Bruxelles : Un cruel manque de place dans l’enseignement

Par Tim (Bruxelles)

C’est dorénavant une tradition bien ancrée pour les premiers mois d’été, le moment où paraissent les statistiques concernant le nombre d’élèves n’ayant toujours pas trouvé de place dans une école malgré leurs recherches. En 2013, à Bruxelles, il manquait 1.200 places dans l’enseignement fondamental francophone et 2.000 dans le néerlandophone. Et le jour de la rentrée des classes, 380 enfants n’avaient pas pu entamer leur première année secondaire dans une école francophone et 600 étaient dans le même cas du côté néerlandophone bruxellois. En plus de cela, des milliers de parents se sont vus forcés de conduire leurs enfants à l’autre bout de la ville, faute de place dans leur quartier.

Ensuite, les élèves qui ont pu trouver une place connaissent des conditions scolaires souvent bien éloignées de l’idéal pour étudier correctement. Dans l’enseignement bruxellois francophone, 40.000 élèves suivent désormais des cours dans un préfabriqué, le nombre de bâtiments scolaires dans un état déplorable est à tomber par terre et beaucoup d’écoles manquent de professeurs. Des éducateurs de jardin d’enfants ont, encore récemment, demandé aux parents de ne plus leur confier d’enfants qui ne peuvent pas encore se rendre seuls aux toilettes. En effet, le temps leur manque pour pouvoir changer des langes ! Cela n’a rien d’étonnant à partir du moment où chaque éducateur doit gérer 28 enfants… L’avenir n’offre pas de meilleures perspectives : selon le ‘‘Brussels Studies Institute’’, la Région Bruxelloise aura besoin de 42.000 nouvelles places d’ici 2020 pour permettre à chaque enfant de trouver une classe. Près de la moitié de celles-ci seront déjà nécessaires d’ici 2015 ! Les écoles bruxelloises sont aujourd’hui pleines à craquer. Malgré les quotas pour parents habitant la commune, 10 des 19 communes bruxelloises ont atteint leurs limites.

‘‘La sagesse, c’est prévoir les conséquences’’ disait le volcanologue franco-belge Haroun Tazieff en parlant de la construction de logements sur des terrains sensibles. Voilà une leçon que les politiciens bruxellois ont encore à apprendre. Interrogés sur cette question, ils répondent invariablement qu’il s’agit d’un problème relatif à ‘‘une évolution démographique imprévue’’. Il est vrai que la croissance démographique bruxelloise est supérieure à celle du reste du Royaume.

Toutefois, ce n’est pas pour autant un phénomène neuf. Le Bureau Fédéral du Plan publie toutes les deux à trois années un rapport détaillé abordant cette augmentation de la population et avertissant de l’impact à venir sur la population scolaire. En observant de plus près la pénurie de places, on constate rapidement que l’argument d’une croissance démographique ‘‘imprévue’’ ne tient pas la route.
Il n’est pas seulement question de manque de place dans les crèches (moins d’un tiers des enfants ont actuellement accès à une structure reconnue). ‘‘Brussels Studies Institute’’ estime que l’insuffisance de places atteindra 18.000 unités dans le fondamental et 4.700 dans le secondaire d’ici 2015 (très vite, donc)! Faudrait-il enseigner aux politiciens traditionnels qu’un enfant qui naît aujourd’hui aura besoin d’une place dans le fondamental quelques années plus tard et dans le secondaire également une douzaine d’années plus tard ? Tout ce discours de ‘‘l’explosion démographique’’ n’est qu’un rideau de fumée destiné à masquer le sous-financement chronique de l’enseignement.

Puis, quand cela ne suffit plus, alors commence un petit jeu de blâme communautaire : chaque entité accuse un autre gouvernement d’être le responsable du manque de places. Chaque niveau de pouvoir (local, communautaire, régional ou fédéral) reprend pourtant les mêmes partis traditionnels et la même politique d’austérité y est menée, c’est-à-dire un sous-financement systématique des services publics, en ce comprit de l’enseignement. Le cœur de la problématique se trouve ici.

Bien entendu, nous ne sommes pas opposés à une simplification de la politique d’enseignement à Bruxelles. Beaucoup d’habitants de la capitale considèrent à juste titre comme une absurdité qu’une ville bilingue compte deux réseaux unilingues d’enseignement, organisés par les communautés flamande et francophone, sans aucune coordination et sans tenir compte de la situation spécifique de Bruxelles. Nous ne tombons toutefois pas dans l’illusion que des réformes organisationnelles – l’organisation d’un réseau bilingue par la région par exemple – puissent être de nature à résoudre fondamentalement les divers problèmes rencontrés. La véritable clé de la situation réside dans le sous-financement de l’enseignement, indépendamment de celui qui l’organise.

Le PSL est en faveur d’une société dans laquelle les richesses produites par la collectivité seraient démocratiquement gérées, c’est ce que nous appelons le socialisme. Continuellement apparaissent de nouveaux exemples illustrant l’incapacité du système capitaliste à faire face aux nécessités de base de la majorité de la population, même dans un pays comme la Belgique.

Nous luttons pour un refinancement public de tout l’enseignement, à tous les niveaux. En revenir à ce que 7% du Produit Intérieur Brut soient consacrés à l’enseignement comme dans les années ‘80 serait déjà un bon premier pas.

Ces moyens sont nécessaires pour construire de nouvelles écoles, en premier lieu dans les communes et les quartiers où la pénurie est la plus préoccupante. Chaque enfant a droit à disposer d’une place dans une école de son quartier. Nous exigeons aussi une amélioration du statut des professeurs, de meilleures conditions de travail, des classes plus petites pour permettre un meilleur accompagnement des élèves et un encadrement suffisant pour offrir le meilleur apprentissage possible.

L’enseignement doit être gratuit dans tous ses aspects – du jardin d’enfants à l’enseignement supérieur. Mais cette évidence ne sera possible que dans une société où les richesses seraient placées sous le contrôle démocratique de la population toute entière.

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