[INTERVIEW] L’université démocratique : une lutte toujours d’actualité

Par Clément (Bruxelles)

A l’aube des élections, ceux-là même qui ont rabotés les budgets de l’enseignement année après année (diminution prévue de 12 millions d’euros des subsides aux écoles en 2015 par exemple) mènent aujourd’hui campagne pour la ‘‘réduction des inégalités’’, une belle formulation pour des propositions ‘‘concrètes’’ : un repas chaud gratuit le midi pour chaque élève. Dans le même temps, les élèves du primaire de nombreuses écoles doivent tenir entassés dans des bâtiments préfabriqués en tôles. Nous avons discuté de la situation dans l’enseignement, en particulier supérieur, avec Guy, membre fondateur de l’Union Syndicale Etudiante/Etudiants FGTB à l’Université de Bruxelles.

Quelle est la situation de l’enseignement supérieur francophone actuellement ?

Sans grande surprise, on peut dire qu’il ne va pas très bien. Depuis des années il souffre d’un sous-financement chronique et les autorités académiques et politiques s’enfoncent toujours plus profondément dans un processus de valorisation marchande de l’enseignement : l’ordre règne à nouveau dans les facultés, celui de la caste académique.

Les méthodes managériales du privé et, avec elles, les investissements choisis par celui-ci s’insinuent toujours plus profondément dans nos université au détriment de la qualité du contenu de notre enseignement, de sa richesse et de sa diversité. Les étudiants ne sont d’ailleurs pas les seuls touchés, les conditions de travail des chercheurs et du personnel se dégradent continuellement en effet, pour compléter ce charmant tableau.

Triste tableau effectivement. L’université reste-t-elle quand même accessible à tous ?

Dans les meilleures périodes, les universités comptaient moins de 10% de fils d’ouvriers. On en est à moins de 5% aujourd’hui. Comme le soutenait Etienne de Callataÿ (un économiste ultralibéral) ‘‘la démocratisation de l’université est un échec. En réalité on fait payer aux classes populaires le coût de l’enseignement des classes moyennes.’’ Il concluait donc que le minerval gratuit était inutile puisque les couches populaires n’allaient pas à l’université. Il proposait donc de doubler voire de tripler les minervaux universitaires.

Ce constat d’échec, nous le partageons en tant que progressistes. Mais les solutions apportées par ce monsieur ne feront que renforcer des inégalités déjà criantes. C’est tout à fait représentatif de l’esprit des partis traditionnels et des autorités académiques : la prise de mesures qui ne vont qu’approfondir les problèmes au lieu de les régler, à l’instar de la politique des rankings (classements mondiaux des universités) qui met en concurrence les universités entre elles et ne pousse qu’à détruire, appauvrir et bureaucratiser l’enseignement au nom de ‘‘l’excellence’’.

Les élections approchent : quelles sont les propositions des partis traditionnels ?

Il existe un consensus parmi les partis traditionnels qui veulent poursuivre la logique du processus de Bologne qui transforme peu à peu notre enseignement en secteur banal de l’économie, rejetant loin derrière la mission de service public de l’université. Le PS est par ailleurs l’un des principaux acteurs de cette orientation via Jean-Claude Marcourt, qui ne rêve que de mettre l’enseignement au service de ses amis du patronat. Là où il faudrait une révolution dans l’enseignement, le PS continue à proposer la cogestion de la misère. L’enseignement se retrouve au centre de cette campagne, mais tous les partis défendent les partenariats-publics-
privés (PPP), une incursion toujours plus profonde des grands patrons dans la manière dont l’enseignement doit être géré.

Ces partis ont en effet une longue tradition de mesures d’austérité. Qu’en est-il dans les universités ?

L’enseignement a été relativement épargné par les premières coupes budgétaires. Mais, comme je le disais, le secteur était déjà sous-financé et la situation n’a fait que se dégrader. Je ne pense pas qu’elle va s’améliorer. Le ‘‘décret paysage’’ (de Marcourt, PS) cherche par exemple à réunir les universités en ‘‘pôles’’ et donc à effectuer des ‘‘économies d’échelles’’ qui aboutiront à des réductions de moyens et de personnel. Nous attendons avec inquiétude le ‘‘Décret Financement’’ en préparation…

Justement, quelles sont les perspectives et les voies de salut pour les étudiants et le personnel ?

Le Décret Financement va organiser des coupes budgétaires, la prochaine étape est de mobiliser massivement les étudiants mais également les travailleurs et les chercheurs des universités et de faire converger la lutte universitaire avec les autres luttes contre l’austérité. Nous ne pouvons pas nous contenter de luttes défensives. Vu l’état de l’enseignement, il va nous falloir gagner ce refinancement à hauteur de 7% du PIB pour permettre une université accessible à tous et émancipatrice.

Mais nous pensons que la lutte ne peut être réalisée que par la démocratie via des assemblées générales des étudiants et des travailleurs, assemblées qui respecteraient les sensibilités de tous et le débat d’idées.

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