Économie : Les classes dominantes emprisonnées dans leur crise

Récemment, la Banque Centrale Européenne (BCE) a pris la décision de baisser son taux d’intérêt directeur de 0,75% à 0,50%, ce qui signifie une ouverture encore un peu plus grande des vannes financières pour le secteur bancaire dans la zone euro. De quoi relancer l’économie ?

Par Baptiste (Nivelles)

Cela faisait plus d’un an que la BCE avait figé son taux à 0,75%. Durant cette période, la BCE s’évertuait à refuser d’abaisser encore plus ses taux, contrairement à la Fed dont les taux directeurs ont été mis entre 0% et 0,25% depuis 2009 (le minimum techniquement possible). La Fed va encore plus loin puisqu’elle recourt à toute une série d’armes ‘‘non-conventionnelles’’ comme l’assouplissement quantitatif (‘‘quantitative easing’’). Cette tactique consiste au rachat par la Fed de titres financiers pourris suite à la crise qui ne valent plus rien en pratique. Ce rachat massif de titres pourris revient donc à faire tourner la planche à billets et à injecter massivement de l’argent dans l’économie. Depuis 2009, la Fed en est déjà à son troisième plan d’assouplissement quantitatif !

Bye-bye stagflation, vive les armes non-conventionnelles ?

La raison pour laquelle la BCE refusait d’abaisser plus ses taux et de sortir des ‘‘bazooka financiers’’ était sa crainte de l’inflation. Aujourd’hui, cette crainte est écartée par les économistes de la BCE : l’austérité est telle dans la zone euro que les ménages ne sont pas en capacité de relancer la consommation et les entreprises postposent les investissements face à cette situation. La circulation de monnaie dans ‘‘l’économie réelle’’ restera donc quasi à l’arrêt malgré cette diminution des taux.

La BCE a donc changé son fusil d’épaule. Déjà en décembre 2012, elle a commencé à goûter au ‘‘non-conventionnel’’ en mettant en place un plan de rachat illimité d’obligations d’Etat pour faire face à la spéculation vis-à-vis des pays dits ‘‘PIGS’’ (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne). A présent, ce sont les taux directeurs qui sont donc diminués à 0,50% jusqu’en juillet 2014 au minimum. Sous-entendu : jusqu’à une relance économique, étant donné que les économistes de la BCE prévoient une stagnation de la zone euro d’ici là.

A quoi tout cet argent va-t-il donc servir ?

Ce qui est en apparence un virage stratégique est en réalité révélateur d’une impasse économique profonde pour le capitalisme. Cela a été dit : les ménages ne sont pas en capacité de relancer la consommation et les entreprises postposent les investissements face à cette situation. Les dirigeants capitalistes les plus sérieux n’ont jamais eu l’illusion de pouvoir résoudre leur propre crise de surproduction. Au mieux, ils ont été capables de postposer la crise de surproduction, à l’aide des crédits par exemple. Aujourd’hui, au vu de la situation du capitalisme, même cela est trop ambitieux !

Pourquoi alors ouvrir les vannes financières encore un peu plus, à quoi tout cet argent va-t-il servir ? Dès l’annonce de la BCE, une série d’observateurs ont fait remarquer que ces liquidités allaient renforcer une tendance déjà bien présente : la spéculation et la constitution de montagnes de cash pour les milliardaires gestionnaires de holding financiers et les multinationales. Soit les mêmes politiques qui ont mené au désastre financier déclenché en 2007…

Austérité d’un côté, dividendes records de l’autre !

Cela n’allait pas tarder à être illustré… Ironie de l’histoire : de manière quasisynchronisée avec l’annonce de la BCE, une autre nouvelle a fait la une de la presse économique. Il s’agit de la décision d’Apple d’offrir un montant global de 100 milliards $ à ses actionnaires pour fin 2015… Soit un tiers du Produit Intérieur Brut (la totalité des richesses produites en un an dans un pays) de la Belgique. Du jamais vu en terme de dividendes. Un scandale pouvant en cacher un autre, on apprenait également que, sur les quelques 200 milliards $ de liquidités que possède Apple, 148 milliards $ se trouvent dans des paradis fiscaux. Pour graisser la patte à ses actionnaires, on supposait donc qu’Apple allait donc devoir rapatrier une bonne partie de ces liquidités… Faux ! Cela impliquerait le paiement d’un impôt ! Il a donc été décidé par Apple de laisser cette montagne de cash se dorer la couenne dans son paradis fiscal et de réaliser un emprunt pour récolter les liquidités nécessaires, les taux d’intérêt étant de toute façon à zéro…

La stratégie d’Apple est partagée par toutes les autres multinationales : profiter des taux d’intérêt faibles pour emprunter gratuitement de l’argent, engraisser les actionnaires, garnir les comptes off-shore et attendre une amnistie fiscale pour en rapatrier une partie. La situation a pris une telle ampleur que les économistes de la Fed ont calculé le manque à gagner en cas d’amnistie fiscale : 90 milliards $ !

‘‘L’austérité, c’est à cause de la spéculation sur la dette…’’

Un effet collatéral au rachat d’obligations d’Etat par la BCE et à la baisse de ses taux directeurs, c’est l’accalmie actuelle sur les intérêts que doivent payer les Etats de la zone euro pour financer leur dette. Ainsi, le taux d’intérêt sur les obligations belges à 10 ans est descendu à 1,9%, un niveau plancher historique. Moins d’un an et demi plus tôt, le même taux était à 5,9%, soit le record pour la Belgique depuis l’introduction de l’euro. Ce passage d’un record à l’autre est illustratif de l’hystérie spéculative à l’oeuvre…

Ces deux dernières années, l’ensemble des gouvernements de la zone euro se sont évertués à nous expliquer que l’application de l’austérité, aussi brutale soit-elle, ne dépendait pas d’eux, qu’ils n’avaient pas le choix, qu’ils y étaient contraints à cause des taux d’intérêt élevés sur la dette. A présent que ces taux ont drastiquement diminué, l’austérité n’est donc plus nécessaire ?

Que nenni ! Partout en Europe la guerre de classes continue et les gouvernements néolibéraux maintiennent leurs plans d’assainissements. En Belgique, après une réduction budgétaire initiale de 3 milliards € pour 2013 et un premier ajustement de 2,8 milliards € en mars, un nouvel ajustement de 500 millions € est à l’agenda pour le mois de juillet !

Luttons pour un avenir, luttons pour le socialisme !

Cette hypocrisie démontre à nouveau de quel côté de la barrière se trouvent le gouvernement et les partis qui le composent : celui des capitalistes. Organisons la résistance contre ce système sans avenir. Luttons pour une société socialiste dans laquelle l’économie est placée sous contrôle démocratique de la population, et où les choix économiques sont dictés par les besoins de tous et non par la soif de profits d’une minorité !

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