Enseignement flamand: Plan Vandenbroucke… vers la comercialisation !!!

Vandenbroucke veut introduire la concurance entre les différents établissements de l’enseignement supérieur flamand

Fin décembre, au moment où la plupart des étudiants étaient en examens, Vandenbroucke a lancé son nouveau plan de financement pour l’enseignement supérieur. Le ministre espérait probablement que du fait de cette période où les étudiants étaient concentrés sur leurs examens, il n’y aurait pas de contestation à son plan dans les institutions de l’enseignement supérieur flamand. Cependant, toutes les raisons pour sonner l’alarme sont là: ce plan comporte des pas dramatiques vers la commercialisation de l’enseignement supérieur, et des nouvelles mesures d’assainissement y sont prévues. Le plan a été largement contesté par la plupart des institutions et des syndicats. Vandenbroucke a alors décidé de repousser son plan, prévu pour 2007, à un an plus tard (2008).

Tim Joosen

Le plan Vandenbroucke est en fait la phase financière à exécuter suivant les accords de Bologne. Ce que visent ces accords, c’est la création d’un marché européen de l’enseignement, aboutissant à un enseignement à deux vitesses : d’un côté, quelques universités d’élite, possédant les plus gros budgets, engageant les meilleurs professeurs, le matériel le plus sophistiqué… et dans lesquelles seuls les « meilleurs » étudiants pourront étudier – mais surtout les plus riches, puisqu’on y demande les minervals les plus hauts ; de l’autre, des institutions de second rang, demandant des minervals moins élevés, avec moins de budget consacré à la qualité de l’enseignement, et des conditions de travail plus difficiles.

Les années précédentes, les réformes structurelles ont été appliquées dans ce cadre de Bologne : ainsi sont apparues les années « bachelor » puis « master », les « crédits étudiants », les « semestrialisations »… Les Etudiants de Gauche Actifs avaient déjà mis en avant que ces réformes étaient les signes précurseurs d’un processus néo-libéral visant à la privatisation, à terme, de l’enseignement. Nous expliquions à ce moment-là que dès que seraient mises en place les mesures financières qu’impliquent le processus, le vrai visage de Bologne apparaîtrait aux yeux de tous. Aujourd’hui, avec le plan de Vandenbroucke, on est arrivé à cette échéance.

Tout d’abord, le plan de Vandenbroucke est un plan d’assainissement : jusqu’en 2012, le budget de l’enseignement sera gelé ; seule est prévue une indexation. Si on regarde le coût de la vie qui augmente, et que l’on prend en compte tout ce qui n’est pas compris dans l’index (par exemple, le mazout, qui n’est pas inclus dans l’index santé, mais qui est toujours nécessaire pour chauffer les écoles en hiver), le budget consacré à l’enseignement en 2012 sera clairement bien plus maigre que celui d’aujourd’hui.

Le plus important est l’aspect politique qui se cache derrière ce décret. Avec son plan, Vandenbroucke introduit un mécanisme de concurrence dans l’enseignement belge. Les institutions scolaires vont être obligées d’entrer en compétition les unes contre les autres, afin d’avoir la plus grosse part du budget alloué par le gouvernement. Le ministre introduit certains paramètres avec lesquels les hautes écoles et universités pourront gagner des points. Plus grand sera le nombre de points, plus grand sera le pourcentage du budget pour l’école ou l’université.

Les paramètres que pose le ministre sont basés sur un soit disant « financement output ». Avant, le budget consacré aux écoles était plus ou moins accordé en fonction du nombre d’étudiants inscrits. Maintenant, l’argent que les écoles ou les universités recevront sera déterminé par des paramètres tels que le nombre de doctorants sortant, le succès des étudiants, etc. En outre, avec le choix de ces paramètres, Vandenbroucke s’exprime très clairement en faveur d’un enseignement élitiste. Ainsi, les institutions les plus grosses actuellement seront favorisées de manière conséquente par rapport aux plus petites. Les classes plus restreintes impliquant plus de proximité, d’échange et de suivi pour les élèves seront moins valorisées face aux classes plus larges. Par cette attitude, Vandenbroucke se met en fait en porte-à-faux avec les rapports des experts en pédagogie qui affirment tous qu’une approche plus personnelle vis à vis des étudiants et les petits groupes d’étude sont des éléments positifs pour la qualité de l’enseignement.

