Inde : Viol, violence sexuelle et capitalisme

La colère sans précédent de la jeunesse à Delhi et au-delà suite au viol collectif d’une étudiante de 23 ans survenu dans bus privé illégal le 17 décembre dernier (et à sa mort quelques jours plus tard) a été l’expression du puissant mécontentement contre le système qui s’est développé cette dernière période. Les protestations qui ont bloqué le centre de Delhi trois jours de suite ont clairement démontré ce que le ‘‘pouvoir de la rue’’ peut faire. Frappant contraste avec l’impuissance des ‘‘élus’’ et de leurs soi-disant institutions ‘‘démocratiques’’…

Par New Socialist Alternative (CIO-Inde)

La peur du  »pouvoir de la rue » qui s’est manifestée à Delhi a déferlé sur le pays tout entier, avec en réaction la répressions des manifestations. En contraste avec l’empathie spontanée et les revendications de justice émises par femmes et hommes, l’administration a été très maladroite en réprimant brutalement les actions de protestation. La violence lors des manifestations a été à l’instigation de forces réactionnaires et d’agents provocateurs qui voulaient briser les protestations. L’insensibilité du gouvernement et des politiciens a été visible aux yeux de tous, de même que les préjugés sexistes et les valeurs féodales intrinsèques aux soi-disant  »représentants élus ».

Violence contre les femmes

Ce qui s’est passé est loin d’être un cas isolé, et le viol n’est pas la seule forme de violence subie par les femmes. C’est un fait que la violence contre les femmes en Inde est particulièrement endémique parmi les communautés marginalisées telles que les Dalits, les Adivasis, envers les femmes dans les secteurs non organisés, les minorités sexuelles, les travailleurs du sexe, etc. Le taux de condamnation est extrêmement bas, voire inexistant, et les auteurs connaissent largement l’impunité.

La violence sexuelle touche les femmes de tous les milieux et de toutes les origines ethniques. Elle est perpétuée par une minorité d’hommes de toutes origines et identités. La plupart des incidents de viol et d’agressions sexuelles ne sont même pas signalés compte tenu des valeurs féodales qui dictent et dominent la culture et la société indiennes. La carte de l’Inde est parsemée de crimes contre les femmes, comme l’illustre les données issues de la comptabilisation des viols, commencée en 1972. La torture en détention ainsi que les viols et les crimes sexuels commis par les organismes d’État ne suscitent pas beaucoup d’indignation, et les médias dominants, aux mains du grand capital, restent silencieux.

Le pire est que les violeurs en uniforme restent impunis tandis que la petite bourgeoisie les salue et voit en eux des  »patriotes honnêtes ». Certains, malgré leurs actes gardent les honneurs de l’Etat malgré des rapports faisant état d’une perversité de la pire espèce. A Karnataka, il y a eu le cas très connu en inde de Shankar Bidari et de son rôle au sein de la Special Task Force visant à arrêter le brigand Veerappan, qui a commis de nombreuses horreurs contre les femmes Dalith et Adivasis dans les forêts Mangalam Satya, avec en conséquence 120 mères célibataires. Dans un verdict cinglant, le tribunal a décrit Bidari comme étant  »pire que Saddam Hussein ou Mouammar Kadhafi » au regard des atrocités qui auraient été commises par la Spécial Task Force sous ses ordres.

Quelques chiffres

  • Le viol est le crime le plus répandu en Inde, avec 24.206 cas.
  • Les cas de viol reportés ont augmenté de 873% depuis 1971
  • Seuls 50% des viols seraient réellement reportés
  • Un viol a lieu toutes les 20 minutes dans le pays
  • Un enfant est violé toutes les 76 minutes
  • Les condamnations pour viol ont chuté de 41% des cas présentés en justice en 1971 à 27% en 2010
  • Plus de viols sont rapportés à Delhi (572) qu’à Mumbai (221), Kolkata (46), Chennai (76), Bangalore (97) et Hyderabad (59) ensemble. (chiffres du NCRB)

La classe ouvrière doit se battre contre le sexisme!

La violence actuelle contre les femmes est le produit d’un système malade, le capitalisme, où les gens sont conditionnés à considérer les femmes comme des êtres inférieurs et à voir leur corps comme des marchandises ou des objets destinés au plaisir. La sexualité est déformée par la pornographie, de plus en plus accessible aux plus jeunes, les stéréotypes masculins et féminins sont imposés dès la naissance, et le corps des femmes est objectivé et utilisé partout pour  »divertir » et faire vendre.

Le sexisme aide le système capitaliste. La famille fournit la base pour la reproduction et l’éducation des futurs travailleurs ainsi que pour l’entretien et les soins des chômeurs, des blessés et des retraités. Ce travail qui, à la maison, est habituellement effectué par le travail non rémunéré des femmes (qui peuvent aussi travailler à l’extérieur du ménage) sauve des sommes astronomiques au système, ce qui augmente les profits de quelques-uns.

Les blagues sexistes contribuent à normaliser le sexisme, faisant du harcèlement sexuel quelque d’acceptable. Cela aide à perpétuer l’intimidation des femmes. Comment une femme peut-elle se sentir en sécurité en rentrant chez elle la nuit tombée quant les hommes à côté de qui elles passent rient du viol des femmes? Une implacable guerre silencieuse contre les femmes est menée, de différentes façons, de l’avortement forcé dans le ventre de leur mère pour punir les femmes de donner naissance à des filles aux persécutions des femmes qui contestent les traditionnels bastions masculins.

