‘‘NO’’, une reconstitution historique trop silencieuse

Nous sommes en 1988, à Santiago au Chili. 15 années se sont écoulées depuis l’instauration de la brutale dictature de Pinochet. Le régime militaire est contraint d’appeler à un référendum sur la poursuite de la présidence de Pinochet. Sur le bulletin de vote, le choix est simple : ‘‘oui’’ ou ‘‘non’’. Malheureusement, le film de Pablo Larrain reste muet sur le contexte de ce référendum et sur la lutte contre le régime.

Ce film, nominé aux Oscars, est considéré comme un ‘‘compte rendu du Chili des années 80’’, un film ‘‘radical’’. Techniquement, le film entremêle habilement des images inédites datant de l’époque qu’il relate. Il s’ouvre avec une liste des crimes commis par le régime. Les scènes de réunion des conseillers de Pinochet dépeignent un régime totalement décalé et hors de contact avec la société chilienne. Cependant, à part certaines séquences de répressions policières, ce film est à considérer dans le cadre de cette tendance à réécrire l’histoire en dénigrant le rôle de la lutte des masses, et spécialement du mouvement des travailleurs. Il apparait ainsi dans ce film que le régime a été vaincu par les seuls efforts d’un agent publicitaire qui a dirigé la campagne pour le ‘‘non’’. Dans les faits, cette campagne visait dépolitiser le mouvement. Le ‘‘non’’ l’a emporté en dépit de cette campagne et non pas grâce à elle.

Le régime fut contraint d’appeler à un plébiscite à la suite des protestations massives qui ont émergé dans les années ’80 : des dizaines de milliers de personnes s’étaient emparées des rues, avaient construit des barricades et affrontées la police et l’armée mois après mois. Ainsi, en 1984, une manifestation massive d’au moins 250.000 personnes avait pris place le 1er mai à Santiago.

Les mouvements de masse et la menace d’un soulèvement révolutionnaire ont contraint la classe dirigeante, et donc le régime, à appeler au plébiscite. De leur côté, les dirigeants du Parti Communiste et du Parti Socialiste s’étaient alliés aux partis capitalistes pour soutenir le référendum en tant que moyen de canaliser l’opposition de masse contre la dictature vers une transition ‘‘démocratique’’ et non pas vers la révolution. Aucun de ces évènements n’est relaté dans le film. Mais dans ce cas là comment expliquer que le régime dictatorial ait été contraint à accepter le résultat du vote ?

Le film se termine sur le poignant film d’archive de Pinochet remettant le pouvoir avec un sourire et une poignée de main à Patricio Alwyn, le président nouvellement élu, membre de la Démocratie Chrétienne, un parti qui avait soutenu le coup d’État de 1973. La transition ‘‘contrôlée’’ vers un système totalement anti-démocratique a permis à Pinochet de rester chef de l’armée et sénateur. Il fut même écrit dans la législation que l’armée serait à l’abri de poursuites pour ses crimes comme les tortures ou les assassinats.

« No » peut sensibiliser sur le fait que Pinochet ait perdu lors du plébiscite. Mais peut-il éclairer le public sur la réalité de ce qui s’est véritablement passé ou quelles leçons peuvent en être tirées pour aujourd’hui ? No…

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