Le soulèvement révolutionnaire en Iran se poursuit depuis plus de deux mois maintenant. Des actions héroïques de rue menées par les femmes et la jeunesse ont été décisives pour inciter au soulèvement des couches plus larges de la société et de la classe ouvrière.
Par des membres d’ASI (Alternative Socialiste Internationale) issus d’Iran et en Iran
Ce texte, ainsi que d’autres, ont été discutés et rédigés avec des militants sur le terrain et ont été traduits pour être diffusés en Iran. Les sections d’ASI s’engagent à construire le mouvement de solidarité internationale, non seulement pour exprimer leur solidarité et faire pression dans leur propre pays, mais aussi pour aider réellement à construire la lutte pour une alternative socialiste en Iran. Si vous êtes d’accord avec nos idées et notre programme, aidez-nous à les diffuser en ligne et directement parmi les masses en Iran et à construire une organisation révolutionnaire sur le terrain.
La lutte pour un pouvoir alternatif au régime islamique
Le soulèvement révolutionnaire en Iran est en cours depuis plus de 2 mois maintenant. Des actions héroïques dans les rues, menées par les femmes et les jeunes, ont été décisives pour inspirer des couches plus larges de la société et la classe ouvrière à se soulever.
La réaction brutale du régime n’a pas encore stoppé les masses. Les manifestations de rue ont même pris de l’ampleur et se sont radicalisées. Les différents appels lancés par les organisations d’étudiants et de jeunes pour mettre en place des structures organisées sont cruciaux pour les prochaines étapes. Celles-ci doivent être reliées aux structures qui se sont développées ces dernières années en plusieurs lieux de travail, comme à l’usine de sucre Haft Tappeh. D’autres similaires se développent actuellement.
En dépit de la bravoure dont font preuve les jeunes tout particulièrement, la menace de condamnation à mort des manifestants emprisonnés peut conduire à la démoralisation et à la peur parmi des couches plus larges de la classe ouvrière. En outre, le mouvement manque toujours d’une direction claire, alors que différentes forces extérieures au pays, telles que les monarchistes et celles soutenues par les forces impérialistes, tentent de se présenter comme ses dirigeants. Il s’agit d’une véritable menace pour le mouvement. Ces forces ne représentent pas du tout les masses populaires. La lutte a besoin d’une direction, mais d’une direction issue du mouvement révolutionnaire lui-même, qui représente les intérêts de la grande majorité de la population et est totalement indépendante de toute puissance impérialiste.
C’est pourquoi la coordination entre les groupes d’étudiants existants, les comités de lutte régionaux, les syndicalistes, etc. et leur rassemblement afin d’organiser une assemblée constituante révolutionnaire sont plus importants que jamais. Ce serait un pas important vers la construction d’une direction réelle visant à assurer la prise du pouvoir par le mouvement de lutte.
Les fermetures généralisées des marchés et des magasins de même que les protestations des étalagistes des bazars, qui se sont étendues au-delà des régions kurdes, ont été frappantes. Les grèves et les sit-in étudiants sont une source continuelle d’inspiration pour la résistance contre l’Etat et les forces de sécurité. Mais si différentes associations de travailleurs et des militants ouvriers de premier plan n’ont cessé d’exprimer leur solidarité avec les mobilisations contre le régime et s’y sont joints, les grèves dans les différentes industries n’ont pas encore atteint la portée, l’étendue et la durée nécessaires pour arracher la victoire.
À ce stade, le danger d’une nouvelle répression du mouvement encore plus sanglante est réel. Nous avons besoin d’une stratégie et d’un programme pour aller de l’avant et faire passer le mouvement à un stade supérieur, afin d’empêcher tout recul décisif. La menace de condamnation à mort des militants emprisonnés, la poursuite de l’utilisation consciente du viol et de la violence sexiste par les forces de sécurité, les meurtres de jeunes écoliers et d’enfants : tout cela démontre que le régime est déterminé à briser le mouvement de toutes ses forces.
Le courage des masses est loin d’avoir disparu, mais il ne suffira pas pour renverser le régime. Le régime est ébranlé, mais il pourra s’accrocher au pouvoir tant qu’il n’y aura pas de force alternative visible capable de prendre le pouvoir et d’exproprier les principaux leviers de l’économie des mains des élites dirigeantes. Pour s’emparer du pouvoir économique et politique, il faut une alternative politique et organisationnelle concrète autour de laquelle les masses puissent se rallier et transformer leur pouvoir potentiel en un pouvoir réel.