Même si les auteurs de ces crimes, y compris les plus puissants, doivent très certainement être punis, la solution ne réside pas dans le retour en arrière avec des pratiques médiévales telles que la peine de mort ou la castration. La solution ne réside pas non plus dans l’augmentation de la surveillance policière, cela ne résoudra aucun problème. Cela ne fera que donner de nouveaux pouvoirs au gouvernement en lui donnant des moyens sans précédent pour agir en toute impunité contre les travailleurs. Pour un crime si répandu, les solutions  »par la marge » sont sans effet !

Le système capitaliste et les classes dirigeantes doivent être clairement montrés du doigt. Ils ont complètement échoué à développer la société indienne et à faire reculer les valeurs et les pratiques féodales.

Ce système basé sur l’exploitation des 99% pour satisfaire les profits des 1% est particulièrement brutal pour les femmes, qui ne doivent pas seulement supporter de longues heures de travail, de bas salaires, etc., mais qui doivent aussi subir le harcèlement sexuel de leurs supérieurs masculins et de leurs collègues. L’exploitation ne s’arrête pas là, elle continue dans les foyers.

Une campagne contre le viol isolé de tous les autres aspects de l’oppression des femmes ne suffira pas. Il est essentiel de s’attaquer aux problèmes croissants que rencontrent les femmes dans tous les aspects de leur vie. Le viol, comme la violence domestique et le harcèlement sexuel, est un symptôme d’une société de classe profondément inégalitaire qui conduit certains hommes à penser qu’ils peuvent contrôler les femmes, y compris sexuellement. Cela est renforcé par l’inégalité matérielle entre hommes et femmes, ces dernières ayant un statut inférieur dans la société. Nous devons contester le sexisme et, à travers le processus de la lutte, remettre en cause la société brutale, sexiste et oppressive qu’est le capitalisme, et chercher des alternatives qui dépassent le capitalisme.

Construisons un mouvement de masse pour lutter contre le sexisme, le système de caste et le capitalisme!

S’il n’avait pas été réprimé par le gouvernement, ce mouvement ne se serait pas juste arrêté à la question du viol ou de la violence contre les femmes. Il se serait propagé en tant que mouvement questionnant la nature même du système. Mais le mouvement revit, des protestations ont lieu tous les jours dans toutes les grandes villes à travers l’Inde. La brutalité du viol collectif commis sur la malheureuse victime est l’expression d’un mal qui a été cruellement mis en évidence dans un système qui est pourri jusqu’à la moelle.

Les gens en ont juste assez de cette société extrêmement corrompue et de ce gouvernement capitaliste. Le fait que tant de jeunes et de sections des classes moyennes sont aussi dans les rues est un signe de l’effritement du système. Peu importe ce qu’il fera maintenant, ce gouvernement a perdu toute morale pour gouverner, et il n’y a rien qu’il puisse faire pour revenir en arrière.

La grève générale de février doit reprendre le thème de la sécurité et de l’égalité des femmes

L’élément le plus important de toute cette situation, l’entrée en lutte de la jeunesse et des travailleurs, pour la première fois sur ce thème. Le gouvernement est en crise, les jeunes et les classes moyennes sont en colère, la classe ouvrière est sortie de sa longue hibernation. Mais l’élément manquant dans tout cela, c’est l’absence d’une véritable alternative politique socialiste, ce qui peut faire toute la différence pour orienter la lutte dans la bonne direction et montrer la voie à suivre.

Nous exhortons le front commun syndical qui a lancé l’appel à une grève générale de deux jours en Février à inclure dans ses revendications la question de la sécurité et de l’égalité des femmes dans la société indienne. Il s’agit d’un thème clé pour la période à venir, et cela encouragerait les jeunes à forger un lien organique avec la classe ouvrière et les autres sections en lutte, en particulier les femmes opprimées.

La période à venir sera une période politiquement très intéressante pour la classe ouvrière indienne. Il s’agit d’une opportunité historique pour les forces du socialisme authentique, afin de gagner du terrain parmi les nouvelles couches de la jeunesse et de la classe ouvrière.

Revendications de New Socialist Alternative (CIO-Inde) :

  • Une action immédiate doit être menée contre les auteurs de crimes violents contre les femmes et des mesures de secours adéquates doivent être organisées pour les victimes de ces crimes
  • Une enquête indépendante doit être menée concernant la réponse de la police et de l’administration publique face à la violence sexuelle, avec la participation des syndicats, des femmes, des étudiants et d’autres organisations progressistes. La lutte doit être menée contre ceux qui se trouvent du côté des auteurs de tels crimes.
  • Non à la peine de mort ! Non à la castration ! Oui aux tribunaux rapides pour les viols et les autres violences sexuelles !
  • La classe ouvrière ne doit pas s’en remettre aux autorités d’Etat pour rendre justice, des comités populaires doivent être constitués avec l’implication des syndicats, des organisations des communautés et d’autres organisations progressistes afin de rendre les rues plus sûres pour les femmes et lancer une campagne contre la violence sexuelle et l’exploitation des femmes.
  • Non au sociétés de transport privées. Tous les bus et les services de transport doivent être gérés sous le contrôle démocratique des syndicats et du public.

New Socialist Alternative (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Inde) pense que seule une société socialiste démocratique peut remplacer ce système capitaliste pourri. Cette tâche ne peut être menée que grâce à l’unité de tous les travailleurs, au-delà des frontières de religion, de caste, de genre, de sexualité, de langue, etc.

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