Deux mois après les émeutes qui ont secoué les banlieues françaises, le gouvernement Villepin a sorti ses "solutions" pour corriger les insuffisances du modèle d’intégration français sous forme de la loi pour "l’égalité des chances". Mais de même qu’ici en Belgique, le Pacte de solidarité entre les générations était tout sauf un exemple de solidarité, cette fameuse loi sur "l’égalité des chances" n’apportera rien à l’égalité mais beaucoup à l’appétit sans fin du patronat.
Nicolas Croes
Dans cette loi se trouve notamment la création de nouvelles Zones Franches Urbaines (ZFU) – dans les banlieues, dans lesquelles la moitié des bénéfices des entreprises ne seront pas imposés – qui se combinent à des diminutions fiscales directes dans des communes qui manquent déjà cruellement de moyens. Toutes les mesures prévues par cette nouvelle législation sont du même acabit. Celle-ci remet ainsi en cause la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans par l’instauration de l’apprentissage dès 14 ans – ce qui autorise le travail de nuit dès cet âge ! – ou encore permet de supprimer les allocations familliales aux parents d’enfants trop turbulents.
Mais la mesure la plus décriée est le Contrat Première Embauche (CPE) qui instaure une période de stage de deux ans. Ce CPE est une véritable attaque contre le contrat à durée indéterminée (CDI). Ce dernier n’est pas le rempart absolu contre les abus des employeurs, mais permet au moins de ne pas se retrouver licencié sans savoir pourquoi, ou pour des prétextes aussi peu valables que de laisser sa place à un cousin du patron, … Bref, le CDI est une protection face au licenciement arbitraire. Avec le CPE, cette protection n’existe plus et les jeunes peuvent ainsi se faire licencier à tout moment sans justification durant 2 ans!
Une attaque d’une telle ampleur ne pouvait que susciter la résistance. Des centaines de milliers d’étudiants, de lycéens et de travailleurs sont déjà descendus dans les rues clamer leur opposition à cette régression sociale. Le gouvernement français en est bien conscient. C’est pourquoi il a fait passer la loi à l’Assemblée Nationale (l’équivalent de notre Chambre) en utilisant une disposition qui permet de couper court au débat parlementaire, et surtout de décourager tous ceux qui sont rentrés en lutte. Reste le Sénat, où l’UMP n’a pas de majorité absolue, qui doit se prononcer sur le projet de loi pour le 3 mars, soit quatre jours avant la journée de manifestations prévue par les syndicats. Mais s’il existe bien des partis d’opposition, leur volonté d’en découdre est des plus limitées.
Selon François Hollande, président du Parti Socialiste, il faut être "réaliste, le texte va passer ". Et il ajoute : " Le travail d’explication que nous engageons trouvera son dénouement non dans la rue mais dans les urnes, en 2007". Il ne s’agit pas pour lui et ses amis "socialistes" de défendre les intérêts des travailleurs, mais bien les leurs en vue des élections présidentielles. Même son de cloche, ou si peu différent, du côté du Parti Communiste Français ou des Verts.
Beaucoup d’opposants au CPE font référence aux luttes contre le Contrat d’Insertion Professionnelle en 1994. Cette loi destinait les jeunes à être payés au maximum à 80% du salaire minimum et elle fut abandonnée alors qu’elle était déjà passée à l’Assemblée Nationale. Mais cette victoire fut obtenue par une grève de plusieurs semaines là où, aujourd’hui, aucune perspective claire de grève combative contre le gouvernement n’est prévue par les directions syndicales.
La lutte contre le CPE et les autres mesures de la loi sur "l’égalité des chances" ne concerne pas seulement les jeunes. Les patrons soutiennent à fond Villepin-Sarkozy, car ils espèrent que, le CPE étant passé, il sera après cela possible de l’étendre à tous les salariés. La résistance de tous les travailleurs doit faire front face à la soif de profits du patronat.