Berlusconi expulsé du trône, mais pas sa politique…

Jamais dans toute son histoire l’Italie n’aura connu de telles élections. Deux grosses coalitions s’affrontaient dans une campagne électorale ultra agressive, surmédiatisée mais surtout dénuée de tout programme politique concret, d’un côté comme de l’autre. Cette campagne a une fois de plus mis en évidence l’absence cruelle d’une alternative politique conséquente pour les travailleurs et les jeunes.

Christel Dicembre

La coalition de "centre-droite", regroupant les ultra-libéraux de Forza Italia (le parti de Berlusconi) et de l’UDC, les séparatistes de la Lega Nord, l’Alleanza Nazionale ainsi que le parti néo-fasciste Alternativa Sociale ont centré toute leur campagne sur la personnalité de Berlusconi et sur la menace de voir l’Italie dirigée "par des communistes adorateurs de Mao, Staline et Pol Pot"… La coalition de centre-gauche, l’Unione, emmenée par Prodi et composée des socio-démocrates, des démocrates chrétiens, des ex-communistes, des Verts et de la Rifondazione Comunista, avait à peu près comme seul point d’attache la volonté de se débarasser du "Cavaliere", l’homme le plus riche d’italie mouillé dans des affaires de corruptions et malversations.

L’affluence aux urnes fut massive: 83,6% des italiens sont allés voter (contre 81,4% en 2001). Cela s’explique principalement par deux facteurs: d’une part les nombreuses campagnes publicitaires menées par Berlusconi incitant les indécis et les abstentionnistes traditionnels à voter en sa faveur-vu qu’il détient un quasi monopole des médias italiens, on peut s’imaginer l’abus d’influence. Et d’autre part le haut niveau de conscience politique qui règne en Italie. Plus que jamais en effet, les travailleurs et certainement les jeunes voulaient faire entendre leur volonté de détrôner leur chef de gouvernement ainsi que leur désir de changement, après des années d’attaques perpétuelles sur leur niveau de vie.

Après des heures de suspens, la victoire de l’Unione fut annoncée. Cette "victoire" est cependant plus que relative: ce n’est qu’avec l’ajoût des bulletins des électeurs italiens vivant à l’étranger (qui avaient la possibilité de voter pour la première fois) et la nouvelle loi électorale mise en place par Berlusconi que la coalition de Prodi remporte la majorité tant à la chambre qu’au sénat (342 sièges contre 281 pour Berlusconi à la chambre et 158 sièges contre 156 au sénat).

Comment expliquer une si faible victoire de la gauche?

Ces dernières années, l’Italie vit une forte remontée des luttes. En 5 ans, elle connu 6 grèves générales et c’est par millions que les jeunes et les travailleurs ont manifesté contre les attaques sur leurs conditions de travail, leurs pensions, les lois sur l’immigration et la guerre en Iraq. Mais aucune force de gauche n’a été capable de canaliser ce mécontentement et cette combativité en un prolongement politique. Même la Rifondazione Comunista s’est contentée de servir d’aile gauche à la nouvelle coalition en surfant sur l’anti-Berlusconisme ambiant. Poutrant très active lors des mouvements antimondialistion et antiguerre, elle ne s’est jamais profilée, lors de la campagne, comme anticapitaliste et n’a mis en avant aucune perspective capable de mettre fin aux privatisations et de faire payer aux patrons le prix de la crise de leur propre système. Alors que tant de travailleurs et de jeunes plaçaient leurs espoirs en ce parti, il n’a jamais adopté une position de classe claire en proposant un programme socialiste ou communiste afin de se démarquer distinctement du programme néo-libéral de Prodi.

Bien que la victoire du centre gauche peut apporter certaines illusions, les italiens se souviennent surtout de Prodi comme du libéral qui a fait entrer l’Italie dans l’euro entrainant une augmentation sauvage du coût de la vie. Bien des jeunes et des travailleurs sont conscients qu’il s’avère être le meilleur atoût de la bourgeoisie pour continuer les plans d’austérité. Des discussions avec la Confindustria (principale confédération patronale) ont d’ailleurs déjà été menée sur les futures baisses des charges patronales et un nouveau "contrat social" visant à freiner l’augmentation salariale et restreindre les possibilités de mouvements de grèves.

Très vite, cette coalition du moindre mal sera confrontée à l’énorme pression de sa base. Un parti large avec un vrai programe de défense des travailleurs, unissant ceux-ci et les jeunes dans des mouvements de luttes massifs, est indispensable pour se débarasser définitivement de Berlusconi et défendre nos acquis.

Partager :
Imprimer :
Première page de Lutte Socialiste