Procès de 5 permanents SETCA BHV licenciés : Méthodes, plaidoiries, discours… quand la direction syndicale s’apparente au patron du syndicat.

Ce lundi 21 octobre avait lieu l’audience du tribunal du travail de Bruxelles concernant le licenciement pour faute grave des 5 secrétaires syndicaux du SETCa BHV sauvagement licenciés, il y a déjà plus de trois ans, par la direction syndicale du SETCa fédéral. Retour sur les éléments de la plaidoirie de la direction du SETCA fédéral.

Par un correspondant du PSL

Plusieurs syndicalistes étaient présents ce 21 octobre pour marquer leur solidarité avec leurs anciens permanents, mais également des syndicalistes de la CNE, et dénoncer les méthodes patronales utilisées par l’appareil syndical.

En effet, les longues plaidoiries de ce lundi ont remis en évidence les pratiques empruntées par la direction syndicale aux pires patrons. Pratiques que le syndicat dénonce, par ailleurs, dans toutes ses publications destinées aux affiliés et militants :

  • Judiciarisation du conflit : alors que le syndicat dénonce partout le recours systématique aux tribunaux par les directions d’entreprises (en cas de piquets de grève, notamment), il règle le différend qui l’oppose aux 5 en justice en outrepassant les structures décisionnelles régionales. En effet, le Comité exécutif de la section régionale de BHV n’a jamais eu l’occasion de débattre et de voter la question du licenciement pour faute grave des 5 de l’industrie. D’ailleurs, les 5 permanents ont été élus par la base, ce licenciement court-circuite donc les structures de base du syndicat. Seuls les syndicalistes qui les ont élus devraient pouvoir révoquer éventuellement leur mandat.
  • Banalisation de la faute grave : être licencié pour faute grave a des conséquences dramatiques pour un travailleur : licenciement immédiat, sans préavis ni indemnité et, dans la plupart des cas, sanction par l’assurance-chômage pendant plusieurs mois. Dans la loi, ce type de licenciement est exceptionnel et réservé à une faute gravissime, clairement établie. Classiquement, il s’agit de violence au travail, de vol ou de fraude avérée. Tout syndicaliste a à cœur d’intervenir pour éviter que ce mécanisme soit utilisé voire, le cas échéant, de transformer une faute grave en un licenciement normal (lorsque la réintégration n’est vraiment pas possible). Ici, l’organisation syndicale non seulement utilise ce procédé indigne mais le rend collectif (cinq licenciements pour la même soi-disant faute grave) et le banalise car la faute prétendue n’est que l’envoi, jugé déplacé, d’un e-mail. La faute avancée est pour le moins subjective : insubordination, obstruction, atteinte à l’honorabilité ;
  • Criminalisation de la contestation : une divergence de point de vue sur la gestion financière de la régionale est sanctionnée d’une faute grave pour insubordination alors que la contestation est la base du travail syndical des délégués d’entreprise quand ils constatent un dysfonctionnement ou un investissement qui risque d’hypothéquer l’avenir de l’entreprise. Il ne s’agit pas ici de départager qui a ou non raison. Mais si un délégué syndical ne peut plus mettre en question, par des arguments posés, qu’il ait tort ou raison, le projet d’une direction, si cela est à considérer comme une faute grave, alors demain tous les représentants et délégués syndicaux pourraient être licenciés pour faute grave par leur entreprise !
  • Mépris pour les actions et témoignages de soutien aux 5 permanents licenciés : sous prétexte qu’aucun procès-verbal du Comité Exécutif n’acte de contestation du licenciement, il n’y aurait eu aucune protestation ni soutien aux licenciés ;
  • Criminalisation des actions syndicales : paradoxalement, par rapport au point précédent, alors que les permanents licenciés ont organisé pendant des mois après leur licenciement, et avec les nombreux militants qui les soutenaient, diverses actions au sein de l’organisation syndicale pour exiger leur réintégration (manifestations, tractage, occupation, meetings), les dirigeants syndicaux appellent cela des « voies de fait ». Comme le premier patron anti-syndical venu qui va en justice contre un piquet de grève ou une occupation d’entreprise en criant aux « voies de fait ».
  • Espionnage des boîtes mail des licenciés : sur base d’une jurisprudence rendue au pénal selon laquelle une preuve recueillie illégalement peut être recevable en fonction de la gravité de la faute, la direction syndicale se sert de mails relevés illégalement dans les boîtes mail des permanents licenciés. Pourtant, un arrêt de la Cour de Travail de Bruxelles (niveau d’appel) a déjà clairement établi que ce principe n’a pas sa place en droit du travail. Comment le syndicat pourra-t-il demain contester aux employeurs le droit de fouiller dans les boîtes mail de ses travailleurs, pour en sortir, hors de tout contexte, le message un peu maladroit permettant de les incriminer ? De même, un statut Facebook sorti de leur contexte a été utilisé par les avocats du SETCa fédéral, dans les plaidoiries ;
  • Incohérence et mépris : les dirigeants syndicaux reprochent à ceux qu’ils prétendaient licencier d’avoir continué à faire du syndicalisme dans les entreprises et ont tout fait pour les en empêcher (y compris la collusion avec les directions d’entreprise), malgré le soutient des militants de ces entreprises. Mais, de façon complètement incohérente, ils leur reprochent aussi de s’être inscrits au chômage et d’avoir retrouvé de nouveaux emplois, prétextant que cela indique que les licenciés auraient accepté leur licenciement.

A la fin d’une interview au journal De Standaard, le 4 septembre 2010, le président fédéral du SETCa justifiait son acte en disant « Un syndicat a des budgets et du personnel et doit donc être géré comme une entreprise ». C’est faux, un syndicat n’est pas une entreprise : le pouvoir vient de la base et non d’en haut ; les valeurs et objectifs n’ont rien à voir. En outre, même dans une entreprise, aucun syndicaliste ne peut tolérer de telles méthodes.

Toutes ces tactiques démontrent que l’appareil syndical est prêt à aller très loin pour museler toute opposition en son sein et à quel point il est important que la base s’organise pour reprendre en main les rênes du mouvement qui lui appartient et créé pour défendre ses intérêts et non ceux d’une petite minorité prête à tout pour préserver sa position.

Verdict annoncé pour le 2 décembre 2013, au plus tôt ! A suivre…


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