Le gouvernement veut mouiller les syndicats dans l'offensive sur les salaires

Rencontre entre syndicats et patronat

Le gouvernement a organisé ces derniers mois un premier tour de concertation avec les syndicats et le patronat pour arriver à un accord sur les salaires. En fait, il s’agit donc d’anticiper sur la concertation sur les salaires prévue pour la fin de cette année. Il faudra alors conclure un nouvel Accord Interprofessionnel (AIP).

Karel Mortier

Guy Verhofstadt a déclaré le 27 mars que "Les syndicats et les employeurs reconnaissent qu’il y a un problème avec la compétitivité de nos entreprises. Ils plaident aussi pour l’instauration de mécanismes de contrôle, et c’est important en cas d’inflation trop élevée. Les partenaires sociaux ne veulent pas non plus que les futures diminutions de charges soient détournées en augmentations de salaire."

Au lieu de préparer la lutte pour les prochains mois, les dirigeants syndicaux se laissent déjà embarquer dans le raffiot néo-libéral pourri. On pouvait s’y attendre dès lors qu’ils avaient déjà accepté qu’on touche à l’index, ce qui fait que l’indexation des salaires a été différée de quelques mois. Pour compenser cet énième coup de rabot sur les salaires, les syndicats reçoivent la "promesse" qu’on va créer plus d’emplois et que les entreprises vont investir dans l’innovation.

D’après Cortebeeck (CSC), il n’est pas question de toucher à l’index – c’est pourtant ce qu’on vient de faire – ni aux barèmes salariaux. Mais il laisse ouvertes toutes les autres pistes pour contenir les salaires. Le message qu’il envoie aux secteurs n’est pas de voir comment on peut augmenter le pouvoir d’achat des affiliés: il leur demande de s’attabler avec les patrons pour voir comment on peut contenir la hausse des salaires.

Les patrons ne manqueront pas d’imagination pour proposer les pistes adéquates. Il semble déplacé d’évoquer les profits et les salaires exorbitants des top managers. Quel contraste avec la baisse du pouvoir d’achat de la majorité de la population… malgré la hausse de la productivité !

Au moment même où Paul De Grauwe, économiste libéral de renom, déclare que la question des salaires trop élevés est une fable et fait sans doute partie d’un agenda caché de la FEB visant à augmenter les marges de profit des entreprises, le sommet syndical reprend à son compte une bonne part de l’agenda de la FEB et du gouvernement comme cadre des prochaines négociations intersectorielles.

La lutte contre le Pacte des Générations est-elle en train de se répéter ? A ce moment-là aussi, Cortebeeck avait été immédiatement acquis à la nécessité de ce pacte, mais sa base l’a rappelé à l’ordre plusieurs fois. Le livre "50 mensonges sur le vieillissement" du chef du service d’étude de la CSC, Gilbert De Swert, a été totalement ignoré alors qu’il contient tant de contre-arguments pour mener la discussion.

Aujourd’hui, même les déclarations d’un économiste libéral dont la rubrique fait autorité dans le Financial Times ne semblent pas suffire à détourner Cortebeeck du cadre de réflexion néo-libéral imposé par le gouvernement.

Cela fait déjà trois décennies qu’on dit aux travailleurs de se serrer la ceinture en échange de plus d’emplois et de plus d’innovation. Tout ce qu’on voit, c’est un chômage qui grimpe et des conditions de travail qui se dégradent pour ceux qui ont encore un boulot. Quant aux moyens supplémentaires pour l’innovation et la formation, on les attend toujours. La Belgique continue à se signaler par de très piètres performances sur ces terrains d’après toutes les études internationales. Le seul résultat tangible de cette politique, c’est que ceux qui possèdent le capital iront de nouveau puiser dans les poches de ceux qui produisent la richesse de ce pays.

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Première page de Lutte Socialiste