Budget de compromis ? Vaste blague !

On ne parle dans les faits que d’un compromis entre ceux qui sont favorables à ce que la grande majorité de la population doive perdre son niveau de vie et qui ne se dispute que sur les modalités de ce processus. Selon le Vice-Premier ministre et le Ministre fédéral de l’Économie Johan Vande Lanotte (SP.a), si le patronat (une partie plus précisément) jette l’anathème sur ce budget, cela illustre qu’ils sont aussi réellement touchés. Les mesures qui les affectent sont pourtant toujours aisées à éviter, et il n’est de toute manière question que de cacahuètes, largement compensées par les nouvelles diminutions de charges tandis que se poursuit le braquage permanent des finances publiques (déduction des intérêts notionnels,…).

Par Anja Deschoemacker

Le PS affirme avoir pu éviter un saut d’index ou encore que la majorité de la population est préservée avec ce budget : ‘‘Sans nous, tout aurait été pire encore’’. Mais il fallait surtout éviter un saut d’index, car cela aurait immédiatement enclenché une lutte massive de la part du mouvement ouvrier organisé. Il leur fallait l’éviter. Mais ils ont réussi à fortement attaquer le pouvoir d’achat et les conditions de vie de la grande majorité de la population.

La modération salariale est une habitude vieille de plus de trois décennies. Avec les sauts d’index imposés par les gouvernements chrétien-démocrates / libéraux tout d’abord. Mais cela avait signifié la fin de la paix sociale. Le CVP et le PSC (les ancêtres du CD&V et du CDH) n’avaient plus sous contrôle la CSC chrétienne. Fin ’80, la social-démocratie est montée au pouvoir (elle s’y est accrochée depuis lors). La modération salariale imposée par ces coalitions rouges-romaines (sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates) – norme salariale, gel salarial et index-santé – a eu un effet plus profond et permanent. Les directions syndicales ont pu freiner les massives mobilisations syndicales, et finalement les arrêter, avec l’argument qu’il s’agissait du ‘‘gouvernement le plus à gauche possible.’’

Après, ont suivi les coalitions violettes (la social-démocratie alliée aux libéraux), engagées sur cette même voie. Ensuite, ce fut le chaos, il est devenu de plus en plus difficile de former un gouvernement, essentiellement en conséquence de la baisse de soutien pour les grands partis de la bourgeoisie suite au démantèlement social ressenti par la grande majorité de la population et au sous-financement de la sécurité sociale, des services et de l’infrastructure publics. Durant toute cette période, les travailleurs ont continué de contribuer à la sécurité sociale et de payer leurs impôts tandis que les patrons étaient sous une pluie battante de diminutions d’impôts et de baisse des contributions sociales.

En 2009-2010, les salaires n’ont pu augmenter que de 250 euros net par an (en plus de l’index-santé), en 2011-2012 il s’agissait de 0,3% de plus. Parallèlement, les diminutions de charges patronales ont grimpé ce 15 dernières années jusqu’au total ahurissant de près de 10,5 milliards d’euros par an. Et ce serait aux salaires de connaître une modération pendant que les profits et les revenus de capital crèvent le plafond ?

Les patrons crient et hurlent que ce n’est “pas assez”. S’il y a bien une chose à retenir de ces trente dernières années, c’est qu’ils n’en ont jamais assez. En Grèce et en Espagne, où plus de la moitié des jeunes sont au chômage, ils continuent à revendiquer l’austérité, pas sur eux, mais sur les travailleurs et les pauvres. Les avoirs des grandes entreprises et des propriétaires de capital sont sains et saufs, placés sur des comptes bancaires hors de portée du fisc. Essayez de voler une bouteille de lait au supermarché, vous verrez comment on vous traitera. Mais s’il est question de milliards cachés des impôts, on vous demandera gentiment de bien vouloir faire revenir tout ça, en payant moins que ce qui était initialement prévu.

Les riches et les grandes entreprises sont-ils préservés pendant que la ‘‘classe moyenne flamande’’ paye les pots cassés, comme le dit la N-VA ? Oui. En Belgique, comme ailleurs, les petits commerçants sont fortement touchés par la crise, mais au même titre que les travailleurs et les allocataires sociaux. Ils font partie de ce large groupe social qui ne peut tout simplement pas fuir les charges qui leurs sont imposées. Leurs revenus sont, de plus, frappés de plein fouet par la baisse de pouvoir d’achat des travailleurs. Mais avec les recettes de la N-VA et des organisations patronales flamandes, la majorité des petits indépendants ne s’en tirera pas mieux. Tout comme les grands partis, la N-VA part de l’idée que les avantages sont pour les riches et les grandes entreprises et les charges pour les travailleurs. Elle hurle bien que la classe moyenne flamande est touchée par les mesures actuelles, mais elle défend une réelle diminution salariale (avec saut d’index et adaptation fondamentale du mécanisme d’indexation) ainsi que le démantèlement total de la protection sociale, ce qui minerait encore davantage le pouvoir d’achat de la population, avec des effets encore plus profonds pour la classe moyenne.

Si les 99% de la population veulent mettre fin à l’appauvrissement et au manque de bonnes perspectives pour l’avenir, il faut que le règne des 1% soit brisé. Les hurlements de la N-VA sur la ‘‘classe moyenne’’ masquent sa servilité à l’égard des intérêts des plus riches de la société et des patrons (et petits patrons) dans le secteur de l’exportation qui n’en ont rien à foutre du pouvoir d’achat de la population belge. Le seul groupe de la société qui peut mettre fin au hold-up de la population, c’est la classe des travailleurs.

Au moment d’écrire ces lignes, les syndicats se penchent toujours sur les détails du budget, leur analyse sera publiée après l’envoi de ce journal à l’imprimerie. Ils doivent rejeter ce budget et refuser toute modération salariale. Ils doivent mobiliser leurs troupes et arrêter de faire comme si nous étions toujours en situation de ‘‘paix sociale’’. Avec le gel salarial et les menaces ouvertes d’un saut d’index (qui peut encore surgir lors d’un contrôle budgétaire), la guerre est déjà déclarée.

Il nous faut un plan d’action qui informe, implique et mobilise la grande majorité des travailleurs. Cela marchera encore mieux si un instrument politique est créé pour renforcer la classe ouvrière. La faiblesse provoque l’agression. Chaque modération salariale acceptée n’a jamais conduit qu’à une nouvelle modération salariale. Arrêtons cette spirale avant de devoir travailler aux mêmes salaires qu’en Chine !

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai