La crise se résoudra-t-elle par la seule justice fiscale ?

Face à la crise, de plus en plus de voix s’élèvent pour établir une plus grande justice fiscale. Cela va d’une fiscalité écologique au rétablissement de tranches d’impôts supplémentaires, en passant par la taxe des millionnaires. Ces mesures sont nécessaires et souhaitables, mais ne pourront à elles seules nous permettre de faire face à la crise profonde que traverse le système de production capitaliste.

Alain (Namur)

Aujourd’hui, la classe dominante ne veut pas seulement modifier les lois sur l’imposition de leur richesse, elle veut modifier la politique économique pour pousser plus loin le taux d’exploitation, c’est-à-dire augmenter la part de travail gratuit qu’elle impose aux travailleurs. Le patronat joue de la concurrence pour imposer des conditions de plus en plus défavorables aux travailleurs à travers le monde. Prenons les multinationales : celles-ci n’hésitent pas à faire du chantage à l’emploi face aux revendications des travailleurs. Si on ne prend que les filiales étrangères implantées en Belgique, les multinationales représentent plus de 500.000 emplois et produisent une valeur ajoutée de 63 milliards d’euros. Aujourd’hui, chaque pays est mis en concurrence pour avoir le taux d’imposition le plus bas, les salaires les plus bas et les conditions d’emplois les plus basses. Nous vivons dans un système où la propriété des grands moyens de production est extrêmement concentrée dans très peu de mains (147 multinationales contrôlent 40% du chiffre d’affaires engendré par les entreprises au niveau mondial). Malgré le fait que ceux qui possèdent ces richesses ne soient pas nombreux, ils sont très bien organisés et conscients de leur statut de classe.

En Belgique, par exemple, l’industrie pharmaceutique s’est organisée autour de Pharma.be. Leurs modalités d’actions étaient, selon Le Vif, des “réunions discrètes avec le top du gouvernement hors syndicats, étude confidentielle mettant la Belgique en concurrence avec six autres pays, menaces de délocalisation… Rédigée par un grand cabinet d’avocats payé notamment par GSK, la loi a été votée à la Chambre sans aucun débat de fond, noyée dans une loi-programme de 42 pages.”

On le voit, les capitalistes peuvent compter sur l’ensemble des institutions de l’Etat pour défendre leurs intérêts. Ils disposent de partis politiques qui relaient leur programme élaboré dans leurs institutions comme le FMI, la Commission européenne, l’OCDE,… Au moment de l’annonce de nouvelles fermetures de sites d’ArcelorMittal à Liège, au forum économique mondial de Davos, Di Rupo vantait le quasi-paradis fiscal belge et le climat “business friendly” belge devant un parterre de gros capitalistes. Pour quel résultat ?

Les grandes entreprises ne payent quasiment aucun impôt en Belgique. Grâce à la loi taillée sur mesure décrite ci-dessus et aux intérêts notionnels, GSK a pu sortir presque 2,6 milliards d’euros de sa base imposable ces 4 dernières années (une économie de 892 millions d’euros…). Pour l’ensemble des 50 plus grandes entreprises, le taux d’imposition moyen est de 0,57% et seulement de 3,76% pour les 500 sociétés qui ont réalisé le plus gros bénéfice en 2009 !

Non à l’extorsion de fonds !

Nous devons reprendre le contrôle des outils et des richesses produites par la collectivité. La fiscalité juste ou une taxe des millionnaires ne nous permettra pas de réorienter la production vers les besoins sociaux. C’est la propriété privée des moyens de production qui permet aux capitalistes d’organiser le démantèlement social et environnemental. C’est par la propriété collective des grandes entreprises, la nationalisation du secteur bancaire et la mise sous contrôle démocratique des travailleurs que l’on pourra avoir un effet de levier sur la transformation de l’ensemble de la société.

En France, après que le gouvernement Hollande-Ayrault ait évoqué une imposition de 75% sur les tranches de revenus supérieures à 1 million d’euros, c’est 54 milliards d’euros qui ont quitté le pays entre octobre et novembre 2012. Sans contrôle sur les banques, sans contrôle sur les moyens de production, il n’est pas possible d’endiguer ce mouvement.

Partager :
Imprimer :
Première page de Lutte Socialiste