Si par socialiste on entend la politique que mène le Parti Socialiste alors d’accord. Mais force est de constater que la politique menée par ce parti est très loin des idées socialistes véritables. Un Bourgmestre MR ou CDH ne changerait pas grand chose à la politique menée à Charleroi, ni même aux bases idéologiques de droite qui fondent cette politique.
Par Ben (Charleroi)
Photo ci-contre: action contre une réglementation comunale interdisant les soupes populaires à Liège, en septembre dernier.
Cela fait 6 mois que le Sénateur et Président du PS Paul Magnette est en place dans sa fonction de Bourgmestre de Charleroi. Certains pourraient dire qu’il est trop tôt pour juger, mais bon, son bref bilan au fédéral nous avait déjà donné un petit aperçu de ses qualités de néolibéral acquis au ‘‘pragmatisme’’ de la défense inconditionnelle du système capitaliste et de son fonctionnement. Les premières politiques menées sur Charleroi semblent confirmer la tendance.
Magnette a pourtant un discours très à gauche, oserons peut être dire l’un ou l’autre militant du PS rempli d’illusions. Et ils citeront le dernier congrès du PS, le lancement du six pack ‘‘socialiste’’ et les critiques sur l’Europe aux mains de la droite, etc. A ceux-là, répondons que ce soi-disant discours de gauche est très loin de notre notion de gauche mais, surtout, qu’entre la parole et les actes de Paul Magnette, il y a un gouffre infranchissable rempli d’hypocrisie.
La politique communale de Monsieur Magnette
Ce qui est expliqué dans le projet de ville, c’est que ‘‘Charleroi doit être the friendly city (1) ’’, en référence à la publicité de l’aéroport de Charleroi, ‘‘the friendly airport’’. Cependant, tout comme pour l’aéroport où les conditions de travail montrent clairement qu’il n’est pas Friendly pour tout le monde, la politique que Magnette mène à Charleroi pour une ‘‘Friendly city’’ n’est pas friendly pour tous les carolos non plus.
C’est simple. Tout d’abord, il y a le constat inavouable par l’équipe Magnette, ‘‘Charleroi est une ville pauvre habitée par des gens pauvres (2) ’’ dixit l’ancien échevin des finances, le CDH Antoine Tanzilli. Sa solution, ‘‘il faut ramener des habitants avec de plus hauts revenus’’. Et comme on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, tout en faisant sienne cette conclusion, l’équipe Magnette nie le constat afin d’essayer de donner une image de la ville qui pourrait être plus attractive pour les hauts revenus.
Rien de bien innovant dans la logique qui sous-tend la politique de la ville de Charleroi, c’est le genre de politique que presque chaque ville wallonne a mené ces dernières années. On rénove le centre ville avec des travaux de prestige. Les galeries commerciales de luxe du projet rive gauche dans la ville basse en sont un bon exemple. On s’arrange ensuite pour faire disparaître la pauvreté et les ménages les plus précaires du centre ville pour les refouler en périphérie et on attire ainsi plus facilement des ménages aux revenus plus élevé. La friendly city pour classe moyenne et petite-bourgeoisie sera alors de plus en plus réelle, celle-ci étant alors sensée attirer plus facilement les investissements privé tandis que les pauvres et les bas revenus continueront quant à eux à voir leurs difficultés matérielles augmenter. Rien de socialiste dans ce projet typiquement néolibéral.
Le projet de nouveau règlement communal sur la mendicité est un autre exemple flagrant.
Chasser les pauvres ou la pauvreté ?
Le Collège de la Ville de Charleroi a annoncé qu’à partir du 15 septembre, les mendiants devraient changer de commune tous les jours, sauf le dimanche, où la mendicité serait interdite. Dans sa première mouture, les mendiants en infraction devaient se faire saisir leur recette du jour et en cas de récidive, ils devaient être emprisonnés. On est là face au plus bel exemple de tentative de cacher la pauvreté en la chassant du centre-ville par la répression.
