La troisième manifestation nationale des sans-papiers a réuni plus de 10.000 personnes à Bruxelles le 17 juin, signe que le mouvement de lutte et la solidarité ne faiblissent pas. Pourtant, le lendemain, l’UDEP a pris la décision d’appeler à une grève de la faim généralisée dans les lieux occupés. Les responsables de l’UDEP reconnaissent que c’est là l’arme du désespoir parce que, malgré cette mobilisation des sans-papiers et le soutien qu’ils reçoivent, ils se trouvent toujours face à un mur.
Les sans-papiers attendaient une ouverture des partis de la majorité en faveur d’une régularisation à l’occasion de la discussion au parlement de la nouvelle loi sur le traitement des demandes d’asile. Pour rappel, celle-ci vise notamment à ramener le temps d’examen des demandes à un an maximum, ce qui est présenté comme une mesure humanitaire mais ce qui vise surtout à empêcher que les candidats réfugiés trouvent un travail en noir, nouent des liens avec les habitants de leur quartier, mettent leurs enfants à l’école,… toutes choses qui rendent plus difficile leur expulsion. Cette accélération de la procédure fait dire hypocritement au gouvernement que, puisque les gens à qui le statut de réfugiés aura été refusé devront quitter rapidement le pays, ceux-ci n’auront plus le temps de devenir des sans-papiers durables et la question de la régularisation de ceux-ci ne se posera plus vraiment.
Le gouvernement se félicite aussi de la baisse du nombre de demandes d’asile (il a diminué de 75% entre 2000 et 2005 !). Mais ce qu’il oublie de dire, c’est que les conditions de reconnaissance comme réfugiés sont devenues tellement dures que beaucoup d’étrangers ne demandent même plus ce statut et plongent de suite dans la clandestinité. Le nombre de sans-papiers est ainsi estimé aujourd’hui entre 100.000 et 150.000 personnes.
Un mois de discussions en Commission de l’Intérieur de la Chambre n’aura débouché sur rien. Le ministre Dewael (libéral flamand) n’a pas fait la moindre concession sur la revendication de régularisation. Les partis flamands (effrayés à la perspective de faire un « cadeau » au Vlaams Belang) et les libéraux (les plus sensibles aux pressions des patrons qui souhaitent garder l’usage de travailleurs peu payés et n’ayant pas de moyens de se défendre puisque clandestins) ont bloqué la discussion. Le PS, officiellement favorable à une régularisation mais minoritaire dans le gouvernement sur ce sujet, a été extrêmement discret dans ce débat. Seuls Ecolo et le CDH ont défendu des propositions de régularisation. Il n’y a évidemment aucune chance que la situation soit différente dans les prochaines semaines lorsque le projet arrivera à la Chambre et au Sénat.
Bien que le mouvement ait commencé il y a déjà quatre mois, la mobilisation des sans-papiers se maintient de manière impressionnante. Il y a actuellement 40 lieux occupés (surtout des églises mais aussi des centres laïques, une mosquée, des locaux universitaires,…). La solidarité continue aussi à s’élargir. Les syndicats apportent aussi un soutien plus actif que lors des actions menées les années précédentes, notamment en syndiquant de plus en plus de sans-papiers et en apportant un soutien matériel aux actions. Mais les directions syndicales sont loin d’avoir mis le paquet pour organiser la solidarité et la mobilisation dans les entreprises et les centrales, particulièrement dans des secteurs comme la construction et l’horeca où travaillent beaucoup de sans-papiers. Le 17 juin, la FGTB a distribué des centaines de casquettes rouges avec son sigle aux manifestants et il y avait de petites délégations syndicales dans la manif.
Le slogan de l’UDEP « Avec ou sans papiers, nous sommes tous des travailleurs » n’est malheureusement pas encore devenu une réalité pour le mouvement syndical. Dans ces conditions, la grève de la faim apparaît être la seule forme d’action dont disposent encore les sans-papiers pour se faire entendre et pour obtenir une régularisation massive à travers une loi (et plus à la tête du client comme c’est le plus souvent le cas aujourd’hui) avec des critères clairs et permanents. Bien que nous ne soutenons pas ce genre de méthodes, nous ne pouvons que comprendre la réaction des sans-papiers et poursuivre le soutien à leur lutte. Nul ne sait sur quoi cette grève de la faim peut déboucher et si le gouvernement pourrait faire un pas sous cette pression.
Mais, ce qui est certain, c’est que la solidarité avec les sans-papiers est plus indispensable aujourd’hui que jamais.