Bolivie. Un nouveau cauchemar pour Bush?

Avec près de 54% des votes, Evo Morales, dirigeant syndical des cultivateurs de coca et porte-parole du Mouvement vers le Socialisme (MAS), a gagné haut la main les élections présidentielles du 18 décembre en Bolivie. Cette victoire a une double signification. Elle marque tout d’abord une nouvelle défaite électorale pour les partisans des politiques néo-libérales qui ont été menées partout sur le continent sous la pression du Fonds Monétaire International et des Etats-Unis pendant les années ’90.

Jean Peltier

Celles-ci ont permis l’énorme enrichissement d’une petite minorité de possédants mais se sont traduites par une grande montée de la misère et de la précarité pour la majorité de la population. En Bolivie plus encore qu’ailleurs, cela a produit une montée de la colère populaire et de grosses mobilisations qui ont notamment chassé les deux derniers présidents! D’autre part, Morales sera le premier président indien qu’ait jamais connu la Bolivie. Dans ce pays, un des plus pauvres d’Amérique Latine, 85% de la population est d’origine indienne. Celle-ci vit très majoritairement dans une grande pauvreté et a toujours été marginalisée et tenue à l’écart du pouvoir par la minorité blanche et métisse héritière de la colonisation. Au cours des dernières années, les indiens ont commencé à réclamer ses droits et à remettre en cause les discriminations de toutes sortes qu’elle subit.

L’arrivée de Morales au pouvoir était sérieusement crainte à Washington. Si Morales aime à se présenter lui-même comme «un cauchemar pour les Etats-Unis», des journaux américains n’ont pas hésité à le présenter comme «l’Oussama Ben Laden des Andes» et le gouvernement américain le traitait de «narco-terroriste»! Morales a obtenu un large soutien en promettant la nationalisation des réserves de gaz (qui ont été privatisées il y a quelques années au plus grand profit de multinationales étrangères), la légalisation de la culture de la coca (qui sert de base à quantité de produits nutritifs et médicaux populaires et pas seulement à fabriquer la cocaïne) et la démocratisation du pays. Mais, au cours de la campagne, ses déclarations se sont faites moins précises, montrant qu’il souhaitait trouver des compromis avec les multinationales et les capitalistes locaux. Morales va-t-il devenir un nouveau Chavez ?

Il y a certainement de nombreux points communs entre les dirigeants de la Bolivie et du Venezuela. Mais les situations nationales présentent néanmoins deux grandes différences. Chavez peut utiliser les énormes revenus pétroliers de son pays pour mener des politiques sociales progressistes coûteuses (alphabétisation, amélioration de la santé publique, construction de logements, …) sans devoir pour cela s’en prendre directement aux intérêts et à la propriété des capitalistes vénézuéliens et étrangers. Morales ne dispose pas de telles ressources, sauf s’il nationalise rapidement les réserves et les installations gazières – ce qui signifie entrer en guerre ouverte avec les multinationales et leurs alliés locaux. D’autre part, le mouvement syndical et populaire est beaucoup plus organisé et militant en Bolivie qu’au Vénézuela et ses dirigeants ont déjà mis la pression sur Morales pour qu’il tienne rapidement ses promesses électorales. Un mineur interviewé par le magazine britannique «Observer» résumait bien cet esprit militant : « Le 18 décembre, nous écraserons les traîtres qui ont bradé nos ressources naturelles et menti au peuple. Morales est notre frère et nous lui faisons confiance, mais il a intérêt à ne pas oublier ses promesses…».

Le nouveau président sera donc certainement amené à devoir choisir rapidement entre une radicalisation à gauche de sa politique et une capitulation devant les multinationales et les USA, en risquant alors d’être confronté à des explosions populaires et de connaître le même sort que les précédents présidents…

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