Grèce : La faiblesse appelle l’agression

La Grèce a connu le 6 novembre dernier sa 4e journée de grève générale de l’année 2013. Mal préparée, mal organisée et sans le moindre plan d’action pour la suite du mouvement, cette journée de lutte n’a pas été un succès. ‘‘A cause du mauvais temps’’, selon les responsables syndicaux nationaux. Le lendemain, les ‘‘forces de l’ordre’’ sont intervenues pour évacuer les locaux de la radiotélévision publique ERT, dont la fermeture avait été annoncée en juin mais qui étaient depuis lors occupés par les travailleurs. Ces événements ne se sont pas succédés par hasard.

La mobilisation du 6 novembre visait à protester contre les attaques prévues dans le secteur public, les autorités prévoyant 25.000 mutations et 4.000 licenciements d’ici janvier. 15.000 fonctionnaires devraient passer à la trappe dans les mois à venir. A cette date, les experts de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne et du FMI (la Troïka) étaient à Athènes afin de vérifier l’application des mesures d’austérité dans le cadre des négociations d’une nouvelle tranche de prêts. Les autorités grecques ont donc très certainement voulu rassurer les représentants de la Troïka en leur montrant qu’elles étaient encore capables de frapper le mouvement en plein cœur.

Quand, en juin dernier, le gouvernement a annoncé la fermeture pure et simple de la radiotélévision publique ERT, il ne s’attendait pas à devoir faire face à l’occupation des locaux et à la poursuite de ses activités, mais cette fois-ci avec une grande liberté de ton et en prenant sans équivoque le camp des travailleurs et des mouvements sociaux. L’ERT occupée est ainsi rapidement devenue un grand symbole de la résistance contre l’austérité, et sa destruction une priorité pour l’establishment capitaliste grec et européen.

Reste que dans pareille affaire, le timing est très important. Karl Marx expliquait déjà que, dans certaines situations, la révolution a besoin du ‘‘fouet de la contre-révolution’’ pour avancer, à l’image de l’impact qu’a eu l’assassinat politique du dirigeant de gauche Chokri Belaïd en Tunisie en février 2013, qui avait déclenché deux jours plus tard la plus grande grève générale de Tunisie depuis 1976 et ouvert une période de crise d’autorité pour le gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda. Les autorités capitalistes voulaient très précisément éviter qu’un processus similaire ne se développe. L’échec relatif de la grève du 6 novembre a laissé un espace de manœuvre pour une riposte des forces du capital. Couronnée de succès, hélas, même si ERT diffuse toujours ses actualités, mais sur internet uniquement.

A la mi-septembre pourtant, une grève de 5 jours des enseignants avait illustré le potentiel qui reste présent pour la lutte des travailleurs : dès le premier jour, 90% des enseignants ont suivi le mouvement. Les manifestations d’enseignants, rejoints par les étudiants, à Athènes et à Thessalonique avaient une ampleur comparable à celles de la grève générale du 6 novembre. Finalement, la fédération syndicale des services publics (ADEDY) avait appelé à une grève générale de 48 heures dans le cadre des 5 jours de grève des enseignants, très clairement sous pression de la base.

En fait, depuis le début des mobilisations de masse en Grèce, le potentiel du mouvement ne cesse d’être gâché, notamment avec des journées de grèves générales organisées essentiellement dans l’objectif de laisser la vapeur de la colère des masses s’échapper quelque peu. Il parait aujourd’hui incroyable de constater l’absence de tout échéancier d’action, de tout plan de lutte coordonné pour enfin mobiliser l’énergie des masses qui refusent de continuer à payer pour une crise qui n’est pas la leur.

Nous avons besoin, en Grèce comme ailleurs, d’une direction du mouvement audacieuse, qui a confiance en la capacité du mouvement des travailleurs de remporter la victoire et de construire une autre société débarrassée de la logique de concurrence et de profits. Le potentiel révolutionnaire reste présent, mais le péril contre-révolutionnaire ne disparaîtra pas de lui-même.

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