Du 11 au 13 avril dernier, quatre mille militants antifascistes issus de toute l’Europe se sont réunis à l’École des Beaux-Arts d’Athènes afin de discuter des expériences tirées de la lutte contre le néofascisme, l’extrême-droite et la crise capitaliste. Si la plupart des participants ont assisté aux concerts, aux productions théâtrales et aux projections de films antifascistes, plus d’un millier de militants ont participé aux meetings et ateliers de discussion.
Par des correspondants du Comité pour une Internationale Ouvrière
20 pays différents et 32 organisations antifascistes étaient représentés à cet événement, en plus des 30 organisations d’Athènes et du Pirée. Tous les participants étaient bien entendu venus témoigner de leur solidarité et de leur soutien à la lutte menée contre le racisme, le fascisme et l’austérité en Grèce, mais il était également question de construire une coordination européenne antiraciste et antifasciste. Un sérieux pas en avant.
Il était frappant de voir à quel point était forte la compréhension qu’il faut absolument lier le combat antifasciste à la lutte anticapitaliste. De manière générale, les débats ont tous révélé le sérieux des participants et les discussions étaient d’un niveau politique élevé. Les rapports livrés par les militants antifascistes issus de pays où l’extrême-droite est particulièrement développée – comme la France, la Hongrie ou l’Ukraine – ont bien entendu retenu une grande attention et ont été de très importantes contributions.
Des dates de mobilisation internationale
Les militants de la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière (Xekinima) ont été les premiers à défendre le besoin d’une telle initiative de coordination internationale antifasciste il y a de cela un an environ, à l’occasion d’un festival antiraciste organisé en juin dernier à Athènes. Différentes sections du CIO étaient représentées, et notre camarade le député irlandais Joe Higgins (Socialist Party, CIO-Irlande) était notamment venus en Grèce et était l’un des principaux orateurs au meeting central du samedi, où il a pu compter sur un excellent accueil dans une salle remplie de militants désireux de développer la bataille contre le fascisme et le racisme en Europe.
Diverses propositions concrètes sont sorties de cet événement, dont l’idée d’organiser une ‘‘Journée européenne d’action et de solidarité’’ antifasciste le samedi 8 ou le dimanche 9 novembre. La date du 9 novembre est une date traditionnellement liée à la lutte antifasciste, en référence à la Nuit de Cristal du 9 novembre 1938 (un pogrom contre les juifs organisé par le régime nazi dans toute l’Allemagne). D’autres suggestions ont été faites pour la tenue d’activités commémoratives en hommage aux militants antifascistes assassinés par des néonazis l’an dernier, Clément Méric en France (le 5 juin) et Pavlos Fyssas en Grèce (le 18 Septembre). Un représentant du mouvement ‘‘Alter Summit’’ a notamment approuvé cette idée d’organiser des journées de protestation communes. Il a également été question de lancer un site internet international.
Joe Higgins, député irlandais du Comité pour une Internationale Ouvrière, était présent à l’événement, de même que des représentants de plusieurs sections du CIO.En Grèce, le mouvement antifasciste a joué un rôle déterminant pour empêcher que les fascistes d’Aube Dorée ne dominent les rues. La lutte du mouvement des travailleurs contre l’austérité a connu un certain ralentissement ces derniers temps, mais le mouvement antifasciste est lui en plein développement. Il s’agit actuellement du principal terrain de la lutte sociale à travers le pays. Des luttes remarquables sont toutefois menées par des travailleurs, à l’instar de l’occupation de l’usine Vio.Me, un combat dont il a souvent été question dans les discussions. Il y a deux ans, ces travailleurs ont refusé la fermeture de leur usine, ils ont pris en charge la production du site et l’ont réorganisée de façon à également respecter l’environnement. Les travailleurs de Vio.Me étaient présents à la conférence antifasciste, et ont notamment tenu un stand d’information et de vente de leurs produits.
L’exemple des comités antifascistes grecs
Nikos Kanellis, membre de Xekinima et figure de proue du mouvement antifasciste dans la ville de Volos et dans la région de Magnésie, a expliqué comment les comités antifascistes y avaient été construits, en partant de la mise en place d’un réseau de partis, de groupes et d’individus qui voulaient combattre le fascisme et la politique d’austérité. Les militants n’avaient aucune intention de laisser se répéter la traditionnelle erreur de la gauche grecque : laisser les choses se faire ‘‘spontanément’’, sans le moindre suivi par la suite. Leurs efforts ont visé à construire pas à pas une intervention conséquente et soutenue avec un plan d’activités dans les diverses communautés. C’est ainsi que des festivals et des manifestations ont été organisées, mais aussi tout un travail de solidarité à destination des personnes marginalisées et pauvres, avec collecte et distribution de nourriture pour les familles dans le besoin. Il s’agit d’une manière de bloquer la pénétration d’Aube Dorée dans ces quartiers tout en facilitant l’implication de la population dans la lutte antifasciste. Des actions de blocages ont aussi été mises sur pied pour protéger les rues de la présence fasciste et les militants sont par exemple parvenus à faire dégager les militants d’Aube Dorée lorsqu’ils ont tenté d’ouvrir un bureau dans la ville de Volos. Cet exemple aujourd’hui est connu dans toute la Grèce et sert d’élément inspirant pour tous les militants antifascistes.
La conférence était sous surveillance de la part des antifascistes afin de prévenir de toute attaque des militants d’Aube Dorée, mais ils ne se sont pas suffisamment sentis en confiance pour attaquer un aussi grand rassemblement. De manière générale toutefois, l’activité d’Aube Dorée continue de représenter un grand danger, tout particulièrement pour les immigrés. Juste avant la tenue de la conférence antifasciste, Aube Dorée avait encore lancé une attaque dans le quartier où a vécu Pavlos Fyssas.
