Le 25 novembre, à l’appel des trois principales fédérations syndicales, l’Italie a connu sa sixième grève générale depuis que Berlusconi est revenu au pouvoir en mai 2001. C’est la troisième année consécutive qu’une grève générale suit directement l’annonce du projet budgétaire annuel du gouvernement.
Cédric Gérôme
La proposition de budget pour 2006 prévoit d’accélérer les privatisations et de tronçonner 16,5 milliards d’euros des dépenses publiques. Malgré la volonté de la bureaucratie syndicale de limiter l’ampleur du mouvement, la grève a été massivement suivie. Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de dizaines de villes; usines, banques, administrations et postes étaient paralysées tandis que les hôpitaux n’assuraient que les services d’urgence et que les transports tournaient au ralenti. « Cette grève est absolument inutile » a déclaré Berlusconi. Cette arrogance reflète le manque criant d’un parti pour relayer la combativité de la classe ouvrière italienne sur le plan politique.
L’Italie, « le malade de l’Europe »
Récemment, l’hebdomadaire britannique The Economist a publié un rapport sur la situation économique en Italie. L’article explique que durant la dernière décennie, la part du revenu national revenant aux salariés a fondu de 10%. Quelques 40% des Italiens âgés de 30 à 34 ans vivent encore chez leurs parents, du fait qu’ils ne trouvent pas d’emploi ou ne gagnent simplement pas assez pour s’offrir un logement. L’Italie a le taux de natalité le plus bas de toute l’Europe et figure au bas des classements de l’OCDE établissant des études comparatives sur la qualité de l’enseignement. Ces 15 dernières années, la croissance économique moyenne du pays a été la plus faible de toute l’Europe tandis que sa part dans le commerce mondial est passé en 10 ans de 4,5 à 2,9%. L’Italie a la troisième plus grosse dette publique au monde et son déficit public s’envole à 4,3%, bien au-delà de la limite autorisée par le pacte de stabilité.
« L’Union », remake de « l’Olivier »
A l’approche des législatives d’avril 2006, les sondages créditent Berlusconi de 25%, alors que l’alliance de centre-gauche autour de Romano Prodi («L’Union») bénéficie d’une confiance de 54%. Une frange importante de la bourgeoisie italienne veut se débarrasser de Berlusconi et verrait d’un bon œil l’arrivée au pouvoir de Prodi, meilleur emballage politique pour poursuivre le démantèlement des acquis sociaux des travailleurs. Si Prodi joue sur une réthorique de gauche pour s’attirer la sympathie du mouvement ouvrier, le ton de sa future politique a déjà été donné. The Economist exprimait des doutes sur les capacités d’une coalition de centre-gauche à mener «les réformes radicales et douloureuses dont le pays a besoin». Et Prodi de les rassurer : «J’ai l’habitude des ces critiques, mais nous les démentirons dans les faits.» Il est clair que l’Union n’est qu’une nouvelle version de «l’Olivier» qui avait gouverné dans la deuxième moitié des années’ 90 et qui, par sa politique anti-sociale, avait ouvert la voie à Berlusconi et lui avait pemis de revenir au pouvoir.
Il faut une alternative à la “loi du pendule” !
En Italie, la “loi du pendule” exprime l’alternance de gouvernement de centre-gauche et de centre-droite se relayant au pouvoir depuis des années pour appliquer la politique néo-libérale. Si beaucoup de travailleurs et de jeunes comptaient sur le PRC (Partito della Rifondazione Comunista), il est à déplorer que sa direction poursuive la voie d’une droitisation forcenée et ne trouve aujourd’hui rien de mieux, au nom de « l’unité contre Berlusconi », que de se mettre à la remorque de Prodi, au point que la presse italienne surnomme Bertinotti, le secrétaire général du PRC, «Prodinotti»! Si le PRC participe au prochain gouvernement et que celui-ci entre en collision avec le mouvement ouvrier, il est à prévoir que cela déclenche une nouvelle crise au sein de ce parti.