USA : Les campagnes électorales de Socialist Alternative ont remporté un grand succès

C’est aujourd’hui 5 novembre que se déroulent les élections locales américaines, et les campagnes pour un siège de conseiller municipal à Minneapolis et à Seattle menées par Socalist Alternative (CIO-USA) ont bénéficié d’un puissant momentum. Des candidats de taille se sont sentis forcés de soutenir leurs adversaires de Socialist Alternative en réponse à leurs campagnes basées sur les mouvements sociaux et une foule de volontaires.

Kai Stein, CIO

Ty Moore pour le conseil communal de Minneapolis

Les politiciens capitalistes et les lobbyistes nationaux des grandes entreprises, étroitement liés au secteur bancaire, ont clairement choisi leur candidate, Alondra Cano, pour la course serrée au conseil municipal du ward 9 à Minneapolis. Cela donne à la classe ouvrière une image bien plus claire du choix qui s’offre à eux, et de choisir un candidat qui sera de leur côté, Ty Moore. Ty est un militant de longue date d’Occupy Homes, qui défend les propriétaires de maisons contre les expulsions et les saisies immobilières. Il est aussi un membre de Socialist Alternative.

A la surprise générale, l’un des principaux grands groupes lobbyistes américains, précédemment basé à Chicago, a rejoint la course. L’association nationale des Realtors (NAR), un groupe de lobbyistes du domaine de l’immobilier, soutient les démocrates et les républicains, y compris des dirigeants du Tea Party comme Michelle Bachman et Ted Cruz. Le groupe a investi 40 millions de dollars dans les élections l’année dernière. Deux semaines avant le jour des élections du 5 novembre, ce Super-PAC (comité d’action politique) a envoyé massivement et à deux reprises, à quelques jours d’intervalle, des tracts appelant à voter pour Cano.

Ce soudain intérêt dans la politique locale à Minneapolis est une reconnaissance de l’énorme écho qu’a trouvé la campagne de Socialist Alternative, malgré un budget plus que limité. L’intervention des corporations américaines dans les quartiers du sud de Minneapolis fait partie du programme de la NAR pour faire reculer la résistance des propriétaires de maison contre les expulsions.

Par exemple, ils poursuivent en justice la ville de Richmond, où un maire membre du Green party acquiert des bâtiments privés pour reloger des gens endettés durement touchés par les banques. Ces expropriations sont généralement utilisées pour virer les « petites gens » pour faire de la place pour les grands constructeurs immobiliers, des autoroutes, ou pour satisfaire des intérêts financiers. Richmond donne une idée de comment se servir d’outils inhabituels dans la lutte contre Wall Street.

Occupy Homes a saisi cette idée et dit que tous les outils possibles doivent être utilisés à Minneapolis. La campagne insiste sur le fait qu’après le krach économique de Wall Street, les banques ont été sauvées, et maintenant ces mêmes banques s’en prennent à des centaines de familles dans le ward 9 à Minneapolis, et tentent de les expulser de leurs maisons. Occupy Homes a organisé avec succès la résistance contre les expulsions et a empêché les banques de saisir des maisons. C’est l’un des points principaux de la campagne de Ty Moore.

Alors qu’Alondra Cano se présente toujours publiquement comme une militante et une organisatrice qui défend les gens contre les banques, la vérité a éclaté lorsque l’establishment local s’est mis à la soutenir après que la campagne de Ty Moore ait fait de l’ombre à la sienne avec ses distributions de tracts en porte-à-porte et ses centaines d’enseignes dans les jardins.

Pendant que Cano serrait la main de personnes menacées d’expulsion, le maire envoyait la police pour les expulser au profit des banques. Ce même maire qui a collaboré à une campagne de don pour Cano, approuvée par le DFL (Democrats Farmer Labor Party, les démocrates du Minnesota).

Lors de cette campagne, qui n’a pas été organisée dans le Ward 9 mais dans les quartiers les plus riches de Minneapolis, la machine du DFL était visible ; les responsables d’une subvention au propriétaire de l’équipe de football des Vikings, le milliardaire Zygi Wilf, y ont fait office de coorganisateurs.

