Ford. Pas de funérailles mais un plan d’action ! Nationalisation et reconversion du site !

Ce mercredi 24 octobre 2012 fut une journée sombre pour les travailleurs de Ford, pour les habitants de Genk et des communes voisines ainsi que pour tous les travailleurs du pays. Par communication vidéo, la direction du géant automobile a annoncé la fermeture du site de Genk et le déménagement de la production du modèle Mondeo à Valence.

Par Eric Byl

L’abattement et la colère sont grands parmi les 3.996 ouvriers et les 268 employés de Ford Genk. Des larmes coulent. D’un jour à l’autre, leur avenir part en fumée. Au moins autant de travailleurs des nombreux sous-traitants sont également touchés. Mais sur les marchés financiers, c’est la fête. Les actionnaires se sont à nouveau enrichis de 3% en deux jours. Politiciens, patrons et autres spécialistes, qui n’ont pourtant jamais travaillé sur une chaîne de production, sortent déjà leurs analyses. L’an dernier, la multinationale a enregistré un profit record de 20,2 milliards de dollars. Mais ce n’est pas cela qui est visé : il faut s’attaquer une seconde fois aux travailleurs, mais cette fois-ci par l’intermédiaire de leurs salaires différés, les prétendues ‘‘charges sociales’’.

Primes de départ et prépensions

Ce n’est pas facile de s’opposer aux restructurations et aux fermetures. La compétition accrue a provoqué une surcapacité du secteur. La crise économique et les plans d’austérité appliqués partout en Europe réduisent encore le marché. C’est aussi le cas en Belgique, surtout depuis l’installation d’un gouvernement d’austérité. Il est donc compréhensible que, sous ces conditions, nombreux sont ceux qui espèrent obtenir la prime de départ la plus élevée possible. Pour le moment, le montant de 77.000 euros bruts circule, mais il n’en restera que la moitié en net. Les travailleurs des sous-traitants ne recevront même pas ça.

Les travailleurs ont déjà dû céder 12% de leur salaire et, en plus, le rythme de travail a fortement augmenté ces dernières années, jusqu’à atteindre un rythme insupportable. Lire, calculer, diner et signer des contrats, c’est facile à faire jusqu’à 65 ans voir voire plus, mais vingt ou trente années en production, ça se fait sentir. Si le gouvernement accorde les prépensions aux travailleurs malgré l’opposition de De Croo, il est compréhensible que beaucoup d’entre eux saisissent l’occasion sous la contrainte de la peur.

La fermeture n’est pas une option

Nous ne sommes plus à l’époque dorée où il était encore facile d’obtenir un boulot à l’usine du coin. La prime de départ sera vite dépensée et celui qui n’a pas de carrière complète peut s’attendre à une mauvaise surprise à son 65e anniversaire. Où trouver à l’heure actuelle un autre emploi ? La crise est omniprésente dans toute la Belgique, dans toute l’Europe et partout dans le monde. Il ne peut pas être question de fermeture dans ces conditions.

Cette fermeture ne sera pas seulement un drame pour les 10.000 familles dont le pain est ôté de la bouche. Elle coûtera largement 10 milliards à l’économie belge, principalement en pertes de cotisations sociales et de revenus d’impôts ainsi qu’en dépenses supplémentaires en allocations. Cela entraînera sans doute encore plus d’économies dans l’enseignement et dans les services publics. Dans les communes touchées, les finances seront minées avec des conséquences dramatiques pour le personnel communal et les services sociaux. Le Limbourg sera à nouveau changé en désert social.

Nous ne pouvons pas laisser l’avenir de la collectivité aux mains des multinationales !

Même si la multinationale est juridiquement propriétaire du site, celui-ci a été construit par les générations consécutives de travailleurs, avec aussi les largesses des autorités qui ont puisé dans les cotisations sociales et les impôts payés par la population belge. Des années durant, les actionnaires ont empoché de beaux profits. Nous voyons aujourd’hui à quoi conduit ce transfert de richesses de la collectivité vers une poignée d’actionnaires privés.

Nous ne pouvons laisser l’avenir du site et de la communauté entre les mains des multinationales qui ne visent que le profit. Les politiciens pleurent des larmes de crocodile en prétendant qu’ils sont impuissants. En réalité, il leur manque juste la volonté politique. Avec les médias, ils ont déjà orchestré l’enterrement. Pourquoi ne pas imposer le choix suivant à Ford : soit sauvegarder le site et chaque emploi, soit subir l’expropriation des installations et des terrains ?

