Liège. Mobilisation contre les exclusions du chômage

Par Nicolas Croes

Ce lundi 10 mars, différentes actions ont été organisées à l’initiative de la FGTB contre la dégressivité accrue des allocations de chômage, contre la limitation dans le temps des allocations d’insertion ainsi que contre les contrôles renforcés de l’ONEM pour les jeunes en stage d’insertion.

Sur son site, la FGTB dénonçait que « Malgré l’opposition et les actions de la FGTB, le gouvernement a décidé de limiter ces allocations dans le temps à 3 ans maximum, sans condition d’âge pour les cohabitants et à partir de 30 ans pour les chefs de ménage, isolés et cohabitants dits «privilégiés» (chômeurs qui cohabitent avec une personne bénéficiant exclusivement d’allocations de chômage ou d’insertion dont le montant n’excède pas 31,77€/jour, soit 826€/mois). Le compteur de ces 3 ans a débuté le 1er janvier 2012. La FGTB veut faire changer les choses. (…) Pour cela, la mobilisation de toutes et tous est indispensable. Nous devons être nombreux pour nous faire entendre. »

A Liège, ce matin, rendez-vous avait été donné place Saint-Paul, devant le siège de la FGTB Liège-Huy-Waremme, pour une « action symbolique », tel qu’expliqué sur l’affiche de la FGTB. L’idée était de réunir 600 manifestants, avec un masque blanc à faire tomber pour montrer que les chômeurs ne sont pas tout simplement des  statistiques. Au final, c’est entre deux et trois fois plus de monde qui étaient présents, un beau succès compte tenu du peu d’informations qui avait circulé en dehors des délégations syndicales plus combatives, notamment concernant le préavis de grève déposé pour ce jour-là. Il faut dire que l’inquiétude est grande en région liégeoise, une dizaine de milliers de personnes de l’arrondissement de Liège sont directement concernées par la suppression des allocations d’insertion, qui devraient toucher plus de 50.000 personnes en Belgique à partir du 1er janvier 2015.

Hélas, aucune manifestation n’était prévue à Liège contrairement à d’autres villes, même si les rues de la Cité Ardentes ont pu résonner du pas de la délégation de la Fabrique Nationale de Hertal, dont les travailleurs sont venus en nombre soutenir l’action. « Liège est à nous », ont-ils déclaré, et il est certain que de nombreux autres auraient préféré faire de même et sortir du simple cadre de la Place Saint-Paul. Une quinzaine de banderoles avaient tout de même été accrochées en divers endroits du centre-ville sous le slogan « Bientôt 55.000 chômeurs suspendus, à quand priorité à l’emploi? », mais une manifestation combative dans le centre-ville aurait donné un bien meilleur signal quant à la volonté de sérieusement se battre contre cette mesure puissamment antisociale ainsi que contre toute la politique d’austérité.

De la tribune, deux prises de parole se sont succédées, de la part de Marc Gobelet (président de la régionale de la FGTB Liège-Huy-Waremme) et de Jean-François Ramquet (secrétaire régional). L’impact de la mesure a été dénoncé, en mettant notamment en lumière que cette suppression des allocations d’insertion est une mesure discriminatoire au vu de la majorité de femmes parmi les personnes frappées. La question plus globale de l’emploi et la lutte pour un « autre projet de société » (mais lequel?) ont été évoquées, de même que la nécessité d’une réduction collective du temps de travail pour s’en prendre au chômage et non pas aux chômeurs. « Les moyens existent, il faut s’en prendre aux détenteurs de capitaux » a encore lancé Marc Gobelet, sous les applaudissements de la foule. Reste encore à savoir comment organiser la lutte dans cette direction…

