Le régionalisme de gauche à nouveau à l’agenda ?

Face à une Flandre dominée par des partis politiques de droite dure, certains pourraient croire que si la Wallonie (et éventuellement Bruxelles aussi) se gérait toute seule, on s’en sortirait mieux pour mener une politique plus à gauche et refuser l’austérité. Le sentiment régionaliste wallon pourrait resurgir dans la prochaine période et nous devons donc nous y préparer.

Article de Ben

Ce sentiment est renforcé par le discours du PS, qui cherche à masquer ses responsabilités derrière l’idée que ce sont les partis politiques flamands qui imposent les mesures d’austérité les plus dures. La question du régionalisme de gauche peut donc revenir a l’agenda. Mais soyons clair, l’austérité ne nous est pas imposée par la Flandre, mais par la classe dominante, c’est-à-dire le patronat et les politiciens qui lui sont lié. Les politiciens wallons sont tout autant convaincus de la nécessité de mener l’austérité que leurs collègues flamands. La stratégie et le timing pour appliquer cette austérité peuvent bien différer, les conséquences sont identiques. La résurgence du sentiment régionaliste wallon chez certains politiques et dirigeant syndicaux cachent mal leurs illusions dans le Parti ‘‘Socialiste’’.

Du neuf avec du vieux

Mais l’idée n’est pas neuve. Le régionaliste de gauche André Renard avait déjà expliqué durant la grande grève générale de 60-61 que pour appliquer un véritable programme de gauche (les réformes de structures de la FGTB) il fallait que la Wallonie soit plus autonome. Le PS y étant majoritaire, on appliquerait alors beaucoup plus facilement les réformes de structures.

Même s’il est clair que Renard a popularisé l’idée régionaliste pour dévier la grève de 60-61 du mot d’ordre de ‘‘Marche sur Bruxelles’’ (mot d’ordre derrière lequel se trouvait la confrontation ouverte avec le régime lui-même), cette idée a pourtant fait son chemin parmi les travailleurs. Beaucoup ont cru qu’on pouvait, avec la régionalisation, avoir une Wallonie socialiste. Le Mouvement Populaire Wallon (MPW) qui s’est constitué après la grève de ’60 a popularisé l’idée. A l’origine, le régionalisme et les réformes de structures, sous la pression d’un mouvement de masse, ont été comprises comme anticapitalistes. Par après, ce point de vue a complètement changé : les réformes de structures anticapitalistes sont devenues une recherche réformiste sans principe vers des réformes “réalistes” au sein du capitalisme.

Un bilan tout sauf socialiste

Aujourd’hui, la régionalisation a eu lieu. Le PS est puissant en Wallonie depuis déjà de nombreuses années et le bilan des politiques régionales est très loin du socialisme. Qui est satisfait de la politique menée par le PS avec les compétences régionales et communautaires? Aller plus loin dans ce processus ne règlera en rien les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Ce que l’histoire du régionalisme de gauche en Wallonie nous apprend, c’est que ce ne sont pas les questions institutionnelles qui déterminent la capacité de mener une politique de gauche. C’est l’existence même d’une politique de gauche qui est déterminante, c’est-à-dire un programme ainsi qu’une force sociale concrète pour faire appliquer ce programme.

L’unité de classe la plus large

Soyons clair, que ce soit au niveau régional ou national, on ne pourra mener de véritable politique socialiste qu’en s’attaquant au grand capital : en nationalisant (ou régionalisant) les secteurs clés de l’économie sans rachat ni indemnités pour le patronat et les actionnaires, tout cela sous le contrôle et la gestion démocratiques de la collectivité. Pour cela, l’unité la plus large au sein de la classe des travailleurs est nécessaire: wallons comme flamand et bruxellois. D’ailleurs, chaque structure syndicale qui a été divisée sur base communautaire (FGTB enseignement, FGTB métal,…) a immanquablement vu croître les difficultés de mener le combat.

Faute d’y prendre garde, les sentiments régionalistes pourraient détourner les travailleurs de cette nécessité. Il y a quelques années seulement, une des grosses têtes du PS avait déclaré qu’il se sentait plus proche d’un patron wallon que d’un travailleur flamand ! Même s’il semble bien que les dirigeants du PS sont plus proches du patronat que des travailleurs dans leur ensemble, flamand comme wallon.

Il est donc très difficile de parler correctement de la question du régionalisme de gauche. Il ne suffit pas de dire que l’on est pour ou que l’on est contre et d’argumenter. Au PSL, nous ne sommes ni pour, ni contre, le tout est de voir ce qui se cache derrière ce régionalisme.

Nous devons être clair que tant que l’on reste dans le cadre du système capitaliste, le régionalisme ne peut rien amener d’autre que des illusions et des déceptions. Les discussions institutionnelles font systématiquement l’impasse sur la question des intérêts de la grande majorité de la population. D’ailleurs, pour la classe des travailleurs, les discussions institutionnelles sont bien moins décisives que les questions sociales, la situation des services publics, les conditions de travail, la lutte contre le patronat national et international,…

Seule la reconstruction d’un rapport de force syndical combiné à la construction d’un relai politique de gauche véritable pourra répondre à nos besoins, c’est-à- dire mettre l’économie au service de la collectivité et non plus au service d’une minorité de profiteurs capitalistes et de leur amis politiciens traditionnels.

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