Ce qui est clair, c’est que les intérêts des étudiants et la sollicitude pour un enseignement de qualité, ne sont pas des choses prises en considération dans ce décret. Au contraire, l’intention est de développer une université au top (la KUL), capable de concurrencer toutes les autres universités à l’échelle mondiale. A côté de ça, il y aura les autres universités et hautes écoles (les « écoles-poubelles »), qui percevront un bien moindre budget, et seront inévitablement de moindre qualité.

Les résultats parlent d’eux même : sur base des différentes simulations, on se rend compte que l’université de Louvain va recevoir de 18 à 23 millions en plus. La haute école de Gand perd 3 millions, et les 3 millions qui seront ajoutés au budget de Gand seront largement insuffisants. A Anvers, l’université recevra de 9 à 10 millions de moins, et la haute école Charlemagne, quant à elle, perdrait aussi 3 millions. A Bruxelles, tout le monde y perdrait : Erasme 3 millions, la VUB 10 à 12 millions, et la KUB verrait son budget baisser de 60%, soit de 5 à 2 millions !

Finalement, la qualité de l’enseignement se fera également en fonction du prix du minerval. Les universités américaines de prestige telles qu’Harvard, Yale, etc. demandent déjà des dizaines de milliers de dollars à l’inscription. Si une université comme la KUL devait entrer en compétition avec ce genre d’universités, alors elle n’aurait d’autre choix que d’exiger des minervals équivalents. Les autres universités flamandes limiteront à quelques milliers d’euros leur frais d’inscription, mais la qualité en pâtira.

Vandenbroucke est suffisamment malin pour savoir qu’il n’a pas intérêt à appliquer toutes ses réformes sur tous les fronts en même temps. Ainsi, il n’est pas encore question d’augmentation de minerval pour les cours de base. Seules les années d’études considérées comme complémentaires (comme le master après master) ne seront plus financées par le gouvernement. Les universités détermineront leur prix d’entrée elles-mêmes. Déjà, cette année académique, la KUL a décidé d’augmenter son minerval pour certains masters après masters de 5000 à 9000 euros. A partir de maintenant, puisqu’on perd le financement public, toutes les universités vont être obligées de suivre. Pour la plupart des étudiants, cette 5ème année d’étude est indispensable afin d’obtenir une place garantie sur le marché du travail. Les étudiants les moins riches pourront abandonner tout espoir d’accéder à ce niveau d’étude en 2008.

Avec toutes ces mesures, Vandenbroucke amène un enseignement adapté à la demande des entreprises. Ce seront elles qui dicteront ce que l’on doit étudier et l’orientation des recherches à effectuer. Dans le décret, toutes les formes d’éducation n’auront pas le même poids : pour celles qui seront plus intéressantes économiquement, les institutions auront plus de subsides que les autres. L’idée derrière l’accessibilité coûteuse de l’enseignement et le mécanisme de concurrence, c’est en fait que tout le système d’enseignement doit être adapté aux exigences du marché du travail.

Nous avons une toute autre vision sur le rôle de l’enseignement. Pour nous, chacun ou chacune doit avoir le droit, et les capacités, de choisir ses études en fonction de ses intérêts et affinités. Nous voulons un enseignement qui soit accessible à tous, et où le financement public est suffisant pour l’enseignement et les recherches, mais aussi pour les services sociaux (comme les kots, les restaurants, les infrastructures médicales…).

Ces prochains mois, les Etudiants de Gauche Actifs vont faire campagne partout en Flandre pour faire sombrer ce plan néo-libéral. Nous voulons renouer avec les traditions combatives des mouvements étudiants qui se sont éteints dans les années ’90. Le premier rendez-vous est déjà été fixé au 16 mars, jour durant lequel les syndicats et les étudiants de la VUB organisent une première manifestation à Halle, dans le fief électoral du ministre. EGA mobilisera nationalement pour cet évènement. Nous demandons l’annulation immédiate du décret, et un plan alternatif où le budget public de l’enseignement sera immédiatement augmenté à 7% du PNB. Nous luttons pour un enseignement démocratique et de qualité pour tous, et contre la logique néolibérale du marché, qui conçoit l’enseignement comme une machine à faire des travailleurs modulés en fonction de la demande et « prêts à l’emploi ». Nous faisons un appel à tous pour faire partie active du mouvement, prendre contact avec nos sections locales, et rejoindre EGA.

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