Il est bien entendu des plus corrects de refuser l’austérité et toute cette logique nauséabonde qui vise à faire payer la crise aux travailleurs et aux allocataires sociaux. Il est toutefois crucial de sortir de la dénonciation stricte et de poser la question fondamentale de la construction d’un rapport de force favorable aux travailleurs, avec ou sans emploi. Il est certain qu’une fois les élections passées, le gouvernement – quelque puisse être sa composition – s’appliquera à répondre aux exigences du FMI et de la Commission européenne, dans la perspective d’une période de quatre ans sans la moindre élection. C’est une vague d’attaques contre nos conquêtes sociales qui s’annonce, les partis traditionnels ne divergent que quant au rythme de cette austérité. « Demain, nous serons encore présents si besoin est, si les politiques ne comprennent pas », a-t-on entendu de la tribune. Mais comment pouvoir encore douter du fait que la réaction des politiciens des partis traditionnels se limitera à faire la sourde oreille ? Demain, nous aurons besoin d’être encore dans la rue, c’est une certitude, et il faut en discuter dès maintenant ! Les attaques contre les chômeurs ne vont pas tout simplement disparaître, et d’autres sont encore à venir.

C’est pourtant cette dangereuse illusion d’une improbable « compréhension » des politiciens capitalistes qui a servi de conclusion au discours de Marc Gobelet, toute entière dédiée à un vibrant appel à « l’unité de la gauche » contre l’ennemi néolibéral, l’ennemi de la droite. Nous sommes en parfait accord avec la nécessité de l’unité de la gauche – et nous voulons accentuer la nécessité de construire dès maintenant un front de la résistance sociale contre l’austérité – mais continuer à considérer que le PS fait partie de cette gauche, c’est totalement oublier la raison même de l’action d’aujourd’hui ! Le PS avait déjà soutenu l’instauration de la « chasse aux chômeurs » et c’est un gouvernement dirigé par Di Rupo qui a instauré toutes les nouvelles mesures qui vont gravement frapper les chômeurs ! Il a été question de « justice fiscale » à la tribune. Mais quel est le parti qui a voté l’instauration de la déduction des intérêts notionnels avec le MR? Le PS! Les exemples ne manquent pas pour illustrer dans quel camp se situe le PS aujourd’hui.

Et pourtant, un appel fut bien lancé pour soutenir la « gauche gouvernementale », y compris avec la collaboration d’éventuels « nouveaux élus de gauche ». Nous espérons bien que si des élus de la vraie gauche – à la gauche du PS et d’Ecolo – parviennent à forcer les portes des parlements, leur activité sera centrée autour de la construction d’un rapport de force militant dans la rue et sur les lieux de travail et non autour de la recherche de petits accords avec le PS ou Ecolo!

Des revendications offensives comme la réduction collective du temps de travail ne doivent pas en rester au stade du slogan. L’argent existe dans cette société pour une telle mesure, ainsi que pour un plan massif de création d’emplois socialement utiles. Mais pour cela, il faut organiser notre colère contre ceux qui organisent notre misère : nous avons besoin d’un bon plan d’action offensif, allant crescendo et avec grève(s) générale(s). Il faudra aussi sérieusement discuter du projet alternatif de société à mettre en avant, ce qui pour nous ne pourrait être qu’une société basée sur la collectivisation des secteurs-clés de l’économie au sein d’une planification démocratiquement élaborée, afin que les richesses produites puissent satisfaire les besoins de tous et non pas seulement la rapacité des vautours capitalistes. Cette société, c’est le socialisme démocratique, et cela fait longtemps déjà que le PS est un frein pour y parvenir.

A Charleroi, la régionale de la FGTB a lancé le 1er mai 2012 un appel à construire une nouvelle force politique à la gauche du PS et d’Ecolo, autour de la nécessité d’un programme de rupture anticapitaliste. Nous ne pouvons qu’inviter tous les militants ainsi que tous ceux qui veulent résister à la logique antisociale actuellement dominante à s’intéresser à cet appel et à pousser ces discussions au sein de la régionale de la FGTB Liège-Huy-Waremme.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai