Le 4 novembre dernier, la police est intervenue massivement au Gésu à Saint-Josse. Les 200 policiers dépêchés sur place se sont chargés d’expulser les 120 occupants (38 mineurs) de l’ancien couvent, vide depuis 2009. Cette expulsion faisait suite à un arrêté de police pris par le bourgmestre de Saint-Josse Emir Kir (PS) pour ‘‘atteinte à la sécurité, à la tranquillité et à la salubrité publique.’
Par Baptiste (Nivelles)
Photo ci-contre : Collectif Krasnyi
Depuis 2009, des dizaines de familles pauvres (sans-abri, sans-papier,…) avaient pris place dans ce grand bâtiment vide proche du Botanique. Avant l’expulsion, plus de 200 personnes y avaient trouvé un hébergement de fortune, faute de pouvoir trouver un toit dans la capitale. Cela a pris brutalement fin ce 4 novembre. ‘‘Il ne peut y avoir de zones de non droit dans nos rues, c’est indigne d’un État de droit (…) Nous ne voulons pas de lieu qui amène une déstructuration sociale. Nous ne voulons pas le maintien de la misère… je ne peux pas permettre l’anarchie.’’ Aussi incroyable cela puisse être, ces mots ne sont pas ceux des opposants à l’expulsion mais bien ceux d’Emir Kir visant à se justifier de ses actes.
Où toutes ces personnes vont-elles aller ? Les plus ‘‘chanceux’’ vont pouvoir être temporairement relogés dans 12 appartements promis par la Région Bruxelloise. L’ensemble des appartements promis ne sont pas encore disponibles, seuls 5 le sont, et cela ne répondra de toute façon pas au besoin en logement des 120 expulsés qui campent tant bien que mal dans les locaux du Samu social. Alors que le très limité ‘‘plan hiver’’ ne fait que commencer, le Samu Social est déjà à saturation ! Et cela ne tient pas non plus compte des dizaines d’autres occupants du Gésu qui ont quitté anticipativement les lieux par peur à l’annonce de l’expulsion.
Toutes ces personnes, considérées à l’unanimité comme des ‘‘squatteurs fauteurs de troubles’’ selon le PS, ne sont en réalité que des énièmes victimes de la misère et de la quasi impossibilité de trouver un logement à Bruxelles quand on est pauvre. Le chômage de masse dans la capitale (>20%) pousse l’ensemble de la population vers des conditions de vie toujours plus précaires, et il ne reste comme perspective d’avenir pour les plus démunis que du travail au noir ou de l’intérim. Là se trouvent les véritables racines de la misère, de l’anarchie et de la désintégration sociale : dans le système capitaliste en crise dont les partis traditionnels, PS en tête, en assure la gestion aux différents niveaux de pouvoir.
Selon le ‘‘rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté’’, 38.284 Bruxellois ont reçu une aide du CPAS en 2012, soit 3,2 % de la population bruxelloise. Cela représente 1.303 bénéficiaires de plus qu’en 2011 (+3,5 %). Parmi la population bruxelloise âgée de 18 à 64 ans, le taux de personnes dépendant d’un revenu octroyé par le CPAS atteint 5%. A Saint- Josse, ce taux dépasse même les 10% ! La part de jeunes de 18 à 24 ans parmi les bénéficiaires d’un revenu d’intégration est en augmentation et est passée de 22 % en janvier 2003 à 28,2 % en 2012. Au total, un tiers des Bruxellois (33,7 %) doivent vivre avec un revenu inférieur au seuil de risque de pauvreté.
Pendant ce temps-là, le nombre de logements sociaux est à la traîne et ne permet pas de suivre une liste d’attente en constante augmentation. Depuis 2010, l’offre en logements sociaux est passée sous les 50 % de la demande. Et cette demande est fortement sous-estimée, la liste d’attente étant devenue un parcours du combattant longue de parfois plus d’une décennie. En l’absence de logements sociaux disponibles massivement, les prix des logements et les loyers n’ont cessé d’augmenter ces dernières années et ont mis dans le rouge l’immense majorité des ménages bruxellois. Ce n’est pas un hasard si le Samu Social constate une augmentation vertigineuse des femmes dans les centres d’accueil, qu’elles soient seules ou en famille monoparentale.
La politique du gouvernement régional Olivier (PS-CDH-ECOLO) à Bruxelles et celle des communes est de chasser la pauvreté de la capitale. Il ne s’agit pas de répondre aux besoins en emplois, logements, enseignement et autres services par des investissements publics conséquents, mais de concentrer de plus en plus les dépenses dans des projets de prestige et d’embellissement de quartiers pour évacuer les plus pauvres par l’augmentation des prix et attirer des couches plus aisées. Le recours d’Emir Kir aux expulsions est une pierre de plus dans cet édifice.
Résistons à ces politiques néolibérales et antisociales ! Un nouveau parti défendant les intérêts des travailleurs et de leur famille est nécessaire pour s’y opposer et avancer un programme radical d’investissements publics massifs pour résorber les pénuries sur base d’un contrôle démocratique des secteurs clés de l’économie.