La nécessité d’un front uni de résistance
Le gouvernement grec est passé à l’offensive contre Aube Dorée à l’automne, après l’assassinat de Pavlos Fyssas. Mais les militants grecs n’entretiennent aucune illusion quant au rôle du gouvernement Samaras, qui comprend un puissant noyau d’extrême-droite, dans le cadre de la lutte antifasciste. Ce qu’il manque cruellement aujourd’hui, c’est une plus large collaboration entre partis de gauche. Le fait que la gauche refuse de se réunir pour mener ensemble la lutte y compris contre le danger fasciste constitue un gigantesque avantage pour le camp du capital.
Parmi les orateurs français se trouvait Alain Krivine, qui a parlé des inquiétants développements qui ont pris place en France, dont les manifestations et violences homophobes et la violence envers les femmes et plus particulièrement des musulmanes, en soulignant d’autre part l’absence d’une gauche combative et d’une opposition syndicale contre l’austérité.
L’un des éléments de discussion amené par le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) a été la manière dont notre section suédoise (Rätttvisepartiet Socialisterna) s’est préparée à contrer l’extrême-droite, y compris dans des moments plus ‘‘calmes’’, jusqu’à 2013 et l’attaque fasciste à Karrtorp (Stockholm). La Suède a connu par la suite la plus grande mobilisation antifasciste de son histoire, avec 20.000 manifestants à Stockholm et 20.000 manifestants dans une trentaine d’autres villes. En mars dernier, 10.000 personnes ont encore manifesté à Malmö après une tentative de meurtre commise par un fasciste. Aujourd’hui, des activités antiracistes sont organisées toutes les semaines en divers endroits du pays. Un participant danois à la conférence a expliqué que 300 antiracistes étaient partis du Danemark, où les attaques racistes sont en hausse, pour rejoindre la manifestation de Malmö. L’orateur de Sozialistische Alternative (CIO-Allemagne) a quant à lui abordé l’expérience de la lutte contre le nazisme en Allemagne dans l’entre-deux guerres. Des centaines de milliers de travailleurs sociaux-démocrates et communistes étaient prêts à se battre, mais leurs dirigeants ont refusé de mener le combat en commun, une division qui a ouvert la voie à l’accession des nazis au pouvoir. Une discussion a également eu lieu par skype avec une centaine de participants à une réunion antifasciste parallèle organisée à Berlin.
Un grand partage d’expérience
Plusieurs organisations représentaient le mouvement antifasciste en Turquie, à Chypre, au Portugal et en Italie de même que dans plusieurs pays d’Europe de l’Est. En Bulgarie, où le nationalisme est largement développé, les fascistes sont autorisés à patrouiller en rue et à effectuer des contrôles d’identité. Ils dominent totalement les clubs de supporters de foot. En Hongrie, le parti néofasciste Jobbik est passé de 17 à 23 % aux dernières élections, et ils disposent d’une certaines implantation parmi la jeunesse de la classe moyenne et à la campagne. Des représentants ukrainiens de l’organisation Borotba ont organisé un atelier spécial sur la situation en Ukraine.
Dix ateliers de discussions étaient organisés en marge des sessions plénières. Un des ateliers était consacré à l’Europe-forteresse, à la question des sans-papiers et à la lutte pour la fermeture des horribles camps de réfugiés à travers toute l’Europe et contre les assassinats aux frontières. Un autre a abordé plus spécifiquement l’antifascisme dans le milieu du football, un autre le travail avec les médias. L’atelier consacré à la lutte contre le sexisme, l’homophobie et la transphobie a bénéficié d’une fort large participation et, plus généralement, les discussions ont été nombreuses au sujet des expériences personnelles de harcèlement.
Lenny Shail de Coventry, représentante de ‘‘Youth Fights For Jobs’’ et militante du Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles (section du Comité pour une internationale Ouvrière) a souligné la nécessité de construire un relais politique du combat antifasciste. À Coventry, où il y a eu une tradition d’élus défendant les idées du socialisme et offrant une alternative politique aux travailleurs et aux jeunes en colère contre la politique capitaliste, les groupes fascistes et racistes comme le British National Party (BNP), le National Front (NF) et l’English Defense League (EDL) n’ont jusqu’à présent pas été en mesure de se construire dans la région.
Conclusion
La lutte antifasciste sera l’un des thèmes abordés à l’occasion de notre journée « Socialisme 2014 » le 3 mai prochain. Un atelier aura notamment pour thème : « Europe : quelle lutte antifasciste ? », avec Geert Cool (porte-parole de notre campagne antifasciste flamande Blokbuster) et Mitsos Pantazopoulos, un militant antifasciste grec membre de notre parti) frère Xekinima. Participez vous aussi à cet événement !Les militants de Xekinima, qui figuraient parmi les principaux organisateurs de la conférence, se sont déclarés satisfaits des résultats, qui avaient dépassés leurs attentes.
Les militants antifascistes grecs à l’initiative de la conférence sont parvenus à poser les bases d’un puissant mouvement qui a notamment été en mesure d’organiser des manifestations antifascistes dans une vingtaine de villes et dans 16 endroits différents d’Athènes immédiatement après l’assassinat de Pavlos Fyssas.
La tenue de cet événement international est de grande importance. L’internationalisme doit faire face au racisme et au fascisme. Les militants de gauche et antifascistes à travers l’Europe seront invités à considérés les propositions que fera le comité de coordination mis en place à cette conférence.