Fort heureusement, la régionale de la FGTB de Charleroi, ainsi que diverses associations, ont réagi en organisant une action de protestation le dimanche 2 juin et le lundi 24 juin, jour où le règlement aurait été voté si la FGTB n’avait pas adressé une lettre de protestation aux 51 conseillers communaux de Charleroi. Dans cette lettre, elle écrit qu’elle publiera les noms de tous ceux qui voteront ce projet de règlement et appellera ses affiliés à ne plus leur accorder leur confiance lors de prochains scrutins.
Le vote a donc été repoussé au 2 septembre, mais on s’inscrit bel et bien dans une volonté de la majorité communale de faire passer le règlement après en avoir modifié légèrement l’habillage sans en toucher le corps. Dans l’Echo (3) , les mots de Magnette pour ceux qui critiquent son règlement sont dur : ‘‘Je suis en rage contre certaines critiques de bobos, ces gens qui nous expliquent, depuis les beaux quartiers, qu’il faut s’attaquer à la pauvreté et pas aux pauvres. Comme si on n’y avait pas pensé avant.’’ Puis, il nous explique plus loin dans l’article que Charleroi fait un superbe travail en amont, pour s’attaquer à la racine du problème, et il cite les systèmes d’accompagnement des personnes précarisée qui existent, avant de déclarer ‘‘mais si ça ne suffit plus, alors il faut prendre des mesures plus fermes.’’
Alors pour commencer, se faire traiter de Bobo par quelqu’un qui touche plus de 10 000 euro par mois, c’est assez intrigant. Mais c’est certainement à Ecolo qu’il devait penser, ceux-ci l’ont très certainement fâché en déclarant qu’ ‘‘Alors qu’il tente de persuader l ‘opinion d’un revirement à gauche, le masque tombe dans les faits avec une politique “ sarkozyste ” (4).
Mais soit, ce n’est que de la forme. Ce qui est plus grave, c’est que Magnette affirme qu’il fait du travail en amont alors qu’en amont justement, le sénateur Magnette a voté le TSCG, un traité européen d’austérité qui va mettre de plus en plus de gens dans la précarité et générer de l’exclusion à tout va. On fait donc face a une hypocrisie totale de la part de l’équipe Magnette, une équipe qui a des difficultés à faire passer des mesures de droite pour de la politique de gauche.
De véritable socialistes ne s’attaquent pas aux pauvres, mais à la pauvreté. Car comme le disait le tract que les associations ont distribué lors de l’action du 2 juin, ‘‘Chaque mendiant, qu’il soit ou non toxicomane, qu’il soit ou non sans domicile, qu’il soit ou non membre d’un réseau, est une personne en souffrance.’’
Mais surtout, car dans un pays ou on est passé de 77.000 belges millionnaires en 2011 à 82.000 en 2012 (5) , il est inacceptable de s’attaquer aux mendiants. Dans un pays ou il y a tant de richesse, il est inacceptable de voir tant de pauvreté.
Et pour conclure, j’ai envie de dire que ce n’est même pas à la pauvreté, mais à la richesse qu’il faut s’attaquer, ou plus précisément à la richesse de quelque uns, d’une minorité. Car on dissocie trop souvent les deux phénomènes, et pourtant, c’est bien la richesse démesurée de cette minorité qui empêche la richesse raisonnable de tous. Veut-on une société où une minorité peut s’enrichir au détriment du reste de la société et ou l’ensemble des institutions font tout pour que cette minorité se sente le mieux possible ? Ou veux-t-on que ce soit l’ensemble de la société qui bénéficie de la richesse que produisent les travailleurs de notre pays ?
Notes
(1) Page 14 du Projet de ville , disponible sur le site de la ville de Charleroi.
(2) Le Soir du 03/09/2012
(3) L’Echo du Samedi 8 Juin 2013
(4) L’Avenir du samedi 1 Juin 2013
(5) Site de RTBF info le 19 juin, accessible içi : http://www.rtbf.be/info/economie/detail_de-plus-en-plus-de-belges-sont-millionnaires-en-dollars?id=8021599&hkey=84d5299261d1d6544c7f84f3741cd5f2