Afin d’empêcher le mouvement de s’éteindre, un tel pouvoir alternatif doit être construit maintenant en reposant sur les structures de base qui se sont déjà répandues partout. Dans certaines villes, des postes de police ou des bâtiments administratifs sont incendiés ou même occupés par des manifestants. Nous savons également que la police et les Basijis (membres d’une force paramilitaire fondée par l’ayatollah Khomeini en novembre 1979) ont déjà des difficultés à contrôler leurs propres forces. Certains rapports indiquent qu’ils ont commencé à utiliser les milices libanaises du Hezbollah pour réprimer les manifestations. Dans certaines régions, les manifestants ont contrôlé de petites villes pendant plusieurs heures. Ces batailles se déroulent régulièrement, nuit après nuit.
Des structures d’autodéfense se développent contre les forces armées, de même que des structures de coordination et de discussion. Les médecins et le personnel des soins de santé ont organisé un réseau souterrain afin de soigner les personnes blessées par la répression. Des structures démocratiques doivent être mises sur pied pour consolider et amplifier ces initiatives afin de permettre la prise de contrôle des villes et des régions par les masses de travailleurs et de pauvres. Très rapidement, la question du pouvoir alternatif des masses sera cruciale pour le mouvement. La détermination populaire a déjà poussé les forces du régime à battre en retraite à plusieurs reprises.
Là où certaines parties de l’administration et des services publics s’effondrent, des organes démocratiques du mouvement doivent s’y substituer. Pour commencer à prendre le pouvoir localement – dans les villes et les quartiers, sur les lieux de travail et dans les écoles – là où le régime est obligé de se retirer, les conseils de travailleurs et d’étudiants organisés démocratiquement sont la clé. Il s’agit également d’organiser l’autodéfense, ce qui implique la création de milices ouvrières et de comités d’autodéfense démocratiques et multiethniques pour résister collectivement à la répression d’État. En ce moment, il faut également lancer des appels à destination de la base de la police et des forces de sécurité pour que celle-ci désobéisse, refuse d’accepter d’appliquer la répression et rejoigne la lutte révolutionnaire.
Ces conseils devraient étendre le mouvement de grève vers l’organisation d’une grève générale, mais ils pourraient aussi immédiatement prendre le pouvoir, prendre en main l’administration locale et se rassembler au niveau régional et national, jusqu’à la tenue d’une assemblée constituante. Ils pourraient commencer à désarmer les forces répressives et à arrêter et juger les criminels du régime, les Basijis, les Gardiens de la révolution (organisation paramilitaire dépendant directement du chef de l’État).
Tant qu’un tel pouvoir alternatif ne sera pas construit, il sera plus facile pour le régime de stabiliser la situation – même si ce n’est qu’à court terme. Certaines forces réformistes défendent l’organisation d’un nouveau référendum sur la constitution. C’est une tentative de faire taire le mouvement révolutionnaire et de le canaliser loin des rues et des lieux de travail. Il ne faut pas réaffirmer la constitution théocratique. Tant que le brutal régime actuel est toujours en place, aucun véritable vote démocratique ne peut être organisé. Une assemblée constituante révolutionnaire élue parmi les masses – excluant toutes les forces qui ont participé à la répression, à l’oppression et à l’exploitation ou qui ont collaboré avec le régime – devrait décider démocratiquement de l’avenir du pays.
Alors que l’incroyable richesse du régime, des gardiens de la révolution et d’autres n’a pas été touchée, et alors qu’ils continuent à profiter de l’exploitation massive de la classe ouvrière et des pauvres, l’inflation et la crise économique actuelle signifient davantage de famine et de misère.
Briser leur pouvoir économique par le biais de conseils de travailleurs à l’échelle nationale qui pourraient commencer à prendre le contrôle de la production et de l’ensemble de l’économie sera crucial. C’est la seule façon de lutter pour l’expropriation des Gardiens de la révolution, de l’ensemble de la classe capitaliste et pour une production planifiée démocratiquement afin de répondre aux besoins des masses et de l’environnement. En fait, ces conseils poseraient la question du pouvoir et fourniraient une alternative. De cette façon, nous pouvons empêcher les forces hostiles aux intérêts de la grande majorité de la société de profiter de tout vide lorsque le régime tombera. Ces forces hostiles comprennent les pseudo-alternatives, dans le pays ou à l’étranger, qui collaborent avec l’impérialisme, la famille du Shah et d’autres qui veulent échanger un régime qui exploite les richesses de l’Iran à ses propres fins par un autre qui fait de même.
