Inde : Re-criminalisation des droits durement acquis des LGBT

Ce que l’on appelle la ‘‘plus grande démocratie au monde’’, l’Inde, a décidé fin 2013 de revenir sur les droits des personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres) en rendant un verdict positif concernant l’article 377 du Code pénal indien par l’intermédiaire de la Cour Suprême. Cette loi victorienne draconienne criminalise l’homosexualité. Le mouvement pour les droits des LGBT est repoussé vers le passé.

Par Rajesh Srinivas, New Socialist Alternative (CIO-Inde)

Il a été notamment défendu que la communauté LGBT ne représente qu’une ‘‘minuscule population’’ et ne nécessite pas de protection. L’article 377 va pourtant plus loin en criminalisant mes ‘‘les relations charnelles allant à l’encontre de l’ordre naturel des choses : des relations péno-vaginales.’’ Un grand nombre d’hétérosexuels vont eux aussi à l’encontre de ce soi-disant ‘‘ordre naturel’’. Cet article s’oppose même à la Constitution indienne qui affirme que chaque personne a droit à l’intégrité physique et au droit de vivre dans la dignité et l’égalité.

Les médias ont réagi sur ce sujet en le limitant à la communauté LGBT, mais c’est inexact. Il convient de souligner que les choses vont beaucoup plus loin que cela.

L’histoire de l’article 377

Les premières mentions de la sodomie en tant que crime dans la loi anglaise remontent au Traité de Fleta (1290) et plus tard au Traité de Britton (1300). Ces deux textes prescrivent que les sodomites doivent être brûlés vifs. Les infractions étaient traitées par des tribunaux ecclésiastiques.

En 1553 est arrivée la Loi sur la Sodomie (le ‘‘Buggery Act’’), la première loi formelle pour réprimer la sodomie, adoptée par le Parlement anglais sous le règne d’Henry VIII. Cette loi définissait la sodomie comme un acte sexuel contre-nature, contre la volonté de Dieu et contre celle de l’homme. La peine capitale était prévue en cas d’infraction.

L’article 377 du Code pénal indien a été adopté par le Conseil législatif et le gouverneur général de l’Inde britannique en 1860. Cet article précisait que ‘‘Celui qui a volontairement des relations charnelles contre-nature avec un homme, une femme ou un animal sera puni de peine d’emprisonnement à perpétuité, qui peut être réduite jusqu’à dix ans et sera également passible d’une amende.’’

La bataille juridique contre l’article 377 a commencé en 1994. En 2001, une pétition a été déposée devant la Haute Cour de Delhi, qui a rendu un arrêté historique dépénalisation l’homosexualité le 2 juillet 2009. Ce jugement historique a spécifié que les personnes LGBT font bien partie de la société indienne et que le pouvoir judiciaire doit être une institution dédiée à la protection de ceux qui pourraient être méprisés par une logique majoritaire.

Mais la Cour Suprême a décidé le 11 décembre 2013 d’annuler la décision de la Haute Cour de Delhi et de réaffirmer que l’homosexualité est une infraction pénale en Inde. C’est tout à fait comme de s’endormir en 2013 pour se réveiller en 1860.

La lutte pour les droits des LGBT

La lutte des personnes LGBT ne peut pas être considérée de façon isolée. La voie à suivre est d’organiser la lutte de la communauté LGBT en commun avec d’autres mouvements, comme ceux des paysans sans terre, contre l’injustice du système de caste, contre l’oppression des minorités nationales, pour le droit à l’auto-détermination des peuples du Cachemire et d’Inde du Nord et pour les droits des travailleurs – comme les héroïques travailleurs en lutte de Maruti Suzuki. Une lutte de longue haleine est nécessaire.

Il ne s’agit pas simplement de l’article 377. Quand bien même cet article serait abrogé, l’Inde ne changerait pas du jour au lendemain. Il y a ainsi de nombreuses lois qui existent contre les atrocités basées sur le système de caste ou contre la violence envers les femmes. En dépit de ces lois, les atrocités se poursuivent. Il ne faut pas seulement changer la loi, il faut changer le système qui en est à la base en luttant contre toutes les oppressions, c’est-à-dire en luttant contre le capitalisme.

Le mouvement doit puiser sa force et son inspiration dans les luttes des personnes LGBT et de la classe des travailleurs, qui continuent à faire face à une oppression quotidienne sur base de classe, de caste ou de sexe. Il est grand temps d’organiser la riposte contre la mentalité médiévale de l’establishment, qui veut servir les intérêts des fanatiques religieux.

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