Le bourgmestre d’Uccle réprime les protestations qui visent ses amis kazakhs

Un an après le massacre du 16 décembre au Kazakhstan, la répression s’est exportée à Bruxelles

Le 16 décembre 2011, journée de commémoration de l’indépendance du Kazakhstan, un véritable massacre a été perpétré à Zhanaozen. Ce jour-là, les forces de l’ordre ont tiré sur une manifestation de travailleurs du secteur du pétrole en grève. Des dizaines de personnes ont ainsi été assassinées. Un an plus tard, ce massacre n’a pas été oublié et, dans ce pays comme ailleurs dans le monde, la lutte contre la répression et la dictature se poursuit. C’est dans ce cadre qu’une délégation du PSL s’est rendue aujourd’hui devant les bâtiments de l’ambassade du Kazakhstan à Bruxelles, en compagnie du député européen Paul Murphy. Mais des policiers de la commune sont rapidement venus nous menacer afin que nous stoppions notre protestation. Hasard ? Le bourgmestre local et chef de la police, Armand De Decker (MR), a récemment été dans l’actualité pour un rôle de médiation très douteux qu’il aurait joué entre les autorités kazakhes et Nicolas Sarkozy, président français au moment des faits.

Par Geert Cool

À l’ambassade, nous n’avons trouvé personne à qui parler. Ils étaient visiblement au courant de l’action qui devait se tenir à leurs portes. Mais si personne n’est venu écouter ce que nous avions à dire, l’ambassade a par contre utilisé ses contacts avec le bourgmestre de la commune pour envoyer la police menacer les manifestants d’amendes de 250 euros par personne. Nous avons donc vu débarquer une dizaine d’agents de police, dont le responsable de la police communale.

Protester contre un régime dictatorial n’est possible à Uccle qu’après avoir préalablement quémandé l’approbation du bourgmestre. Ainsi, au silence de la presse belge sur ce qui se déroule au Kazakhstan (voir notre article) s’ajoute la répression des protestations. Une action est bien possible, mais uniquement avec une permission venue du haut. Dans le cas contraire, c’est la menace de lourdes amendes. Le chef de la police a bien essayé de se défendre en disant : ‘‘Les enfants aussi doivent demander avant de faire quelque chose.’’ Les autorités considèrent-elles la population comme une masse d’enfants à encadrer ? Voilà qui est très indicatif de la manière dont nos droits démocratiques sont considérés dans certains cercles…

La décision d’interrompre notre action de solidarité avec les luttes au Kazakhstan est venue du bourgmestre Armand De Decker (MR) qui a, sans aucun doute, agi sur la demande de ses amis de l’ambassade. D’ailleurs, la presse a récemment fait écho des relations étroites entretenues entre Monsieur De Decker et le régime dictatorial du Kazakhstan. Le célèbre journal français "Le Canard enchaîné" avait dévoilé un scandale, un Kazakhgate, où Armand De Decker a joué un rôle central.

Le président kazakh, Noursoultan Nazarbayev, devait conclure un contrat lucratif avec la société aéronautique française EADS concernant la vente de plusieurs hélicoptères. Mais le président-dictateur a posé ses conditions, au président français Nicolas Sarkozy, notamment d’aider trois de ses amis dans le cadre de leurs ennuis judiciaires en Belgique. Le milliardaire Patokh Chodiev ainsi que deux autres hommes d’affaires kazakhs étaient impliqués dans un dossier de corruption autour de l’entreprise belge Tractebel (où il est question de liens avec le crime organisé et de pots de vin pour obtenir un contrat à Tractebel au Kazakhstan). Les pressions exercées sur le tribunal belge n’auraient pas été suffisantes et il ne restait donc qu’une solution législative pour les tirer d’affaire.

Le journal satirique et d’investigation ‘‘Le Canard Enchaîné’’ suggère que les conseillers de Sarkozy ont été en contact avec Armand De Decker, qui était alors vice-président du Sénat, afin d’assurer le vote rapide de la loi sur l’extension de la transaction pénale à toute une série de délits, y compris financiers, seule manière de sauver les amis de Nazarbayev. Ce projet de loi a rapidement été éliminé des parlements : déposé à la Chambre le 11 février 2011, il a été adopté le 17 mars avant d’être envoyé au Sénat le 18 mars. La loi a été promulguée le 14 avril et est entrée en vigueur le 16 mai. De Decker nie être intervenu dans cette affaire, mais la rapidité du processus d’adoption de cette loi est frappante. Détail piquant: De Decker, en tant qu’avocat, a également participé à la défense de Chodiev. Fin juin 2011, Patokh Chodiev et les deux autres ont été les premiers à bénéficier de cette nouvelle version de la transaction pénale. Le parquet de Bruxelles a ainsi abandonné ses poursuites contre la somme de 23 millions d’euros, payée en août 2011. Quelques jours plus tard, Nazarbayev a signé un contrat de commande de 45 hélicoptères auprès d’EADS. Sarkozy était rayonnant lors de la signature du contrat.

Aujourd’hui, c’est ce même Armand De Decker qui est intervenu pour stopper une action de protestation devant l’ambassade du Kazakhstan à Bruxelles, très certainement après avoir été invité par l’ambassade à réagir. Alors que les riches fraudeurs viennent se réfugier à Uccle sous la protection de De Decker, toute forme de protestation contre les éléments les plus dictatoriaux de ce club de fraudeurs hyper-riches est réprimée.

Par la même occasion, nous avons pu vérifier que les Sanctions Administratives Communales (SAC) ne sont pas là pour faire face aux incivilités et petites nuisances, mais pour réprimer les protestations et les limiter au cadre autorisé par le sommet de la société. Nos droits démocratiques sont ainsi limités alors que les fraudeurs super-riches bénéficient de nouvelles mesures très complaisantes pour leurs crimes.

Le président-dictateur corrompu du Kazakhstan et ses amis peuvent compter sur la solidarité de l’establishment politique européen. L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair est devenu conseiller de Nazarbayev, le président Sarkozy a joué le coursier pour Nazarbayev pour, grâce à De Decker, accélérer le changement de la législation belge. La solidarité de classe n’est pas un vain mot pour l’establishment. Mais il en va de même du côté du mouvement ouvrier. Un an après le massacre de Zhanaozen, nous n’oublions pas, et nous continuons le combat contre la répression et l’oppression. L’hostilité que nous rencontrons de la part des amis locaux de Nazarbayev ne nous arrêtera pas.


Nous n’oublions pas, nous n’arrêtons pas le combat

Vidéo sur les évènements du 16 décembre

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