Chili. L’histoire se fait dans la rue

Le lundi 5 juin a vu une journée nationale de protestation au Chili, à l’appel de la direction des centaines de milliers de lycéens engagés dans une lutte qui durait déjà depuis quatre semaines. Ce magnifique mouvement de jeunes remettait en question l’entièreté du programme néo-libéral du gouvernement. Une des revendications centrales du mouvement est la fin d’une loi instaurée sous la dictature de Pinochet visant à faciliter la privatisation des écoles.

Tony Saunois

Ces jeunes combatifs ont gagné le soutien d’une majorité écrasante de la population chilienne. Selon les derniers sondages, ils ont 84% d’opinions favorables, contre 14% pour le gouvernement !

Les rapports font état d’un million d’étudiants, de profs et de travailleurs du secteur des soins qui auraient rejoint la lutte malgré le rôle de la majorité de l’Union des Fédération Syndicales qui s’est opposée à la grève lycéenne. A l’extérieur de la capitale, dans des villes et villages où l’influence de la bureaucratie syndicale est moins forte, les grèves en soutien de la jeunesse étaient plus nombreuses.

Malheureusement, l’Assemblée Générale des étudiants n’a pas appelé à une manifestation centrale capable d’unifier tous les opposants au gouvernement, mais a décidé d’organiser une journée de « réflexion » dans les écoles occupées. Ils n’ont cependant pas critiqué les organisations qui ont appelé à une manifestation à Santiago.

Des milliers de jeunes et de militants sont donc descendus dans les rues le 5 juin, confrontés à la brutalité de la police anti-émeute qui n’a rien négligé pour intimider les manifestants. La veille, des policiers paradaient dans les rues avec des casques de l’armée, la matinée précédent la manifestation, bus, blindés, auto-pompes et groupes lourdement équipés se sont fait remarquer partout en ville. Durant la manifestation, des heurts violents ont eu lieu et la police a généreusement utilisé les gaz à sa disposition et ses auto-pompes dont l’eau contenait des produits chimiques iritants.

Les manifestants avaient aussi gardé en tête la manière dont la police avait tabassé les lycéens qui avaient pacifiquement défilé la semaine précédente. Les flics ont quelque peu reçu la monnaie de leur pièce à cette manifestation où les pierres ont fusé de toutes parts contre les forces de l’ordre, accompagnées de slogans tels que « El pueblo unido jamas sera vincido » (le peuple uni ne sera jamais vaincu). Comme les membres de Socialismo Revolucionario (la section-soeur du MAS/LSP au Chili) ont pu s’en rendre compte par eux-mêmes durant la manifestation, les gaz utilisés par la police sont extrêmement forts et s’apparentent à ceux utilisés par l’armée : les boules brûlent en éclatant au sol et les gaz peuvent rendre temporairement aveugle.

Malheureusement, certains jeunes n’ont pas résisté à la tentation de rafler les CD, ordinateurs ou télévisions des magasins environnants. Cela a été grossi par les chaînes de télévision chiliennes, qui se sont également concentrées sur les scènes de violences. Les combats de rue à Santiago, où l’autorisation de manifester avait été refusée, contrastaient avec la manifestation de masse autorisée qui s’est tenue à Valparaiso, où aucun incident ne s’est produit.

Les rapports font état de 300 arrestations à Santiago, et de 250 personnes hospitalisée, dont 32 policiers anti-émeute. Les événements de Santiago ont été précédés par des tentatives du gouvernement pour diviser le mouvement. Des pressions immenses ont été exercées sur les dirigeants pour qu’ils n’appellent pas à une manifestation. En protestation contre l’attitude trop concilliante de la direction étudiante, un des membre de celle-ci a démissionné.

Les lycéens représentent une génération en lutte. Ils sont nés non pas sous la poigne de fer de la dictature de Pinochet, mais durant le « boom »  de l’économie chilienne et sont en révolte contre la société de consommation. L’idée que l’enseignement est un business et qu’il doit fonctionner comme tel engendre une hostilité reflétée sur beaucoup de banderoles où l’on pouvait lire le slogan « Pas de marché dans l’enseignement ». Sur l’une des pancartes figurait ironiquement qu « Si l’enseignement est un marché, alors le client est toujours roi ! ».

Deux fois déjà le gouvernement a été forcé de se rendre à la table des négociations. Les représentants étudiants ont déclaré aux ministres que s’ils n’étaient pas capables de faire tourner l’enseignement correctement, ils viendraient avec des propositions pour refaire les lois. Sous la pression, la présidente a déjà promis 135 millions de dollars supplémentaires au budget de l’enseignement.

L’espoir que la présidente Bachelet (élue depuis quatre mois) pourrait être différente de ses prédécesseurs et plus radicale est en train de fondre chez les jeunes.

Des affiches sont apparues à Santiago et résument la situation: « Bachelet : discours pour les pauvres – gouvernement pour les riches ».

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