Elections chiliennes : Victoire de l’abstention

Avec un niveau de 51,4%, l’abstention a largement gagné le premier tour des élections chiliennes du 17 novembre dernier. Cela est révélateur du désintérêt des électeurs pour le système politique actuel et nuance grandement la ‘‘victoire’’ de Michelle Bachelet, la candidate social-démocrate. En effet, non seulement elle n’a pas été élue dès le premier tour comme initialement espéré mais, en plus, ses 3.070.012 voix (46.67%) ne correspondent qu’à 22.7% des électeurs.

Par Pablo N (Bruxelles)

Quant à la candidate de la droite et de l’extrême-droite, Evelyn Matthei, elle n’a obtenu que 1.645.271 voix (25.01%), soit à peine 12.1% du corps électoral. Ce score correspond à la base traditionnelle de la droite putschiste et montre clairement qu’elle n’a pu remporter les élections de 2010 que grâce au dégoût profond de la population envers la Concertación (coalition de centre-gauche qui était au pouvoir depuis le début des années nonante). Le gouvernement de la Concertación (maintenant Nouvelle Majorité) dirigé par Bachelet fut marqué par de grandes mobilisations, particulièrement des jeunes écoliers, et par la répression des grévistes ou du peuple Mapuche (littéralement ‘‘Peuple de la terre’’, communauté originaire du centre-sud du Chili et de l’Argentine représentant environ 4% de la population chilienne), qui laissa plusieurs morts. Contre ces derniers, ce même gouvernement appliqua d’ailleurs une loi ultra-répressive “anti-terroriste” datant de la dictature de Pinochet. La décomposition de cette coalition paraissait inéluctable, mais elle fut stoppée par le prestige de la présidente et par l’arrivée du Parti Communiste Chilien en son sein.

Le potentiel pour la gauche radicale

Au niveau de la gauche, le candidat Marcel Claude qui avait suscité l’espoir d’un bon résultat électoral n’a pas réussi à massivement attirer les jeunes qui se sont mobilisés ces dernières années ainsi que la majeure partie de l’électorat traditionnel de gauche. Il n’a pu récolter que 184.906 voix (2.81%).

Pourtant, avec la participation de centaines de bénévoles, le mouvement de Marcel Claude Todos A La Moneda (auquel participaient le Parti Humaniste chilien, le Mouvement Rodriguiste et Socialismo Revolucionario, l’organisation-sœur du PSL au Chili) avait un potentiel incroyable. Ainsi, il proposait le programme politique de gauche le plus radical depuis la fin de la dictature avec entre autres la convocation d’une assemblée constituante, la renationalisation du secteur du cuivre et des ressources naturelles en général, la fin du système des pensions privées (AFP), l’accès gratuit à l’éducation et à la santé ou encore la construction d’un Etat à caractère plurinational tenant compte des communautés originaires comme nations à part entière. Il a pu, jusqu’à un certain point, bénéficier de l’appui de la jeunesse qui d’habitude ne participe pas aux élections. Il a également réussi à avoir l’appui de dizaines d’organisations et des comités du mouvement se sont autoconvoqués dans tout le pays.

Nous analysons que cette défaite est en partie due à l’impossibilité de certaines organisations ou de certains individus de la gauche chilienne de dépasser leur intérêts mesquins ou de réprimer leur arrogance. Ainsi, la fragmentation des forces anticapitalistes fut un grand obstacle pour la formation d’une force électorale crédible, capable de toucher et d’organiser une bonne partie de la population. De plus, la campagne électorale a été menée de manière très présidentielle, sans considération pour les candidats parlementaires et les candidats conseillers régionaux du mouvement. Mais les difficultés électorales de la gauche ne sont pas attribuables uniquement à ces points faibles. Le retard dans la conscience des masses et le monopole des partis capitalistes dans les médias dominants sont aussi des facteurs importants à prendre en compte.

Ceci étant, les Comités de Campagne de Todos A La Moneda ont été une opportunité pour que les militants de plusieurs horizons et tranches d’âge puissent se rencontrer, surpassant quand même une certaine division. Une proposition de constituer un Front des Travailleurs dans tout le pays est née dans le mouvement et est en train de prendre forme. Si ce Front des Travailleurs se constitue réellement, en tant que premier pas pour l’unification et la conscientisation de la classe ouvrière et la jeunesse chilienne, ce sera finalement le plus grand apport de cette campagne. De plus, un secteur du mouvement étudiant regroupé autour de la Izquierda Autónoma Universitaria (la Gauche Autonome Universitaire) a réussi à faire élire un candidat au parlement chilien.

En conclusion, l’abstention des secteurs les plus jeunes et les plus dynamiques, le dégoût pour l’establishment, les inégalités sociales brutales, l’endettement privé général et l’accentuation de la baisse de croissance chilienne promettent un gouvernement avec très peu de légitimité et de fortes mobilisations sociales. Cela donne également un terrain propice pour les idées vraiment démocratiques et socialistes dans les prochaines années.


Nos candidats

Celso Calfullan de Socialismo Revolucionario était candidat pour le conseil de Santiago. Il a reçu 16.500 voix dans le deuxième district électoral, un des meilleurs résultats du mouvement ‘Todos a la Moneda’. Patricio Guzmán, également membre de Socialismo Revolucionario, a recueilli 13.000 voix pour le Sénat à Santiago Oriente.

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