Début novembre, le Conseil Central de l’Economie(CCE) publiera son rapport sur les salaires. Peu après débuteront les négociations sur la norme salariale dans le cadre de l’Accord Interprofessionnel. Il y a deux ans, la base de la FGTB avait rejeté la proposition d’AIP et 50.000 salariés étaient venus protester le 13 décembre 2004 à Bruxelles. L’an dernier, nous avons connu deux journées de grève générale, cette fois-ci contre le Pacte des Générations. Mais à chaque fois, la résistance des travailleurs a volontairement été ignorée et les revendications patronales exaucées.
Eric Byl
En 2004, la direction de la CSC avait demandé au gouvernement d’appliquer l’Accord Interprofessionnel malgré l’opposition de la base de la FGTB. En 2005, à la veille de la grève générale du 7 octobre contre le Pacte des Générations, la direction de la CSC avait publié un tract reprenant “10 raisons pour ne pas faire grève”. Pour beaucoup de militants CSC, c’en était assez et la direction avait été forcée de corriger sa politique en participant à la grève générale/manifestation du 28 octobre. C’est que la politique néolibérale rencontre une résistance de plus en plus vive à la base du syndicat. Ce n’est pas pour rien que Cortebeeck, président de la CSC, clame maintenant qu’”il n’y aura pas d’accord sauf s’il signifie un progrès social”. Il préfère n’avoir aucun accord plutôt qu’une nouvelle confrontation avec sa base qui cette fois pourrait s’avérer fatale.
Les politiciens autant que le patronat et les dirigeants syndicaux ont de bonnes raisons de vouloir éviter cette confrontation. Le gouvernement doit encore combler un trou de 5 milliards d’euros afin d’atteindre ses objectifs budgétaires. Ensuite, après les élections communales, se profilent les législatives de 2007 et une grande négociation communautaire. L’Etat n’a clairement pas les moyens de financer en même temps des négociations salariales et une nouvelle réforme d’Etat. Du côté du patronat, les profits des entreprises atteignent des niveaux records, les salaires des managers et les dividendes des actions remplissent les portefeuilles des riches. Dans ces conditions, les patrons préfèrent un accord avec les dirigeants syndicaux plutôt que d’affronter la grogne sociale.
Les dirigeants syndicaux veulent éviter une répétition de l’automne 2005. Non pas en luttant de manière plus décidée, mais en faisant plus de concessions aux patrons ! Le 27 mars, ils se sont prononcés, quasiment en cachette, en faveur d’un “mécanisme d’ajustement” contre le danger d’une poussée de l’inflation : les accords ‘solde’ et ‘all-in’1, que subissent déjà 20 % des salariés du secteur privé et qui minent l’index. Ils ont aussi approuvé une révision de la composition du « panier de la ménagère » à la base de l’index qui joue au détriment des salariés. Et le mois dernier, ils ont accepté que 300 millions d’euros soient prélevés de la caisse de la sécurité sociale en échange d’une augmentation des allocations minimales. A partir de septembre prochain, l’allocation minimale pour quelqu’un qui en bénéficie depuis 20 ans augmentera de 2%. Pour les autres, il faudra attendre le 1er janvier 2008. Ces décisions coûteront 52 millions d’euros l’an prochain et 263 millions en 2008. En revanche, les patrons recevront annuellement 270 millions de baisse de charges sur le travail de nuit et le travail en équipe à partir de juillet 2007. C’est Noël pour les patrons !
Les présidents de la CSC et de la FGTB jugent cela ‘équilibré’. Si tout dépendait d’eux, nous nous retrouverions avec un accord minimal où seuls les très bas salaires augmenteraient plus vite que l’index et les hausses barémiques. Patrons, gouvernement et direction syndicale sont fondamentalement d’accord pour conclure un accord superficiel qui ne casse rien. La question est de savoir si les salariés donneront leur accord.
(1) Si la norme salariale menace d’être dépassée, les hausses de salaires seront amputées. Deux nouveaux mécanismes ont été créés pour cela. Dans le cadre d’un Accord solde, l’augmentation liée à l’indes est accordée mais les autres augmentations salariales sont rognées; de tels accords existent dans le secteur métallurgique. Dans le cadre d’un Accord all-in, par contre, les augmentations salariales prévues sont appliquées et c’est l’augmentation liée à l’index qui est rabotée; de tels accords existent dans le secteur du bâtiment, du bois et du textile. Deux techniques différentes, deux pièges !