Bangladesh : Catastrophe et barbarie du capitalisme

L’effondrement d’une usine textile au Rana Plaza, à Dhaka, la capitale du Bangladesh, a entraîné, selon les données officielles, 1.127 morts et 2.500 blessés, mais aussi des explosions de protestations ouvrières au Bangladesh et d’indignation en Occident. Cette catastrophe a révélé au grand jour les conditions de travail misérables et dangereuses des travailleurs bangladais.

Par Geert Cool

Bas salaires et insécurité

L’industrie textile constitue le secteur économique le plus important du Bangladesh et représente environ 80% des exportations du pays. Quelque 4 millions de travailleurs sont impliqués dans ce secteur au chiffre d’affaires annuel avoisinant les 20 milliards de dollars et qui est régulièrement cité en exemple sur la scène internationale comme la plupart des usines sont détenues par des investisseurs locaux. Il ne s’agit cependant que de sociétés œuvrant au service de grandes entreprises textiles internationales qui préfèrent sous-traiter leur sale boulot. On trouve notamment parmi elles des entreprises chinoises qui profitent des salaires inférieurs pratiqués au Bangladesh. De fait, les salaires sont extrêmement bas. Recevoir 30 euros pour un mois de travail n’est pas exceptionnel, même si un salaire minimum officiel supérieur a été instauré en 2010 en conséquence d’importantes luttes ouvrières. La pauvreté est un phénomène de masse, même les chiffres officiels disent que plus de la moitié des 150 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Les conditions de travail sont aussi très dangereuses, les accidents de travail sont fréquents et les usines ne sont guères sûres. La catastrophe du Rana Plaza est loin d’être un cas isolé. Le 26 novembre dernier encore, un incendie d’usine avait causé la mort de 112 travailleurs.

Luttes ouvrières

Il existe une forte tradition de lutte parmi la classe ouvrière du Bangladesh. Les syndicats ne se laissent pas facilement faire, mais la répression est à cette hauteur. L’an dernier, un syndicaliste a été assassiné en raison de ses activités et convictions syndicales. Ces dernières années ont connu pas mal de manifestations et d’actions des travailleurs du secteur textile. Récemment encore, trois patrons ont réalisé un lock-out (une fermeture provisoire de leur entreprise) pour mettre à la rue les 6.600 travailleurs qui réclamaient le paiement de leurs arriérés de salaires et des augmentations salariales.

La catastrophe du Plaza Rana a entraîné un nouvel essor des protestations syndicales avec notamment des manifestations massives à Dhaka au cours du mois de mai et des grèves dans des entreprises qui sous-traitent pour la société H&M. Le gouvernement a préféré réprimer le mouvement plutôt que de considérer les revendications légitimes des travailleurs. Sur ce plan comme sur les autres, le nouveau gouvernement a beau se dire ‘‘de gauche’’, il ne se distingue en rien des autorités précédentes.

Des ‘‘vêtements propres’’ ?

La production à bas coût réalisée au Bangladesh a permis à une grande entreprise comme H&M de réaliser en 2012 un bénéfice mondial de 1,96 milliards d’euros, soit plus que le salaire annuel des 4 millions d’ouvriers du textile au Bangladesh ! Dire qu’une augmentation salariale au Bangladesh entraîne automatiquement des vêtements plus coûteux est totalement faux, à moins de vouloir maintenir les profits des actionnaires… On essaye trop souvent de culpabiliser la population occidentale pour les crimes causés dans le monde néocolonial par les multinationales.

La couverture médiatique de la catastrophe de Dhaka a forcé différentes entreprises textiles à affirmer qu’ils n’allaient plus proposer que des ‘‘vêtements propres’’, c’est-à-dire qui ne seraient pas produits dans des conditions de travail inhumaines. Mais ces facteurs sont souvent difficiles à maîtriser tant sont nombreuses les formes de sous-traitance. Au final, la seule manière d’assurer à chacun de disposer de bons emplois avec de bonnes conditions de travail et de salaire est de disposer de syndicats forts, combatifs, et qui collaborent à l’échelle internationale. D’autre part, assurer un contrôle total des conditions de travail dans les diverses usines implique que ces entreprises soient protégées de la rapacité du secteur privé et placées dans les mains du public. Alors seulement le cœur de la production ne serait plus la course aux profits mais la satisfaction des besoins des travailleurs du secteur et de la collectivité en général.

Il faut une alternative politique

Ces protestations des travailleurs du textile surviennent à quelques mois d’un affrontement acharné et sanglant entre de jeunes manifestants et les forces fondamentalistes islamistes, qui disposent d’une réelle importance économique. Le nouveau gouvernement de la Ligue Awami (qui se dit d’obédience socialiste) a commencé à poursuivre certaines figures de premier plan du camp des fondamentalistes en raison de leur rôle dans la lutte sanglante pour l’indépendance en 1973. Cela a conduit à des représailles des fondamentalistes qui ont par la suite dû faire face à un mouvement de masse qui, à son apogée, a fait descendre un million de personnes dans les rues. Le propriétaire de la Plaza Rana entretenait des liens étroits à la fois avec l’opposition de droite du BNP (Parti Nationaliste du Bengladesh) et avec la Ligue Awami. Ces deux partis, même s’ils se disputent le pouvoir, sont résolument dans le même camp dès lors qu’il s’agit de défendre une classe sociale. Ainsi, la Ligue Awami ‘‘de gauche’’ a interdit la tenue de manifestations.

Les travailleurs et les pauvres du Bangladesh doivent prendre en main la construction de leur propre outil politique afin de mieux être capables de se défendre. Dans leur lutte contre le capitalisme et les gros bras qui servent les patrons du textile, ils n’ont rien à attendre des partis établis, il leur faut disposer d’une alternative politique armée d’un programme basé sur la transformation socialiste de la société.

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