France. La droite dopée par la crise des banlieues

Après deux semaines d’émeutes dans les cités autour de Paris puis en province, la droite au pouvoir a décrété l’état d’urgence sur base d’une loi datant le la guerre d’Algérie. Cette loi permet aux préfets (l’équivalent de nos gouverneurs de province) de décréter le couvre-feu là où bon leur semble, d’assigner des personnes à résidence, de prononcer des interdictions de séjour, de procéder à des perquisitions de nuit comme de jour, …

Thierry Pierret

Cette loi a été votée en 1955, en pleine guerre d’Algérie, afin de contrôler les Algériens qui vivaient en France. Le recours à cette loi raciste va de pair avec des mesures et des propos non moins racistes. Le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a ainsi donné instruction aux préfets d’expulser administrativement tous les étrangers condamnés dans le cadre des émeutes.

Il a mené délibérément une stratégie de la tension en qualifiant indistinctement de "racaille" les jeunes des banlieues. Des intellectuels et des politiciens ont incriminé la polygamie des Africains. Le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures contre l’immigration clandestine qui ne feront que renforcer l’économie illégale. La droite se sent confortée par les sondages selon lesquels une majorité de Français soutiennent les mesures du gouvernement.

Les banlieues: un concentré de misère

Les travailleurs et leurs familles ont été choqués par la frénésie destructrice des jeunes qui s’en prenaient non seulement aux véhicules individuels – jusqu’à 1200 voitures brûlées par nuit au plus fort des émeutes! – mais aussi aux équipements collectifs et aux entreprises. Des écoles, des hôpitaux, des dépôts de bus, des centres sportifs,… ont été dévastés. Il y a de quoi plonger dans le désarroi un militant de la gauche syndicale ou politique qui lutte au jour le jour pour plus d’équipements collectifs dans les cités. Des dizaines de travailleurs se sont retrouvés au chômage technique suite au saccage de leur lieu de travail. C’est cette indignation mêlée de stupeur qui explique le soutien temporaire au gouvernement. Les jeunes incendiaires ne sont pourtant pas les "voyous" sans foi ni loi dépeints par Sarkozy. La majorité des jeunes arrêtés sont très jeunes (il y en avait de 12 ans!) et inconnus des services de police. Les banlieues françaises sont un concentré de misère: le chômage y est le double du taux national, les infrastructures font défaut, les logements sociaux sont vétustes. Dans ces conditions, une partie de la population a été isolée du monde du travail et, par là même, du mouvement ouvrier. Les traditions de lutte collective et d’organisation du mouvement ouvrier se sont perdues chez les plus jeunes qui n’ont jamais vu leurs parents avoir un boulot fixe et qui n’ont aucun espoir d’en avoir un. D’où la rage (auto)destructrice contre tout ce qui représente "l’Etat" sans faire la différence entre l’appareil de répression et les services publics.

Un programme d’urgence

L’UMP de Sarkozy – le parti au pouvoir – a enregistré des dizaines de milliers d’adhésions pendant les émeutes. Sarkozy s’en sert maintenant comme d’un tremplin vers l’Elysée en jouant à fond sur son image d’homme d’ordre. Mais sa popularité sera plus éphémère encore que celle de Bush. La lutte des classes ne tardera pas à reprendre le dessus. Mais l’énorme combativité de la classe ouvrière française ne suffira pas à lui donner la victoire. Il lui faut aussi un programme d’urgence avec des revendications anticapitalistes claires pour guider son action. Un nouveau parti des travailleurs permettrait de populariser un tel programme dans toutes les couches de la classe, y compris la jeunesse des banlieues. Un tel instrument permettrait au mouvement ouvrier de reprendre pied dans les cités et de regagner la jeunesse aux traditions de la lutte collective.

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