Train pour le Climat vers Varsovie : "Il est déjà minuit 10''

Le vendredi 15 novembre dernier, 700 activistes belges se sont rendus à Varsovie à bord d’un train spécialement affrété par  »Climat et Justice Sociale » pour participer à une manifestation en marge du sommet de l’ONU sur le climat, la COP 19 (19e conférence), qui se déroulait dans la capitale polonaise. Plusieurs manifestants arboraient sur leur visage une horloge indiquant minuit passé de dix minutes, pour symboliser que l’urgence s’impose au point qu’il est déjà un peu trop tard…

Par Nicolas Croes, photos par MédiActivista

La délégation africaine présente à Varsovie n’a d’ailleurs cessé de scander que les changements climatiques sont déjà à l’œuvre là-bas, que ce n’est pas de demain dont il est question, mais déjà d’aujourd’hui. Le tout récent désastre provoqué par le typhon Haiyan aux Philippines a quant à lui cruellement rappelé l’urgence d’agir et de sortir des beaux discours. Mais force est de constater que, depuis la première conférence de l’ONU sur le climat organisée en 1992 à Rio, rien n’a changé, ou peu, tellement peu. Ce Sommet de Varsovie visait à préparer l’accord sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre qui doit être signé à Paris en 2015 (la COP 21). Mais, de toutes parts, les arguments officiels ne manquent pas pour échapper à tout accord contraignant. Les Etats-Unis ont d’ores et déjà déclaré refuser d’appliquer après 2015 un autre objectif que celui que l’administration américaine se fixera elle-même, et les autres pays ne sont pas en reste, en se cachant souvent très hypocritement derrière le fait que les grandes puissances ne veulent parvenir à rien de concret.

A bord du train pour le climat

Organiser tout un train bourré à craquer de militants vers la Pologne en assurant le logment sur place et les repas durant le voyage (et même la bière au fût), c’était un fameux défi que Climat et Justice Sociale a brillamment relevé. Victime de son succès, le train a hélas dû laisser le wagon initialement consacré aux débats aux personnes supplémentaires, mais cela n’a pas empêché les discussions d’aller bon train durant le voyage.

Quant à la manifestation, le contingent venu de Belgique s’est fait remarquer, par son ampleur en comparaison de la manifestation, mais aussi par son dynamisme, particulièrement dans le cas des délégations de JNM (Jeugdbond voor Natuur en Milieu) et de Comac, l’organisation de jeunesse du PTB.

Quelques militants du PSL étaient également présents dans le train. Nous avons pu sur place retrouver nos camarades de la section polonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), Alternatywa Socjalistyczna (Alternative Socialiste), et militer ensemble durant le cortège. Lors du meeting final, un de nos camarades a pu prendre la parole pour brièvement mettre en avant le lien entre la crise environnementale et la crise économique ainsi que l’importance de lier les mobilisations sociales entre elles vers une lutte de masse pour une société socialiste démocratique.

Un sommet placé sous le signe du capital

‘‘La COP19 sera le cas le plus extrême de mainmise par le privé sur la COP que nous n’ayons jamais vu’’, a dénoncé à Varsovie un membre du Corporate Europe Observatory à une journaliste du quotidien français Libération. ‘‘Le gouvernement polonais a accordé le statut de partenaire à onze entreprises privées, y compris celles qui accumulent quelques-uns des antécédents les plus préjudiciables pour le climat, tels qu’ArcelorMittal, le plus grand bénéficiaire du marché carbone européen, ou le constructeur automobile BMW, qui bloque les tentatives de l’UE pour réduire les émissions des voitures depuis des décennies.’’

Mais si les autorités polonaises constituent un exemple assez extrême – le ministère de l’Economie polonais a été jusqu’à organiser un Sommet mondial sur le charbon et le climat en parallèle des négociations de l’ONU afin de soutenir le secteur minier – la logique de concurrence et de course au profit du système de production capitaliste pousse chaque gouvernement à se rendre dans ces négociations avec pour premier objectif la sauvegarde de la compétitivité de son économie nationale.

Rien ne bouge, ne changeons rien ?