L’intervention non dissimulée d’énormes sommes versées par le NAR renforce encore plus l’engagement de centaines de volontaires participant à la campagne de Ty Moore. Le SEIU, l’un des plus puissants syndicats du pays, soutient sa campagne. Occupy Homes mobilise ses membres pour aider à convaincre des gens à voter pour Ty. L’appel de don national lancé l’année dernière par la candidate du Green party à la présidence, Jill Stein, par Matt Gonzales, qui a participé à la campagne présidentielle de 2008 avec Ralph Nader, et bien d’autres, a trouvé un plus large écho alors que les gens ont pu voir l’importance nationale qu’ont revêtues ces élections.

Kshama Sawant à Seattle

Richard Conlin détient son siège au conseil communal de Seattle depuis 16 ans. Conlin dispose d’un réseau de pouvoir et de soutien basé sur les grandes entreprises et les entreprises immobilières influentes. Cependant, le fait qu’il ait rassemblé plus d’argent pour sa réélection que tout autre candidat à Seattle ne provient pas de sa popularité. En regardant de plus près la liste de ceux qui l’ont soutenu, il est clair que les constructeurs immobiliers et les grandes entreprises sont nerveux quant à l’issue de cette course très serrée.

Après avoir obtenu 44.000 votes aux primaires d’août, Kshama Sawant est en course pour que la classe ouvrière obtienne un représentant élu au conseil communal. 300 volontaires font du porte-à-porte. Un énorme effort dans la collecte de dons a permis à cette campagne socialiste d’envoyer des tracts dans 140.000 foyers. Kshama a défié le candidat sortant dans un débat télévisé et à de nombreux forums politiques. Cette course coudes à coudes a encouragé l’influent hebdomadaire local, The Stranger, à faire campagne pour Kshama, plongeant l’establishment de Seattle la peur.

Conlin s’est même senti obligé à commencer une horrible compagne de diffamation. Dans le Seattle Times, le principal journal pro-establishment de la ville, Conlin s’est interrogé sur « l’engagement civique » de Kshama car elle n’a voté qu’à 3 des 4 élections auxquelles elle aurait pu voter. Conlin sembler lier engagement civique et votes, mais son attaque implicite est cependant claire : Kshama est une immigrée (elle a obtenu la nationalité américaine en 2010). Cette attaque contre une candidate de couleur venant de l’immigration a eu un effet polarisateur et a aussi mobilisé de nouveaux appuis pour la campagne Vote Sawant.

The Stranger a donné une réponse claire aux accusations de Conlin et a conclu : « le problème de Conlin, c’est que Kshama Sawant est trop engagée. Colin devrait cesser de faire une fixette sur ses votes. Il devrait plutôt s’inquiéter de ses propres votes contre le transit, pour des autoroutes à moitié financées, contre les congés maladie, pour une loi anti-mendicité qui a violé la norme des droits civiques de la ville, et contre une amélioration de la sécurité des centres pour sans-abris, entre autres ».

Le dernier tour des élections a déjà commencé. Les habitants de Seattle ont deux semaines pour envoyer leur vote. Près de 200.000 électeurs décideront entre un politicien capitaliste et une militante de la classe ouvrière. Une campagne organisée à la base de la population lutte contre l’influence de l’argent sur la politique, et l’issue est incertaine.

Pour un salaire de 15$ de l’heure.

Une des principales revendications de la campagne Vote Sawant est l’instauration d’un salaire minimum de 15$ de l’heure et le droit à une syndicalisation totale. Les t-shirts rouges portés par les partisans de la campagne qui réclament cette augmentation au lieu du minimum de 9,19$ à Seattle sont devenus la marque visuelle de la campagne.

Cette revendication soulevée par les travailleurs des fast food l’année dernière s’est répandue dans tout le pays, réveillant les aspirations de millions de travailleurs à bas salaires. Elle résonne parmi les couches les plus pauvres de la classe ouvrière américaine, mais a gagné un soutien bien plus large.

Au cours de la campagne de Seattle, poussés par Kshama Sawant et ses supporters, même les deux candidats au poste de maire en commencé à approuver cette revendication, mais en termes vagues. Si les travailleurs ne peuvent pas compter sur ces deux candidats démocrates, cela montre tout de même l’impact d’une campagne acharnée.

