« La Petite Sirène » : peut-on aller trop loin dans la lutte contre les discriminations ?

Gert Verhulst, fondateur de « Studio 100 » (propriétaire des parcs « Plopsa » et de programmes tels que Mega Mindy), a défendu sur un plateau télé flamand que la « politique woke » impose le silence aux gens. Ça ne l’a pas empêché de lâcher au moins 30 fois le très raciste « mot en N » durant l’émission. Au même moment, l’extrême droite mondiale hurlait d’une même voix contre la couleur de peau de l’actrice qui joue Ariel la petite sirène dans le nouveau film de Disney. La N-VA ne devait bien entendu pas être en reste par la « plume « de son arrogant idéologue Joren Vermeersch, qui a publié dans De Standaard un article indigné sur l’actrice noire qui tient le rôle d’une guerrière viking dans la série de fiction Netflix « Vikings : Valhalla ». Les twittos de droite sont unanimes : la « culture woke » va trop loin.

Par David et Koerian

Le scénariste Raf Njotea a été autorisé à apporter quelques éclaircissements sur l’émission désormais tristement célèbre qui a vu Gert Verhulst s’exprimer de façon si scandaleuse. Il a défini le terme « woke » (éveillé) comme « le fait d’être conscient ou attentif à l’injustice sociale, à la discrimination sociale ».

Les façons dont s’exprime ce rejet instinctif des discriminations sont diverses. Le terme est souvent associé à des appels visant à priver les célébrités racistes et sexistes de leur tribune. Au fond, il est positif que de nombreuses personnes, en particulier les jeunes, refusent les discriminations et cherchent à s’y opposer. Cette recherche comporte toutefois de nombreuses faiblesses. Les formes spécifiques d’oppression sont par exemple souvent déconnectées du système qui les produit. Et chaque faiblesse est instrumentalisée, tant par l’establishment prétendument progressiste que par l’extrême droite.

Le « capitalisme woke » et la brigade anti-woke

Netflix et Disney tentent de revêtir des atours progressistes en engageant des acteurs noirs, notamment pour bénéficier de la publicité créée par la polémique. Au plus les racistes font du bruit, au plus ils se frottent les mains. Le mouvement Black Lives Matter a imposé l’antiracisme et la diversité sur le devant de la scène, que les entreprises instrumentalisent de manière cynique. On ne peut pas stopper l’oppression à l’aide du « capitalisme woke ».

Quant à l’extrême droite, elle utilise le terme à tort et à travers comme s’il s’agissait de « radicaux-déraisonnables-qui-veulent-détruire-la-société-occidentale ». Se faire passer pour des « défenseurs de la liberté d’expression » et des combattants contre la dictature du « politiquement correct » est évidemment plus facile qu’avouer son racisme. Le terme « woke » est utilisé comme nom d’une théorie du complot, comme l’est celui de « marxisme culturel », pour rendre le racisme ou le sexisme plus digeste. « Cancel culture », « brigade woke »,… ce ne sont que des paratonnerres pour éviter d’avoir à répondre au dégoût que suscite leur haine. Quand Gert Verhulst ou un autre se plaint du fardeau imposé par les « wokies », il se plaint en réalité que des gens trouvent son racisme tout simplement dégueulasse.

De la lutte à l’indignation et inversement

La révolte internationale « Black Lives Matter » ou féministe a fait progresser la conscience générale vers un soutien plus explicite au combat contre l’oppression. Cette indignation générale est une bonne chose, mais cela ne suffit pas à faire disparaître les discriminations.

S’organiser pour se révolter est essentiel, afin de ne pas seulement combattre les personnalités et individus racistes, sexistes, homophobes et transphobes – aussi important que cela soit – pour se concentrer sur le système à l’origine des discriminations. Comme le disait Malcolm X : « il n’y a pas de capitalisme sans racisme ».

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