Albert Einstein décrivait la folie en ces termes : ‘‘se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.’’ C’est un peu de cela qu’il s’agit lorsqu’on parle de contre-sommets. Pour de nombreux activistes et pour pas mal d’ONG et de groupes partis en train de Belgique pour Varsovie, l’idée de cette mobilisation était avant tout d’assurer que ‘‘les dirigeants fassent preuve de courage et de détermination.’’ Mais ces dirigeants n’ont rien fait jusqu’ici pour affronter le cœur-même du problème – le gigantesque gaspillage de ressources et d’énergies d’un mode de production international basé sur la maximalisation du profit au détriment de l’environnement et de la majorité de la population – pourquoi commenceraient-ils maintenant ?

Tous les jours nous pouvons constater que ces autorités gouvernementales ne sont que les laquais serviles de la dictature des banques et des multinationales : politiques d’austérité, normes environnementales revues à la baisse sous prétexte de crise économique, aides massives aux entreprises (c’est-à-dire aux patrons et actionnaires, pas aux travailleurs),…

Certains militants se réfugient derrière l’idée que, conjointement aux manifestations, les catastrophes et la réalité du changement climatique seront suffisants pour obtenir un ‘‘sursaut citoyen’’ de la part des élites au pouvoir. L’exemple de la banquise arctique est là pour nous démontrer une fois de plus à quel point le capitalisme sait s’adapter aux pires circonstances : la fonte des glaces y a ouvert un nouveau champ de bataille économique pour y extraire les ressources pétrolières maintenant accessibles.

System change, not climate change!

Le contingent belge à Varsovie représentait près de la moitié de la manifestation… Moins de 2.000 personnes étaient présentes, une claire illustration, notamment, de la perte légitime d’enthousiasme pour ces Sommets qui ne servent à rien et pour ces manifestations à l’efficacité également très limitée. De plus, mobiliser sur ce thème est particulièrement difficile en Pologne.

Le blackout médiatique y est total concernant les thématiques environnementales. 86% de l’électricité du pays est encore issue d’énergies fossiles et environ 3 millions d’emplois en dépendent d’une manière ou d’une autre (il existe par exemple encore plus de 90.000 mineurs). Parler de ‘‘transition écologique’’ est compliqué dans ce pays encore marqué par la ‘‘transition démocratique’’ qui a vu un capitalisme sauvage remplacer l’économie stalinienne. Même les syndicats sont extrêmement sceptiques quant à tout accord environnemental. Dans un tel contexte (et de manière plus générale aussi d’ailleurs), limiter les solutions environnementales aux discours basés sur une ‘‘consommation responsable’’ ou sur le photovoltaïque ne vaut pas grand-chose.

Riposter face à l’opposition factice entre emploi et environnement signifie de s’en prendre vigoureusement à la racine du problème. Il est absolument crucial de lier la faillite totale du capitalisme tant sur le plan économique que sur celui de l’humain ou de l’environnement, et donc de lier les mobilisations entre elles autour d’un programme de rupture anticapitaliste et socialiste et des moyens d’action dont dispose le mouvement des travailleurs : le blocage de l’économie par la grève générale et la lutte de masse.

Face au péril environnemental, nous avons besoin d’un plan de réorientation de l’économie audacieux capable de balayer les entraves réactionnaires du monde du Big Business par la collectivisation des secteurs-clés de l’économie, sous contrôle et gestion démocratiques, contrairement aux économies bureaucratiquement planifiées connues à l’Est jusqu’à l’effondrement de l’Union Soviétique.

Les récentes mobilisations de masse qui ont ébranlé le monde depuis la Révolution tunisienne de 2011 montrent la voie. Mais l’impasse apparente dans laquelle se sont retrouvés tous ces mouvements admirables illustre l’absolue nécessité de discuter en profondeur de l’alternative à défendre face au capitalisme ainsi que de la manière d’y parvenir. En rester au niveau de la simple dénonciation de la responsabilité du système ne permettra en rien de freiner ce dernier, ne parlons même pas de le renverser.

Pour en savoir plus:

Quelques autres photos – socialisme.be

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