Le “marché libre”, selon la doctrine officielle, devrait entraîner de meilleures conditions de vie pour chacun. Reste alors à comprendre pourquoi sur les sept milliards de personnes qui vivent sur terre s’en trouvent plus de 2,6 milliards qui doivent vivre avec moins de 2 dollars par jour et qui souffrent de la faim…
Par Anja Deschoemacker, membre du Bureau Exécutif du PSL et porte-parole de Gauches Communes
Pas besoin toutefois de quitter le sol belge pour constater que le marché soi-disant libre n’est pas uniquement une menace pour l’emploi, mais aussi pour nos vies. Récemment, l’actualité a été marquée par le cas du petit Viktor souffrant d’une maladie rare – et il n’est pas le seul – et dont la vie est menacée par le prix des médicaments (19.000 euros par mois) ou encore par la catastrophe ferroviaire de Wetteren (un mort et 17 blessés). De tels secteurs économiques aussi cruciaux pour la population ou qui peuvent potentiellement mettre des vies en danger peuvent-ils être laissés dans les mains d’entreprises qui ne recherchent que le profit maximal au plus court terme ? La discussion porte sur les médicaments de Viktor, qui souffre du SHUa, une maladie rénale extrêmement rare, qui pouvaient être remboursés par l’assurance maladie. Les parents d’enfants touchés par des maladies rares et mortelles ont appelé à des mesures structurelles et non pas à une politique du ‘‘cas par cas’’. Dans ce débat, on a pu entendre que la recherche pour de tels médicaments est très onéreuse, mais les profits sont limités puisque le nombre de patients est limité. Et sans profit, pas d’investissement dans la recherche…
En d’autres termes : c’est tout à fait normal. Le seul levier d’action des autorités publiques est de tenter de négocier pour pousser les prix vers le bas. Si la ministre Onkelinx avait refusé de rembourser le coût très élevé du médicament, c’est elle qui aurait été considérée comme la ‘‘meurtrière’’ du petit Viktor par ‘‘l’opinion publique’’, plutôt que l’entreprise Alexion qui a versé 250 millions de dollars à ses actionnaires cette année-ci !
Le PSL défend la nationalisation du secteur pharmaceutique, sous contrôle et gestion démocratiques. C’est la seule manière d’assurer que ce secteur fonctionne pour la collectivité et non pas pour les profits. Ces dernières décennies, la connaissance et le savoir-faire développés par la collectivité ont de plus en plus été bradés au secteur privé (comme l’entreprise Alexion qui est une spin-off sortie de l’université de Yale), pour qui la population ne peut bénéficier des recherches que si elle en a les moyens. Dans des régions du monde plus pauvres, Viktor n’aurait eu une chance de survie que si sa famille était extrêmement riche.
La catastrophe de Wetteren illustre aussi la nécessité d’un plus grand contrôle exercé par la collectivité. Le secteur du transport de marchandises a de plus en plus été sous l’emprise de ‘‘cowboys pour qui la sécurité est un coût qui encombre les profits.’’ Et si chaque accident ferroviaire peut coûter des vies, c’est encore plus le cas quand on parle du transport de produits chimiques dangereux. Alors que dans toutes les (grandes) entreprises chimiques, les syndicats jouent un rôle déterminant dans le contrôle de la sécurité sur le lieu de travail et dans l’élaboration des procédures d’urgence – des procédures qui protègent les vies du personnel et des riverains contre la soif de profit du patronat – aucun contrôle de la collectivité ne s’exerce sur le transport de ces produits.
Malgré l’état actuel de la science, faire tout qu’il faut et qui est possible pour sauver des vies restera impossible tant que l’économie n’est pas dans les mains de la collectivité et doit uniquement tourner pour enrichir une élite de super-riches. La nationalisation des secteurs-clés de l’économie n’est pas seulement une mesure capable de sauver des emplois, ce serait aussi un pas en avant dans la construction d’une société où personne n’aurait le pouvoir de décider que les profits sont plus importants que la vie.