Toutes sortes d’attaques ont été lancées contre la revendication de hausse du salaire minimum de la campagne de Kshama. Ceux qui bénéficient le plus de la surexploitation des travailleurs sont des entreprises comme McDonald’s, Walmart et la chaîne de supermarchés Target. L’argument qui est sans cesse ressorti est que les petites entreprises ne tiendraient pas le coup.

Cependant, il est évident qu’un salaire de 15$ de l’heure ne serait qu’un premier pas pour gagner suffisamment avec un emploi à temps plein pour nourrir une famille. Et ces fameuses petites entreprises sont déjà coulées à cause de la pauvreté, des expropriations et de l’économie brisée basée sur la sur-accumulation de capital sans investissement alors que des familles de travailleurs souffrent. La correction de cette situation qui plonge depuis trop longtemps des familles dans la pauvreté sera une première étape pour réparer toute l’économie.

A Minneapolis, la campagne de Ty Moore pour le poste de conseiller communal a aussi trouvé un grand écho avec la revendication d’un salaire minimum de 15$ de l’heure, y compris dans une manifestation pour les droits des immigrés début octobre. Le conseiller actuel du ward 9 a déclaré être « tout à fait sûr » que la ville ne peut imposer une telle législation. Le Minneapolis Star Tribune cite Gerry Schiff dans un article sur un forum des candidats (auquel ce dernier n’était même pas présent): « Ce n’est qu’un leurre que Ty Moore agite et qui montre qu’il ne comprend rien au poste pour lequel il se présente ».

Sans surprise, le conseil communal n’a eu aucun problème à contourner la loi pour offrir un cadeau de 150 millions de dollars à un milliardaire en l’attribuant au stade des Vikings, évitant ainsi un référendum obligatoire de la population de la ville.

La loi qui empêche Minneapolis de décider d’un salaire minimum est injuste et n’a même jamais été attaquée en justice, une mesure que le conseil communal pourrait immédiatement prendre en implémentant cette augmentation de salaire. L’ordonnance d’un salaire minimum peut forcer immédiatement tous les contractants de la ville à appliquer cette mesure d’un salaire minimum de 15$ de l’heure. Des victoires comme le mariage pour les couples de même sexe n’ont pas été remportées par des politiciens qui disaient qu’ils en étaient incapables, mais par des mouvements avec des dirigeants qui ont montré le chemin en défendant les intérêts de la classe ouvrière.

Le combat pour un salaire de 15$ ne prendra bien sûr pas fin le jour des élections, le 5 novembre. Les efforts de dizaines de milliers de travailleurs des fast foods, du SEIU, d’autres syndicats et de nombreux militants communautaires ont montré le potentiel d’un soulèvement des parties les plus pauvres de la classe ouvrière des Etats-Unis.

Ouverture politique

La force des deux campagnes de Socialist Alternative à Minneapolis et à Seattle réside dans le fait qu’elles dérivent d’un programme pour défendre la classe ouvrière contre Wall Street. Ce programme est basé sur la bonne compréhension de la colère née lors du mouvement Occupy en 2011, qui n’a pas disparu, et qui reste une source pour de futurs grands mouvements et de grandes secousses politiques.

Des millions d’Américains sont aliénés par les deux partis du grand capital et recherchent une alternative. Mais plus que ça, malgré la petite croissance économique, le système politique et économique est brisé et de nombreux Américains le réalisent. Des tensions sociales montent.

Les populistes de droite et les libertariens (lobbyistes ultralibéraux, pro marché) tentent de combler le vide politique. Mais tous les indicateurs pointent vers le développement lors des prochaines années de la recherche d’une nouvelle alternative de gauche, peut-être populiste au départ, mais qui affirmera au fur et à mesure son caractère de classe. Le potentiel s’ouvre pour une coalition des militants et des candidats travaillistes, socialistes et du Green party pour offrir une alternative aux politiques capitalistes.

Malgré d’énormes tâches et des forces réduites, Socalist Alternative est extrêmement bien positionnée pour contribuer à ces développements pour aider la riposte contre la soif de profits, et pour la lutte pour un futur socialiste.

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