Par Nicolas Croes
Du 17 janvier au 5 février dernier, le personnel du Service d’Aide à la jeunesse (SAJ) et du Service de Protection judiciaire (SPJ) ont fait grève en Fédération Wallonie-Bruxelles suite à une perquisition policière menée dans les locaux du SAJ-Charleroi. Mais les raisons de cette colère sont plus larges et profondes. Nous en avons discuté avec Olivier, éducateur au sein d’une ASBL qui travaille pour le SAJ, et Marie, étudiante et future assistante sociale.
Pouvez-vous nous expliquer ce qui s’est passé ?
Olivier : C’est directement le produit des mesures d’austérité et du sous-investissement chronique du secteur même si, à la base, il s’agissait d’un contrôle de police comme cela arrive souvent après des incidents survenus avec des jeunes suivis par le Service d’Aide à la Jeunesse. Les choses se sont mal passées, avec un grand manque de respect, et les délégués syndicaux ont agi en disant : ‘‘ce n’est plus possible,
les contrôles nous rendent le travail impossible.’’
Les travailleurs se sont sentis mis en cause, alors qu’ils bossent dans des conditions hyperdifficiles. La situation des travailleurs sociaux se dégrade sans cesse : personnel insuffisant et insuffisamment remplacé, manque de places dans les services agréés et surcharge administrative. Le SAJ est donc directement parti en grève, et a été suivi par les autres sites, ainsi que par les SPJ qui s’occupent d’appliquer les mesures prises par le tribunal de la jeunesse.
Le personnel des SAJ s’était d’ailleurs déjà mobilisé en décembre dernier et les représentants syndicaux avaient déjà rencontré la ministre en charge de la jeunesse, Evelyne Huytebroeck (Ecolo).
Olivier : Oui. Là, la grève a été suspendue suite à diverses promesses, encore beaucoup trop faibles, mais on est aussi dans le cadre des élections… On n’a pas besoin des beaux discours, on a besoin de plus de moyens, d’autant plus que les problèmes sociaux empirent.
On demande aux familles de s’occuper de leurs enfants, mais pas mal n’en ont plus les moyens et sont dépassées. Il y a un effet ciseau : les allocations sociales ne suivent pas le coût de la vie, le chômage et le travail précaire augmentent, les problèmes s’accumulent pour les familles et, alors qu’on a besoin de plus de places d’accueil, les moyens diminuent.
Marie : Dans nos cours, on nous dit que l’État-providence, c’est terminé et que les familles doivent davantage assumer elles-mêmes leur rôle. En cas de problème, les seuls à être considérés comme fautifs sont les parents.
Aujourd’hui, dans presque tous les services d’insertion sociale, on contractualise les relations sociales. Le gouvernement répond de manière individuelle à un problème collectif avec l’argument que l’être humain doit être acteur de sa voie, qu’il doit pouvoir changer sa vie, OK. Sauf qu’autant d’exemples ‘‘individuels’’, ça s’appelle une réalité sociale. On culpabilise les gens, comme s’ils étaient les seuls responsables de leur situation. Finalement, ce dont il est question ici, c’est d’un choix de société.