Les villes et les communes introduisent l’austérité

Pour un plan d’action dans les localités !

Ces nouvelles tombent tous les jours. Gand, Ixelles, Malines, Saint-Nicolas, n’ont été que les premiers exemples. Les communes ont des soucis financiers et cherchent à résoudre ces problèmes à l’aide d’assainissements, de privatisations, de limitations des services publics, d’augmentations des taxes et de réductions du nombre de statutaires. Ce que nous connaissons déjà bien au niveau national (faire payer la crise à l’homme de la rue) se poursuit maintenant au niveau local.

Article de Marc Van Hecke, ancien secrétaire CGSP-ALR (Administrations Locales et Régionales)-Termonde

Avant les élections communales, la plupart des partis politiques se sont tus (dans toutes les langues) au sujet de l’année 2013 et des suivantes. Bien que parfaitement au courant de ce que l’avenir réservait, les partis traditionnels n’ont pas osé en parler. Aujourd’hui, les seules divergences ne portent que sur l’intensité de l’austérité, pas sur son principe même. Tel parti réclame des assainissements plus vigoureux, tel autre veut une ‘‘rigueur’’ avec un peu moins de licenciements. Toujours est-il qu’aucun parti traditionnel n’est prêt à remettre en question le système.

Quand la spéculation financière frappe les localités

Avant, il y avait des banques publiques comme la CGER (Caisse générale d’épargne et de retraite), le Crédit communal ou le Crédit à l’Industrie. Ces banques fonctionnaient et réalisaient même des profits, mais le gouvernement a estimé nécessaire de les transférer au secteur privé qui allait soi-disant leur permettre de mieux fonctionner.

Le Crédit communal était le financier (le prêteur) des communes. Mais après sa vente, le Crédit communal est devenu Dexia et les communes devaient s’adresser à la nouvelle banque privée. Cette dernière, tout comme les autres banques, spéculait en bourse, rémunérait excessivement ses PDG et débordait d’options et d’actions spéculatives.

Les dividendes augmentaient, les limites du possible étaient sans cesse repoussées et les communes étaient satisfaites. Comme tout tournait à merveille, personne ne se souciait de rien. Enfin, en tout cas jusqu’au moment où il s’est avéré que Dexia était elle aussi bourrée de dettes à cause de crédits et d’actifs toxiques. L’argent public avait été utilisé pour la spéculation, puis est arrivée la crise du secteur bancaire de 2008.

Un problème de coûts des pensions?

Le principe des statuts dans la fonction publique est basé sur celui de continuité. L’administration publique ne peut pas dépendre du parti politique qui détient provisoirement la majorité et doit être protégée de l’arbitraire politique. Vu que les statutaires ne peuvent (en principe) pas être licenciés, ils n’étaient pas catégorisés dans le même système de transfert de fonds que les travailleurs du secteur privé. Le gouvernement a donc créé une mutualité et un système de pensions propres aux fonctionnaires.

Ces dernières décennies, on n’a pas gardé beaucoup de statutaires. Le secteur local a constitué le laboratoire de toutes formes d’emplois alternatifs. En 1976, au moment où j’ai commencé mon travail dans une administration locale, 90% des fonctionnaires étaient statutaires. Aujourd’hui, il n’en reste qu’un tiers environ.

Entretemps, la plupart des communes ont transféré des services pour lesquels elles étaient précédemment compétentes au secteur privé. Dans le temps, il y avait des services publics de nettoyage, des services de distribution d’eau, etc. dans à peu près toutes les villes. Gand avait même une entreprise de gaz et d’électricité tandis qu’Anvers avait une capitainerie portuaire publique. A côté de tout ça, il y avait l’entretien des parcs et des espaces verts, des parkings propres, du personnel de nettoyage,… Il ne reste aujourd’hui pas grand-chose de tout cela. L’externalisation est devenue la règle et tout ce qui n’est pas externalisé devient une ‘‘entreprise publique autonome’’ ou une ‘‘ASBL’’. Même si la tendance est plus marquée en Flandre, Bruxelles et la Wallonie n’ont pas été épargnés par le phénomène.

