SYT-GMA, lors d’un entretien avec Militant CI.

Après sa création, le SYT-GMA s’est battu pour obtenir la première élection syndicale plurielle et transparente sur le lieu de travail en 58 ans, une élection au cours de laquelle il obtint une majorité écrasante, avec 8 délégués du personnel élus sur 10 appartenant au nouveau syndicat – et ce après seulement 3 mois d’existence. 160 des 260 ouvriers et employés des GMA sont désormais affiliés au SYT-GMA.

La combativité et l’absence de compromissions du SYT-GMA dans sa lutte contre l’exploitation des travailleurs et les conditions de travail précaires au sein de l’entreprise, et dans sa contestation des diktats patronaux, a rapidement modifié le rapport de forces et permis d’obtenir des gains importants pour les travailleurs des GMA. Ceux-ci comprennent, entre autres, une assurance maladie pour tous les ouvriers et employés (qui n’était auparavant disponible que pour les cadres de l’entreprise), des allocations familiales, la réhabilitation des vestiaires, ou l’accès à de l’eau minérale propre pour tous les travailleurs au lieu de l’eau insalubre qu’ils étaient obligés de boire auparavant.

La réponse de la direction face à l’émergence du SYT-GMA ne s’est pas faite attendre, avec une longue série de tactiques de harcèlement et d’intimidation, combinée à des tentatives d’amadouer et de compromettre les nouveaux délégués par des faveurs matérielles et un traitement privilégié — une tentative évidente de neutraliser le nouveau syndicat. Les patrons étaient en effet habitués à des délégués qui rentrent dans le rang, et qui ne les contredisent presque jamais — pas à des délégués qui résistent et organisent les travailleurs dans l’entreprise afin d’améliorer leur sort.

Le point culminant de cette campagne vindicative de la part des patrons est tombé cet été avec leur décision de licencier cinq membres du bureau exécutif du SYT-GMA en mai, juin et juillet — juste après que le syndicat eut déposé un préavis de grève sur la base d’une série de revendications auxquelles la direction avait fait la sourde oreille. Ces revendications comprenaient, ironie du sort, la fin du harcèlement des représentants syndicaux, mais aussi le respect de la semaine de 40 heures, des primes de travail de nuit, une allocation logement, la présence d’un service de santé la nuit et la définition d’une grille salariale claire. 

Ces licenciements sont clairement illégaux aux yeux de la constitution ivoirienne qui, dans son article 17, garantit sur le papier le droit de grève, tant dans le secteur public que privé. Ils ont été faits sans aucune compensation, et avec la pleine complicité et l’approbation formelle de l’Inspection du travail. Comme les travailleurs s’en sont vite rendu compte, l’État a agi de mèche avec les patrons des GMA pour briser leur lutte, la police spéciale du Port ayant même été mobilisée pour arrêter temporairement plusieurs dirigeants du SYT-GMA en mai de cette année.

Alors que les prix continuent d’augmenter dans tout le pays et que les travailleurs sont plus sous pression financière que jamais, l’entreprise choisit d’attaquer le seul véritable syndicat des travailleurs par tous les moyens disponibles, plutôt que de faire la moindre concession. Cette intransigeance patronale n’a rien à voir avec un manque de capacité matérielle pour l’entreprise : les GMA font un chiffre d’affaires d’au moins 300 millions de francs CFA par jour (=environ un demi-million de dollars américains) tandis que Seaboard Corporation a enregistré un bénéfice de 2,4 milliards d’euros en 2016. Cela a tout à voir avec une tentative d’intimidation des travailleurs pour qu’ils se gardent de soutenir le syndicat, pour les maintenir dans la peur et la pauvreté en paralysant leur principal moyen de résistance, tout ça afin d’assurer la poursuite par les patrons de leur guerre de classe à sens unique, et remplir les comptes en banque des actionnaires de la compagnie.

Militant CI et ASI appellent à la plus ample solidarité internationale possible avec la lutte courageuse des travailleurs des GMA et de leur syndicat. Une issue positive à cette lutte pour les droits syndicaux et la dignité des travailleurs pourrait avoir un impact beaucoup plus large dans la reconstruction d’un mouvement ouvrier organisé et combatif en Côte d’Ivoire. C’est particulièrement le cas compte tenu de la place particulière qu’occupent les GMA dans l’économie ivoirienne et de leur localisation dans une zone industrielle concentrée, là où des dizaines de milliers d’autres travailleurs sont confrontés à des conditions d’abus similaires et à un manque de syndicats réels. C’est pourquoi les travailleurs des GMA ont besoin de notre solidarité et de notre soutien, et pourquoi le reste du mouvement syndical et socialiste, en Côte d’Ivoire et à l’échelle internationale, devrait se joindre à leur lutte.

Non au management dictatorial ! Défendons les libertés syndicales ! Réintégrez les dirigeants licenciés du SYT-GMA, et améliorez les salaires et les conditions de tous les travailleurs !

Vous pouvez aider dans cette lutte pour la liberté syndicale en:

  • envoyant des lettres de protestation (voir ci-dessous un modèle de lettre pouvant être utilisé à cet effet) à gregs@somc.co.za (Greg Stough, Directeur Général Afrique de Seaboard Corporation) et à seaboard@seaboardcorp.com (Siège gGénéral de Seaboard Corporation à Kansas City, Etats-Unis), avec copie à odigbahio@gmail.com (Militant CI)
  • appelant le +1 913-676-8800 (Siège gGénéral de Seaboard Corporation à Kansas City), pour exiger la réintégration immédiate de Digbé Patrick Raymond Lucien, Coulibaly Ibrahima, Dosso Lassina, Ehui Atta Jean Claude et Sieni Désiré
  • partageant cet appel à la solidarité sur les réseaux sociaux. 

Modèle de lettre de protestation:

« Madame, Monsieur,

Nous avons/j’ai pris connaissance des cinq licenciements abusifs de dirigeants du Syndicat des Travailleurs des Grands Moulins d’Abidjan (SYT-GMA) que votre entreprise a conduits cette année. Nous sommes/je suis pleinement conscient(e)(s) que cette décision est directement liée à leur activité syndicale, ce qui est en violation flagrante de la loi. Cette décision fait partie d’une campagne plus large visant à générer la peur et l’intimidation contre les travailleurs des Grands Moulins qui tentent de s’organiser sur leur lieu de travail pour protéger leurs droits les plus élémentaires. Nous sommes entièrement solidaires des travailleurs des GMA et du SYT-GMA dans leur lutte pour la liberté syndicale et pour que leurs justes revendications pour de meilleures conditions de travail et de rémunération soient pleinement satisfaites. Nous/j’exigeons/e la réintégration immédiate de Digbé Patrick Raymond Lucien, Coulibaly Ibrahima, Dosso Lassina, Ehui Atta Jean Claude et Sieni Désiré, et veillerons/veillerai à ce que, faute de quoi, les pratiques abusives de votre entreprise soient largement exposées.

Bien à vous,

XXX. »

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