Allemagne. Interview de Lucy Redler

Allemagne. Interview de Lucy Redler

En septembre 2006, une nouvelle liste intitulée ‘Parti de Gauche.PDS’ créait la surprise aux élections législatives en remportant 8,7% des voix et 54 députés. Cette liste réunissait le PDS (héritier de l’ancien parti dirigeant de l’Allemagne de l’Est) et l’Alternative électorale pour l’Emploi et la Justice Sociale (WASG), une nouvelle formation de gauche lancée par des syndicalistes et des militants de gauche en opposition à la politique néolibérale du gouvernement Schroder.

Jean Peltier

Lucy Redler: “Nous ne voulons pas nous présenter avec un parti qui parle du socialisme le dimanche mais mène une politique antisociale le reste de la semaine”

Un an plus tard, le WASG de Berlin a pourtant décidé de se présenter seul aux élections régionales qui vont avoir lieu le 17 septembre dans cette ville. Nous avons rencontré Lucy Redler, militante du SAV (notre organisation-soeur en Allemagne) qui sera tête de liste du WASG pour ces élections.

Pourquoi le WASG se présente-t-il seul aux élections à Berlin ?

La décision du WASG de Berlin de se présenter de manière indépendante aux élections régionales du 17 septembre a été prise au terme d’une longue et intense période de débat tant chez nous qu’avec le PDS.

Depuis 2001, le PDS participe à Berlin à un gouvernement régional de coalition avec le Parti Social-Démocrate (SPD – l’équivalent de notre PS). Le SPD a imposé au niveau national l’’’Agenda 2010’’, le programme d’austérité le plus sévère qu’ait connu l’Allemagne depuis la fin de la guerre.

Dans le cadre de son alliance régionale avec le SPD, le PDS a été impliqué dans la mise en oeuvre de privatisations, de baisses de salaires et de coupes dans les budgets sociaux. En conséquence de cette politique, les travailleurs du secteur public régional ont vu leur salaire amputer de 8 à 10%. Plus de 100.000 appartements appartenant à la ville ont été privatisés et 32.000 ’’emplois à 1 Euro’’ ont été créés (il s’agit d’emplois que les chômeurs de longue durée sont obligés d’accepter pour conserver leurs allocations et qui sont payés 1 Euro de l’heure).

Ce sont juste quelques-uns des faits qui nous ont conduit à la conclusion que la politique du PDS / Parti de Gauche à Berlin ne peut être considérée comme de gauche ou favorable aux travailleurs.

Un des principes fondateurs du WASG est de ne pas participer à un gouvernement qui mettrait en oeuvre des privatisations et des coupes dans les budgets sociaux. A Berlin, nous tenons à ces principes et nous ne voulons pas nous présenter avec un parti qui parle du socialisme le dimanche mais mène une politique antisociale le reste de la semaine. Le PDS/Parti de Gauche a expliqué de manière répétée qu’il considérait que sa particpation au gouvernement avait été un succès. Nous pensons donc que Berlin mérite une opposition forte et de gauche. Voilà pourquoi nous nous présentons seuls.

Qu’espérez-vous de cette campagne ?

J’espère évidemment que nous arriverons à franchir la barre des 5% pour entrer au parlement régional. Nous pourrons alors utiliser cette position pour appuyer les travailleurs en lutte, soutenir les mouvements sociaux, les organisations de quartier,… Nous voulons être au coeur de la résistance à la politique du futur gouvernement. Un autre objectif de la campagne est de s’enraciner dans les quartiers ouvriers de Berlin. La réponse que nous avons reçue jusqu’ici de la part des travailleurs, des chômeurs et des jeunes très amicale. La presse a révélé que le gouvernement régional veut privatiser 15.000 autres appartements après les élections. Nous avons commencé à organiser les premières réunions et les premières actions de protestation contre cette attaque. Nous mènerons une campagne électorale active et nous espérons encourager d’autres personnes à s’engager et à devenir eux aussi actifs.

Comment vois-tu l’avenir de la gauche après le 17 septembre ?

Il est difficile de faire des pronostics car il y a beaucoup de possibilités. Il est clair que les directions nationales du PDS/Parti de Gauche et du WASG – celle-ci soutenant le PDS dans la campgne électorale de Berlin ! – poussent pour arriver à une fusion des deux partis en 2007. Il est possible que le WASG-Berlin demeure une force régionale indépendante. Le débat sera intense sur ces questions après les élections à Berlin. Cependant une chose est sûre : un WASG fort avec une présence au parlement de Berlin sera dans une position qui lui permettra d’influencer et de peser sur le processus de construction d’une nouvelle gauche en Allemagne.

Quel est le rôle du SAV dans tout ce processus ?

Le SAV, dont je suis membre, a été très important dans tous ces événements. Il travaille au sein du WASG depuis la création de ce parti. A Berlin, nous avons joué un rôle essentiel au cours du débat sur la participation indépendante. Le SAV est respecté parmi les membres du WASG à Berlin. Nous continuerons à argumenter pour que le WASG adopte un programme socialiste. En même temps, les membres du SAV sont parmi les plus actifs dans la campagne électorale parce que nous pensons qu’à cette étape, avoir un WASG fort à Berlin serait un grand pas en avant pour les travailleurs et les jeunes de la ville.

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