Comme dans le secteur privé, il existe dans le secteur public un système de répartition où la population active paye les pensionnés d’aujourd’hui. Vu que le nombre de statutaires diminue, le nombre d’actifs qui payent pour les pensions a diminué. Ainsi, les fonds de pension s’épuisent. Cela n’a rien à voir avec les ‘‘coûts des pensions’’, il s’agit d’une conséquence directe du démantèlement du statut.

Politique d’austérité et assistance sociale

Les chômeurs qui ne peuvent plus joindre les deux bouts, ceux qui, sans cesse plus nombreux, sont incapables de rembourser leurs emprunts hypothécaires, les pensionnés qui ne peuvent plus s’offrir de place dans une maison de repos, ceux pour qui la facture d’hôpital est insurmontable,… Où sont-ils envoyés ? Au CPAS.

Le CPAS n’assure pas seulement le revenu d’intégration (l’ancien minimex), il a aussi une fonction d’assistance psychosociale, de médiation de dettes,… En bref, il aide les personnes en difficulté. Mais les moyens dont ils disposent sont loin de pouvoir faire face aux demandes actuelles, et la demande ne cesse de croître. Combien de terribles drames sociaux se cacheront derrière toutes les déclarations sur la nécessité de ‘‘faire des efforts’’ au niveau communal ?

Il nous faut un plan d’action !

La réponse des communes – quelle que puisse être leur couleur politique – est de privatiser, de développer des partenariats publics-privés, d’assainir dans les dépenses (surtout au niveau du personnel, particulièrement s’il est statutaire), de démanteler les services publics et d’augmenter les taxes. Le personnel et la population sont les grandes victimes de cette approche.

Les syndicats du secteur local réagissent (à juste titre) contre cette situation. Malheureusement, le début de réaction est jusqu’à présent isolé dans chaque commune. Là où les syndicats sont forts, ils sont (peut-être) capables d’affaiblir la politique d’austérité. Dans le cas opposé, la casse sociale est assurée. Mais soyons bien clairs : ce qui se passe aujourd’hui dans quelques villes et quelques communes se produira ailleurs demain. Il nous faut un plan d’action commun !

Nous pouvons partir d’une pétition qui appelle les mandataires locaux à faire face à leurs responsabilités envers la population en s’opposant aux licenciements, à la dégradation du statut du personnel, aux privatisations, au démantèlement des services et en faveur de la transformation de tous les contrats à durée indéterminée en contrats statutaires. Cela appuierait les revendications du personnel tout en recherchant la solidarité des usagers et en démontrant que les syndicats sont clairement indépendants des partis traditionnels.

Les syndicats peuvent aussi organiser des tournées d’information sur les lieux de travail avec des assemblées générales du personnel où l’ont peut démocratiquement décider d’actions. L’information et la sensibilisation sont nécessaires, mais cela ne suffit pas, il faut lutter, et au-delà du niveau local. La lutte locale doit directement se placer dans une perspective plus large.

Des revendications telles que la conversion de tous les contrats à durée indéterminée et précaires en emplois statutaires, la création d’intercommunales publiques pour l’énergie, l’eau et la collecte des déchets (et leur renforcement là où cela existe encore), la création d’une nouvelle banque publique pour les communes et les CPAS, le refus du paiement des dettes,… concernent toutes les communes.

Ou aller chercher l’argent ?

Tout cela semble peu réaliste. Il est visiblement plus ‘‘réaliste’’ que la grande majorité de la population accepte le recul social. Voilà le ‘‘réalisme’’ capitaliste. En tant que syndicaliste, je n’ai jamais accepté la logique du capitalisme avec laquelle entre directement en conflit chaque droit des travailleurs. Allons-nous accepter d’aller gentiment à l’abattoir ? Peut-être n’allons nous pas rencontrer la victoire, mais nous sommes assurer d’aller droit à la défaite sans nous battre !

De bons services communaux coûtent de l’argent. Mais tous les partis politiques de l’establishment préfèrent renflouer le secteur bancaire ! Une volonté politique fermement opposée à la logique des spéculateurs pourrait trouver des milliards d’euros immédiatement, on peut aller chercher ces moyens là où ils sont.

Le choix véritable auquel nous faisons face est soit la justice sociale (ce que j’appelle le socialisme) soit un système qui plonge les travailleurs dans la misère (ce que j’appelle le capitalisme).

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai