10.000 personnes ont participé le samedi 25 février à la manifestation de soutien des sans-papiers à Bruxelles et, parmi elles, il y avait une forte proportion de sans-papiers. Pour l’Union de Défense des Sans-Papiers et tous ceux qui soutiennent ce combat, c’est donc un grand succès. Mais, pour parvenir à une régularisation de tous les sans-papiers et obtenir la suppression des centres fermés, le chemin à parcourir reste encore long. Car cet objectif va à l’encontre de toute la politique menée en Belgique et en Europe depuis plus de trente ans.
Xavier Dupret
Depuis le choc pétrolier de 1974, les frontières de la Belgique et des autres pays européens sont, en effet, officiellement fermées aux migrations de nature économique. Cependant, loin de se tarir, les flux migratoires se sont, au contraire, intensifiés. Le démantèlement des politiques sociales en Europe de l’Est et en Afrique en est la principale raison. Les grandes institutions financières internationales (FMI et Banque Mondiale) ont imposé à l’ensemble de ces pays toute une série de plans d’assainissement des finances publiques, qui ont durement touché l’emploi, la santé, l’enseignement,… avec pour conséquence logique une détérioration des conditions de vie des populations.
Une nouvelle couche de travailleurs clandestins s’est ainsi constituée dans les pays capitalistes avancés. Les «sans-papiers» sont en réalité des ouvriers fragilisés par les orientations restrictives des politiques migratoires. Ils travaillent souvent dans le bâtiment, la plonge des restaurants et autres métiers pénibles dans des secteurs connus pour leur recours au travail au noir. Les sans-papiers partagent donc – en plus dur encore – le sort de la masse des travailleurs précaires de chez nous, contrairement à ce qu’affirment patrons et racistes qui essaient de les faire passer pour des parasites et des concurrents des travailleurs belges.
Au total, la multiplication des travailleurs sans-papiers apparaît comme un des éléments de la grande stratégie de précarisation du monde du travail qui, à des degrés divers, nous touche tous. Depuis la fin des années 80, c’est à. un mouvement de régression géénralisée que nous assistons. Une partie des précaires d’hier (femmes, jeunes, immigrés) devient les exclus d’aujourd’hui. Et ceux qui pouvaient espérer occuper un emploi fixe doivent le plus souvent se contenter d’un emploi flexible. Voilà le résultat de 20 ans de politique néolibérale.
Dans ces conditions, comment le mouvement des sans-papiers peut-il continuer à avancer ? Nous pensons qu’une stratégie axée sur le lobbying auprès des partis représentés au parlement risque d’épuiser le mouvement parce que les partis traditionnels ne veulent pas réellement modifier la situation actuelle.
Le combat le plus important est, en dépit des difficultés, d’ancrer la lutte des sans-papiers à l’intérieur du mouvement ouvrier belge, parce que celui-ci est le meilleur allié dans la construction d’un rapport de forces avec le gouvernement. Cette lutte n’est pas que syndicale. Elle est aussi politique.
La lutte des sans-papiers doit être incluse dans la construction d’une nouvelle force de gauche défendant résolument les intérêts de tous les travailleurs, qu’ils soient belges, immigrés ou sans-papiers.