Jeunes des banlieues: le bourgmestre vous parle

Depuis sa construction à Liège, le MAS est attentif à la situation dans les quartiers où réside une bonne part de la population jeune en situation de précarité. Un certain nombre de nos militants habitent le quartier de Droixhe, mis sur le devant de la scène il y a quelques années comme archétype de la « banlieue à problème ». En fait de quartier chaud, on a évidemment affaire à une zone de pauvreté aigüe qu’il est plus facile de stigmatiser dans les médias bourgeois que les communes de riches comme Embourg ou Chaudfontaine.

Simon Hupkens

Depuis les émeutes en France, le conseil communal a un peu flippé, ce qui est à la source d’une petite opération marketing dans le quartier de Droixhe de la part du bourgmestre (PS) Willy Demeyer. Celui-ci invitait il y a peu les habitants a une conférence-débat sur le thème « Etre jeune aujourd’hui à Droixhe et à Bressoux ». Un débat d’ampleur, approfondis à la grosse louche et s’apparentant largement à la discussion de comptoir comme on va pouvoir le constater.

Arrivé avec une demi-heure de retard, Mr Demeyer subit d’abord de bonne grâce son hagiographie par le représentant PS local avant de commencer à flatter le quartier, qu’il connait bien, y étant né, etc…: Il s’agit d’un quartier important et il abrite un grande proportion de jeunes qui ne sont traités dans la première partie de son exposé qu’en terme de « problématique ».

Il vante les mérites des infrastructures qu’il a mis à la disposition des habitants: terrain de basket et maisons de jeunes avant d’avouer que ce qui préoccupe le plus la jeunesse, c’est d’avoir un job.

Pour répondre à cette demande, Mr Demeyer prévoit carrément d’implanter dans le quartier une antenne de l’ONEM. Tant mieux pour les chômeurs en fin de droit, ils auront moins à se déplacer pour se faire sanctionner! Quand aux autres qui n’auraient pas trouvé les emplois fantasmés par le gouvernement, ils auront toujours la possibilité d’obtenir un job de vacance à la ville, privilège exorbitant attribué aux 200 jeunes les plus méritants du quartier car « il va falloir faire un choix, bien entendu ». Pour le reste, les jeunes s’orientent mal dans leurs études: il faudrait plus de carreleurs et moins d’universitaires. Le bourgmestre n’a pas trop à s’inquiéter de cet état de fait: les recteurs belges font tout pour virer les plus pauvres du cursus universitaire.

Mr Demeyer conclu qu’on peut être fier de la jeunesse du quartier qui, bien que fauteuse de troubles, (trafics de drogues, vandalisme et insécurité seraient de son fait) s’est plutôt bien comportée durant les émeutes en France. Seuls quelques dégâts matériels sont à déplorer. Pour rassurer les plus craintifs le bourgmestre a quand même précisé que l’ordre veillait au grain les soirs les plus chauds: un hélicoptère de la police fédérale a survolé la ville toutes les nuits.

Viens le traditionnel tour de questions: au milieu des inquiétudes des habitants touchant à la détérioration des abris-bus, le débat dérape un peu. Ce sont d’abord les militants associatifs, dont le bourgmestre a vanté les efforts, qui dénoncent la fin de leur subventionement. Le maillage associatif était pourtant au coeur du discours de Mr Demeyer. Mais ces décisions(qu’il regrette) ne sont pas de son fait.

Ce sont ensuite les locataires des immeubles vidés qui insistent sur leurs conditions de logement. Le problème est le suivant: La ville a décidé il y a quelques années de vider en partie les tours de Droixhe jugées insalubres afin de les rénover. On a appelé comme bailleur de fonds un groupe privé hollandais. Celui-ci n’entendant pas faire que du social, il a été décidé de rénover une partie des appartement pour en faire des logements de standing, politique justifiée par le bourgmestre comme instauration d’une mixité sociale dans le quartier. En fait de mixité sociale, il s’agit surtout de virer les bas-revenus des buildings. C’est d’ailleurs la croisade de Mr Demeyer depuis quelques années à Liège: il faut en faire un ville de riche qui payent beaucoup d’impôts. Donc il s’agit d’évacuer le problème de la pauvreté en évacuant les pauvres.

Les locataires, pour en revenir à eux s’inquiètent: les charges communes s’alourdissent puisqu’ils sont moins nombreux dans les bâtiments, il y fait plus froid et surtout, comment pourront-ils assumer l’augmentation des loyers qui surviendra une foi les travaux finis? Sur ces questions, pas de réponse claire du bourgmestre. Il ne connaît d’ailleurs pas l’ensemble du dossier leur avoue-t-il jovialement.

Je risque à mon tour une intervention (puisque je suis à peu près le seul jeune dans la salle et que ce débat me concerne au premier plan comme habitant et travaillant à Droixhe): les jeunes sont ils réellement coupables de tous les maux qu’on leur attribue? Mon impression (confirmée par plusieurs habitants) est plutôt que les trafics de drogue sont le fait d’adultes extérieurs au quartier. Réponse pour le moins poujadiste du bourgmestre: ce ne sont sûrement pas les pensionnés qui brûlent les voitures! (de quelles voitures parle-t-il? Les seules détruites l’ont été à l’autre bout de la ville…)

Après quelques dernières interventions de complaisance, le débat en reste là et Mr Demeyer repart satisfait.

Que peut-on conclure de cette soirée quand on est un jeune anticapitaliste?

Que la politique clientèliste du PS fonctionne bien dans le quartier. Le bourgmestre appelle deux ou trois personne par leurs prénoms, il a donné un job de vacance à quelques jeunes qui le lui rendront bien en votant pour lui.

Que la politique sécuritaire fonctionne aussi bien: Mr Demeyer stigmatise les jeunes sauvages (mais attention, hein: y en a qui sont biens!) et aux inquiétudes suscitées chez les riverains, il répond que la police fait son boulot, et même mieux qu’avant.

Que les locataires des logements sociaux ont par contre bien compris qu’il n’y avait pas grand chose à attendre de la ville pour défendre leurs intérêts.

Qu’il y a encore du boulot pour susciter une conscience de classe combative chez les habitants même si on perçoit un certain ras-le-bol.

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