Construire un parti révolutionnaire des masses ouvrières, des étudiants, des paysans et des pauvres
C’est pourquoi une organisation socialiste dotée d’un programme révolutionnaire et capable de proposer un programme et une stratégie pour que les masses prennent le pouvoir est cruciale dans cette situation. Beaucoup, surtout les jeunes, voient la nécessité d’organiser leur colère et leur détermination. La riche histoire révolutionnaire du pays avec un fort mouvement de la classe ouvrière et des organisations socialistes a été brutalement écrasée par les Mollahs. De plus, les organisations socialistes et communistes qui ont continué à avoir quelques forces dans le pays sont discréditées aux yeux de beaucoup en raison de leurs erreurs massives dans le passé – principalement en remettant le pouvoir aux Mollahs en 1979 pour se débarrasser du Shah au lieu de construire un Iran socialiste indépendant.
Il est important que la gauche en général tente de reconstruire ses forces, également sur le terrain, mais cela doit se faire sur la base des leçons tirées de la révolution volée de 1979 et du passé en général. Nous voulons discuter du programme nécessaire pour le mouvement maintenant avec toutes les forces qui s’engagent à reconstruire le mouvement socialiste de la classe ouvrière.
La tâche immédiate est de commencer à construire une force politique par les étudiants, les travailleurs, les paysans et les pauvres. Il faut se rassembler autour de revendications concrètes pour mettre fin à l’oppression des femmes, des personnes LGBTQI+ et des nations et s’assurer que ces revendications sont placées au centre de la lutte révolutionnaire. Elles doivent être liées à des revendications démocratiques telles que la libération de tous les prisonniers politiques, les pleins droits pour les groupes d’opposition organisés, les partis et les syndicats, avec des revendications pour mettre fin à toutes les formes d’exploitation, pour l’emploi, le logement, les droits des travailleurs, etc.
Il n’y a pas de lutte pour l’une de ces questions sans l’autre, elles ont toutes la même source : le système capitaliste d’exploitation et d’oppression. Nous devons lutter pour une rupture définitive avec le système capitaliste en Iran et pour une société socialiste par le biais d’une organisation de la classe ouvrière et de tous les exploités et opprimés. C’est la classe ouvrière qui a réellement le pouvoir de reprendre les industries clés et la production des mains de la classe capitaliste pour construire une société complètement nouvelle et démocratique.
Pour cela, les premières étapes doivent être l’unification sur base d’un programme, et de décider des slogans nécessaires et des prochaines étapes qui s’imposent au mouvement. Nous voulons discuter d’un projet de programme qui a été élaboré et nous voulons l’améliorer sur base des expériences des militants dans les différentes parties de l’Iran (en savoir plus). Nous voulons discuter cde la diffusion de ce programme et des idées socialistes dans cette situation de répression brutale, en ligne et hors ligne, mais aussi de la construction d’un parti capable d’opérer, d’agiter et d’organiser à travers les canaux de communication que le mouvement utilise déjà pour se coordonner.
Nous ne connaissons pas l’issue à court terme du mouvement, mais il est déjà clair que la situation ne reviendra pas simplement à ce qui existait auparavant, et que le processus révolutionnaire se poursuivra. La tâche de construire un tel parti est donc cruciale pour lutter pour un programme qui réponde réellement aux besoins et aux intérêts à long terme de la classe ouvrière et de la grande majorité de la population. Une telle organisation – même si elle est de petite taille pour le moment – composée de cadres révolutionnaires, peut attirer des couches clés d’étudiants et de travailleurs qui peuvent jouer un rôle essentiel pour faire avancer la lutte et gagner également des couches plus larges des masses à la lutte pour un Iran socialiste.
Alternative Socialiste Internationale est une organisation révolutionnaire internationale. Nous faisons partie des luttes des travailleurs et des opprimés du Brésil à la Russie, de l’Inde à la Grande-Bretagne, du Nigeria à la Chine, des Etats-Unis à Israël/Palestine, de l’Allemagne à l’Afrique du Sud.
Si vous êtes d’accord et désirez vous engager dans la construction d’un tel parti, contactez-nous maintenant et participez à la construction des forces de l’Alternative Socialiste Internationale en Iran.