Turquie : Erdogan a choisi l’épreuve de force, mais les ‘‘pillards’’ continuent de riposter

Ce lundi 10 juin, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan avait accepté de parler aux manifestants et de les écouter. Mais le lendemain, tôt le matin, il a envoyé la police anti-émeute évacuer brutalement les manifestants de la place Taksim à Istanbul, en utilisant des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des bulldozers.

Par Kai Stein, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

Durant deux semaines de protestation, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues. Le slogan ‘‘Tayyip istifar’’ (Erdogan démissionne) a rassemblé les manifestants des travailleurs du secteur public à ceux qui refusaient la répression du gouvernement contre la consommation d’alcool et les baisers en public. Les masses kurdes, qui continuent à subir l’oppression de l’Etat, se sont jointes aux mobilisations. Parmi les rangs des protestataires, on trouve des militants syndicaux, des écologistes – qui ont initié les manifestations place Taksim – des jeunes de banlieue et la classe ouvrière.

Erdogan tente de se mobiliser un certain soutien parmi les couches les plus conservatrices et religieuses du pays. Il a décrit les centaines de milliers de manifestants comme ‘‘une poignée de pillards’’ ou de ‘‘vandales’’. Erdogan a annoncé la tenue de manifestations de masse en faveur du gouvernement le samedi 15 juin à Ankara et le dimanche 16 juin à Istanbul. Ce calendrier n’est pas un hasard.

Des confrontations épuisantes avec la police

Pour en savoir plus

Meeting sur les mobilisations de masse en Turquie

Ce vendredi 14 juin 2013, à 19h, notre camarade Tanja Niemeier (collaboratrice de l’eurodéputé Paul Murphy) livrera un rapport de son voyage en Turquie, au cœur des mobilisations qui ébranlent le régime de l’AKP. RDV ce vendredi à l’ULg, place du XX août, salle Wittert (trajet fléché).

Près de deux semaines durant, les travailleurs et les jeunes ont dû quotidiennement se défendre contre la police. En plus des principales places des villes, des centaines de quartiers ont également connu des occupations sans recevoir beaucoup d’attention médiatique. Mais à chaque rassemblement, les contestataires ont été attaqués avec des gaz lacrymogènes.

Hélas, la grève du secteur public des 4 et 5 juin n’a pas été suivie par d’autres actions de la classe ouvrière organisée. Des militants de groupes de gauche organisent les camps sur les places et, à plus d’un titre, organisent le mouvement au jour-le-jour. Mais aucune des grandes organisations, parti ou syndicat, ne met en avant une stratégie pour faire avancer la lutte.

Des comités d’action ou des comités de défense des protestations ont été constitués, mais essentiellement pour faire face aux questions urgentes et ils sont principalement composés de membres de groupes de gauche. Cela laisse la majorité des manifestants sans voix.

Comment faire chuter Erdogan ?

Une stratégie audacieuse est nécessaire pour construire le mouvement avec des assemblées générales et des comités à tous les niveaux : pour défendre les protestations mais aussi pour coordonner la lutte et construire un rapport de force capable de renverser le gouvernement et d’offrir une alternative dans l’intérêt des travailleurs, des jeunes et pauvres. Au lieu de laisser l’espace à Erdogan pour mobiliser le soutien des conservateurs sur des thèmes religuieux, un tel mouvement pourrait porter atteinte à ce soutien et gagner la faveur de tous ceux qui souffrent de la politique antisociale d’Erdogan en développant des revendication portant sur l’emploi, l’arrêt des privatisations, les conditions de travail, le logement,…

Malheureusement, même à gauche, les revendications défendues sont assez limitées et portent sur la défense du Parc Gezi, sur le respect des droits démocratiques et sur la condamnation des responsables des brutalités policières. Tout cela doit être défendu, mais limiter le mouvement à ces questions – sans développer les questions sociales – sacrifie la stratégie nécessaire pour se battre efficacement pour les aspirations qui ont conduit les masses à descendre dans les rues.

La majorité des manifestants sont des jeunes, éloignés de tous partis. Ce vide doit être rempli par la création d’un nouveau parti de masse démocratique, armé d’un programme socialiste et où les forces de gauche existantes (HDK, Halk Evleri, etc.) pourraient collaborer.

Le nombre de manifestants était légèrement à la baisse ce lundi 10 juin. Erdogan cherche à exploiter cette faiblesse pour reprendre le contrôle de la situation, mais cela peut à son tour provoquer une nouvelle vague de luttes.

Sosyalist Alternatif (CIO-Turquie) plaide pour protester aujourd’hui contre les attaques de la police et pour l’organisation de manifestations de masse dans toutes les villes samedi prochain, avant une manifestation nationale le dimanche à Istanbul afin de riposter contre la tentative de démonstration de force d’Erdogan. Cela pourrait préparer le terrain pour une grève générale – des secteurs privé et public – d’une journée en tant qu’étape ultérieure du mouvement.

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