Par Anja Deschoemacker
‘‘Confédéralisme’’. Impossible d’échapper au terme injurié par certains comme ‘‘étape vers le séparatisme’’, recommandé par d’autres comme ‘‘démocratique’’. Le caractère fortement technique et académique de la discussion assure que la plupart des gens ne lisent tout simplement pas ce genre d’articles. Pas de problème pour l’élite belge, qui apprécie de disposer de l’indifférence publique pour être plus à l’aise à décider des choses en réunissant quelques vieux messieurs dans un vieux château.
Le confédéralisme peut être interprété de différentes manières. Le CD&V veut maintenir un nombre important des compétences au niveau national alors que la N-VA ne laisse quasiment plus au national que la TVA, uniquement afin de rembourser la dette publique. La défense resterait encore fédérale, avec un financement des Etats régionaux. Mais le CD&V a battu le rappel de nombre de ses collègues européens pour qu’ils clarifient sans la moindre équivoque possible que les idées de la N-VA ne seraient pas acceptées par l’Union européenne.
Leur “confédéralisme” ne sert qu’à monter la classe ouvrière flamande et wallonne l’une contre l’autre pour faciliter l’introduction d’un programme d’austérité plus dur. La N-VA pense pouvoir se passer de toute précaution. Mais le CD&V ne veut pas de retour à l’instabilité des années ’70-’80 qui a suivi les débuts douloureux du néolibéralisme. Le calme n’est revenu qu’en ’87-’88 avec un gouvernement chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates qui a utilisé ses liens avec les directions syndicales pour imposer une énorme opération d’assainissements structurels (le Plan Global, 1993). Les partis bourgeois savent mieux comment tirer les leçons de leurs expériences passées.
L’Open VLD, reconverti au “fédéralisme’’, veut retirer des éléments confédéraux de notre structure d’Etat actuel. Peu probable que cela puisse faciliter la discussion avec les partis francophones : nombre de ces éléments (parité dans le gouvernement fédéral, conflit d’intérêts, double majorité,…) ont justement été introduits sous pression des régionalistes wallons pour protéger la minorité francophone contre des dictats imposés par la Flandre.
Les partis francophones défendent plus ou moins le statuquo, même si des voix régionalistes se font entendre, notamment au PS. La brouille entre institutions francophones, entre Bruxelles et Wallonie, entre régionalistes (qui veulent plus de compétences ou carrément l’autonomie pour les régions wallonne et bruxelloise) et communautaristes (qui sont surtout orientés sur la Communauté – on dit Fédération Wallonie-Bruxelles aujourd’hui, en niant l’existence de Flamands à Bruxelles) n’est pas souvent mise en avant dans la presse néerlandophone, mais est bien présente côté francophone.
Afin de compléter la confusion, ces termes sont erronément utilisés. Des régions indépendantes commencent à coopérer et décident de former une confédération (où ils décident de déterminer ensemble un nombre de politiques centrales). Quand cela marche, l’évolution vers la formation d’un état fédéral (où un état central est créé, avec maintien de certaines compétences pour les Etats régionaux) est le pas suivant. Lors des premiers âges du capitalisme, le résultat final fut l’Etat-nation unitaire, le plus haut niveau de pouvoir ayant préférence sur les plus bas. Ce à quoi nous assistons ici est un démantèlement d’un Etat unitaire, certainement pas un processus positif d’unification.
Et puis il faut encore décider de quelles unités la Belgique de l’avenir doit être composée. La Communauté flamande et francophone (vision dominante en Flandre) ? Les trois régions Flandre, Wallonie et Bruxelles (vision dominante en Belgique francophone)? Ou quatre unités puisque le ministre-président de la Communauté germanophone a fait comprendre qu’il désire que la Communauté gère elle-même les compétences régionales (maintenant gérées par la Région Wallonne) ? Quatre différentes options (fédéralisme, confédéralisme, état unitaire ou séparation) pour deux, trois ou quatre unités, que les ‘‘experts’’ s’amusent…
Le mouvement ouvrier s’est fait dans le passé souvent entrainer dans les programmes nationalistes des partis bourgeois. La recherche de solutions institutionnelles qui préservent intact le capitalisme finit cependant toujours en défaite pour la classe ouvrière. La direction du mouvement ouvrier doit mettre la lutte de classe au premier plan. Pour cela, il ne faut pas nier la question nationale. Parvenir à l’unité la classe ouvrière nécessaite justement de mener la lutte pour les revendications essentiellement démocratiques qui se cachent parfois derrière les bagarres communautaires. Mais il faut comprendre que la bourgeoisie abuse de la question nationale pour satisfaire ses propres intérêts et que le mouvement ouvrier a besoin de son propre programme et de son propre parti national qui cherche à se lier au mouvement ouvrier international.
Ce n’est qu’en faisant une priorité des intérêts de la majorité de la population et en rompant avec le système capitaliste qu’une solution paisible et satisfaisante pour tous les groupes nationaux de la population sera possible, en créant les bases d’une coopération entièrement libre et volontaire entre groupes égaux.