Le drame de Ford n’ébranle pas la politique de cadeaux aux patrons
Alors que la fermeture de Ford est une catastrophe sociale pour des milliers de travailleurs de Ford et des soustraitants, les patrons orientent le débat vers l’augmentation des cadeaux au patronat, particulièrement sous la forme de baisses des coûts salariaux. La discussion sur le budget fédéral n’est pas différemment organisée : pour qui donc cherchent-ils des solutions ?
Article d’Anja Deschoemacker, tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste
Le contrôle budgétaire pour 2012 s’est conclu par la recherche de 811 millions d’euros essentiellement par le biais de coupes, de gel et d’ajournement des dépenses. En bref, une succession d’assainissements prétendument ‘‘non perceptibles’’. Cette logique d’assainissement assure depuis les années 1980 le sousfinancement chronique de toute la politique sociale, de l’infrastructure et des services publics. Qui peut oser prétendre sans rougir de honte que les listes d’attente pour chaque nécessité sociale sont ‘‘non perceptibles’’ ?
Concernant le budget 2013, les ministres fédéraux ont été unanimes : les mesures ne doivent pas heurter la compétitivité des entreprises. En d’autres termes, ils vont chercher 3,7 milliards d’euros sans toucher à tous les privilèges qui garantissent que les grandes entreprises ne soient qu’à peine imposées malgré leurs profits exorbitants. Cette politique généreuse n’est pas payée de retour, comme l’a à nouveau clarifié le cas de Ford, dans l’éventualité où l’on aurait déjà oublié Renault, Opel, ArcelorMittal,…
Cette annonce de la future fermeture de Ford a remis au goût du jour une vieille discussion : le gouvernement flamand pourra-t-il récupérer (une partie des) 43,5 millions d’euros investis dans Ford ces dix dernières années ? Et il semble encore que le gouvernement fédéral contribue chaque année ‘‘pour pas moins de 30 millions d’euros aux coûts salariaux de Ford, comme pour le travail de nuit, le travail en équipe et le chômage technique’’ (selon la Ministre SP.a de l’Emploi Monica De Coninck, dans les pages du De Standaard, le 25 octobre).
Pourtant, le budget ne sera pas confectionné avec une autre recette. Il est bien concevable qu’une petite mesurette soit là pour faire ‘‘contribuer’’ les grandes fortunes, dans l’unique objectif de faire avaler les mesures antisociales. N’oublions pas non plus que les précédentes mesures destinées à faire contribuer les grandes fortunes n’ont jamais été réellement appliquées, ou appliquées de telle manière que les riches avaient trouvé la parade avant même que la moindre chose ne soit votée. C’est une fois de plus la grande partie de la population, les travailleurs et leurs familles, qui subira l’écrasante majorité du choc.
Il y a quelques semaines encore, en pleine campagne électorale, les politiciens traditionnels nous promettaient de s’en prendre au manque de moyens dans l’enseignement, dans l’accueil d’enfants,… au niveau communal. Maintenant, il est question de nous demander de nous serrer la ceinture tous ensemble (un léger effort sera demandé aux riches). Concernant le budget 2014, le comité de monitoring, un organe de fonctionnaires d’où sont issus les chiffres de la politique fédérale, parle d’un ‘‘effort commun’’ (autorités fédérales, régionales et locales) d’au moins 8 milliards d’euros supplémentaires. Il nous faudra non seulement nous serrer la ceinture, mais encore y percer de nouveaux trous !
Dans tous les pays où la politique d’austérité tourne déjà à plein régime, la pauvreté a explosé et une grande partie de la jeunesse semble être condamnée à n’être qu’une ‘‘génération perdue’’. ‘‘L’alternative’’ à la Hollande ou Di Rupo semble entretemps n’être qu’une politique d’austérité identique (un peu mieux présentée) où, dans l’objectif d’éviter une résistance de masse, on ne s’attaque pas aux travailleurs à coups de marteau, l’idée étant de parvenir au même résultat avec une austérité plus lente mais tout aussi destructrice.
Le problème auquel nous sommes confrontés n’a rien à voir avec “les coûts salariaux’’. Le problème, c’est le marché. ‘‘Le marché’’ considère n’avoir aucune responsabilité sociale, la production capitaliste étant basée sur la recherche de profits et sur la satisfaction des besoins de ceux qui permettent la réalisation de profits pour les patrons uniquement. Toute la discussion sur les coûts salariaux – partie intégrante de celles portant sur le budget et sur les négociations pour le prochain Accord Interprofessionnel (AIP) – n’a pas pour vocation de combattre la crise mais bel et bien d’utiliser cette crise pour lancer une nouvelle attaque contre les salaires et les conditions de travail de la grande majorité de la population.
La période d’été et de campagne électorale sont derrière nous. Maintenant, dans les syndicats, tout le monde doit être sur le pied de guerre pour organiser la résistance contre la politique de bain de sang social de la direction de Ford et de ses alliés politiques aux autorités fédérales, régionales et locales ! Seule cette lutte collective peut conduire à des solutions favorables à la majorité de la population.