Ce cas individuel représente dans les faits une victoire pour toute la classe des travailleurs. Depuis ce dimanche 14 juillet, notre camarade Liv Shange est à nouveau en Afrique du Sud. Jusque là, elle était menacée de ne plus pouvoir y revenir à cause du rôle politique qui fut le sien dans le cadre de la lutte des mineurs sud-africains. Le nouvellement créé Workers and Socialist Party avait lancé une campagne en sa défense afin d’instaurer une pression suffisante sur les autorités.
Par Meshack Komane, Democratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud)
Le contexte
Pour en savoir plus
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Le mardi 11 juin dernier, peu de temps avant que Liv ne quitte l’Afrique du Sud pour une visite de famille en Suède, le secrétaire général de l’African National Congress (ANC) Gwede Mantashe avait déclaré à Sandton, à l’occasion d’un forum d’hommes d’affaires, que des étrangers issus de Suède et d’Irlande se trouvaient derrière ce qu’il qualifiait comme étant “l’anarchie de Marikana”. A la suite de cela, il y a eu la tentative d’expulser la militante de premier plan du Democratic Socialist Movement (DSM, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Afrique du Sud) et du Workers and Socialist Party (WASP, un parti large nouvellement lancé et dans lequel est actif le DSM) Liv Shange (une citoyenne suédoise mariée à un Sud-Africain).
Dans sa déclaration, Gwede Mantashe faisait référence au rôle joué par le DSM et par Liv, entre autres militants, dans la lutte des mineurs de Marikana qui s’est déroulée l’an dernier et qui a laissé de profondes marques sur le paysage politique et syndical d’Afrique du Sud. Ils avaient aidé les mineurs à initier et organiser leurs propres comités de grève et à les coordonner dans un Comité de Grève National. Le nouveau parti qui se présentera aux prochaines élections, le Workers and Socialist Party (WASP), est né de la lutte de Marikana et de ces comités de grève. Le WASP tente notamment d’unir les différentes luttes et communautés ouvrières du pays. Tant les mineurs que le WASP semblent constituer de gigantesques épines dans le pied de Mantashes et de l’ANC, qu’ils essayent de s’arracher par une répression féroce.
Les attaques dont a été victime Liv Shange ne constituent en rien un acte isolé. Une guerre civile larvée est en train de prendre place dans les mines avec la suspension de délégués syndicaux, le harcèlement de syndicalistes et la tenue de procès contre eux, etc. Histoire d’encore plus clarifier la manière dont le gouvernement ANC traite ses opposants politiques – tant au sein de ce parti qu’à l’extérieur – un conseiller local du parti, Tlokwe, vient récemment d’être expulsé… pour avoir dénoncé un fait de corruption majeur ! Dans ce cadre, la victoire remportée contre la répression dans le cas de Liv Shange représente une victoire pour toutes les victimes de la répression dans le pays.
La campagne de défense de Liv Shange
Cette campagne a collecté des centaines de signatures de soutien de différents syndicats, organisations et militants. De nombreuses signatures ont été collectées dans les mines de Rustenburg et de Carletonville. Des personnalités sud-africaines bien connues comme l’écrivain Don Materra ont ouvertement déclaré soutenir Liv Shange. Des lettres de soutien et de protestation sont arrivées de tout le pays et du reste du monde au Département des Affaires Intérieures. Parmi elles se trouvait notamment une lettre écrite par Paul Murphy, le député européen irlandais du Socialist Party qui répondait aux accusations portées par Mantashes.
Ce dimanche, après une longue et nerveuse attente, un groupe de camarades du WASP, de syndicalistes et de militants a pu chaudement accueillir Liv, qui a notamment été portée en l’air par des membres du Comité des travailleurs d’Amplats. La concession qui a été obtenue est qu’elle dispose dorénavant d’un permis de séjour de trois mois, temps qu’elle pourra mettre à profit pour régulariser sa situation d’immigrée en Afrique du Sud. Le combat contre la menace de l’expulsion de Liv se poursuit donc.
‘‘Les autorité ont effectué un virage à 180° ces derniers jours, et c’est très clairement la conséquence de la pression instaurée par la campagne’’, a-t-elle déclaré. Tout cela fait partie des efforts du gouvernement visant à désarmer les travailleurs dans le cadre des attaques que les patrons des mines sont en train de lancer. ‘‘Je ne suis pas intimidée et je continuerai à soutenir avec mes camarades les luttes des mineurs et de la classe ouvrière’’ a-t-elle encore affirmé.
L’inscription ‘‘An injury to Liv is an injury to all’’ (‘‘Une attaque contre Liv est une attaque contre tous’’) figurait sur les affichettes tenues à l’aéroport. Une victoire pour Liv est aussi une victoire pour tous. La gauche, les syndicats et les collectivités de travailleurs se doivent maintenant d’unifier toutes les luttes qui se mènent contre la répression et de discuter de la meilleure stratégie à adopter pour combattre les patrons des mines et le gouvernement, acquis à ces derniers.