Une alternative socialement et écologiquement responsable

Le secteur financier l’avait déjà démontré, celui de l’automobile le confirme : le libre marché ne peut pas garantir des conditions stables de travail et de vie. Nous sommes actuellement capables de produire plus que ce que nous n’avons jamais pensé réalisable, mais cela n’entraîne que la surcapacité et à l’engorgement du trafic. L’époque où une usine automobile n’était pas convertible est depuis longtemps dépassée. A Genk, la production peut être facilement transformée avec des adaptations limitées et une reprogrammation des outils pour une production socialement utile et écologiquement responsable.

Pourquoi balancer à la poubelle un site si performant ? Nous disposons du savoir pour développer des moyens de transport écologiquement responsables et pour répondre aux problèmes de trafic. Pourquoi ne pas mettre cela en œuvre maintenant que les installations se libèrent et que nous disposons de travailleurs expérimentés ? Pourquoi ne pas enfin créer une entreprise publique pour le développement d’une mobilité écologiquement responsable et rationnellement planifiée ? Le temps de convertir le site, des travailleurs pourraient partir en prépension, ce qu’ils ont déjà bien mérité, ou au chômage technique, comme c’était déjà le cas à Ford, mais alors cette fois avec une prime supplémentaire.

Manifestation de masse le 11 novembre : nationaliser pour sauver l’emploi !

Nous savons que cela va à contre-courant de la tendance globale aux privatisations. Ce ne sera pas facile. Il faudra établir de puissants rapports de force pour obliger les autorités à suivre cette voie. Les travailleurs ont bloqué l’entreprise, ils organisent l’activité aux piquets de grève par équipes. De nombreuses discussions et une bonne organisation seront nécessaires pour convaincre chacun de ne pas décrocher du mouvement. Mais nous ne sommes pas seuls. Les travailleurs de la sous-traitance sont dans le même bateau. De plus, une vague de restructurations et de fermetures envahit tout le Limbourg, toute la Belgique et toute l’Europe.

Aujourd’hui, aucun travailleur ne se sent plus en sécurité. C’est la raison pour laquelle nous avons l’opinion publique avec nous. Mobiliser cette force, dans les entreprises, dans les écoles et les universités et dans les quartiers, c’est le défi à relever pour la manifestation de masse du 11 novembre. N’en faisons pas cette fois-ci une marche funèbre, mais utilisons-la comme un levier pour la prochaine mobilisation ! Chaque mobilisation n’exige pas seulement un plan d’action détaillé et démocratiquement élaboré, mais aussi une perspective, un objectif à la hauteur de l’effort exigé.

Nous pensons que seule y correspond la nationalisation du site pour sauver l’emploi. Contrairement au plan social, cela offre un avenir attractif, non seulement aux travailleurs de Ford, mais aussi à ceux des sous-traitants et à toute la communauté. Cela provoquerait un exemple optimiste et un grand enthousiasme parmi tous les travailleurs du pays également confrontés à des restructurations et à des fermetures. Ford nous a appris que nous n’avons pas besoin d’une direction qui ne pense qu’à la rentabilité pour remplir les poches des actionnaires, mais que les travailleurs sont plus aptes à gérer l’entreprise en fonction de l’emploi et des besoins de toute la collectivité.

Pour une grève générale européenne le 14 novembre !

Il n’y a rien à attendre de la part des politiciens actuels. Les ‘nationalisations’ sont interdites par l’Europe, sauf quand il s’agit de socialiser les pertes et de privatiser les profits. Mais en Europe aussi nous ne sommes pas seuls. Le 14 novembre, une journée internationale d’action contre l’austérité est prévue. En Espagne et au Portugal – peut-être également en Grèce, à Malte, à Chypre – il s’agira d’une grève générale. Des syndicats en France et en Italie ont rejoint l’appel. D’autres vont probablement suivre. La FGTB Liège-Huy-Waremme appelle également à une grève de 24 heures le 14 novembre, tout comme la CGSP-ALR de Bruxelles. Aucune raison ne peut justifier que les syndicats belges ne s’y joignent pas.

Ford n’est qu’un des nombreux exemples qui illustrent que le marché libre ne fonctionne pas. Nous pouvons en finir avec la spirale qui nous tire vers le bas à condition d’avoir une alternative attractive et rationnellement planifiée à opposer au chaos du marché. Dans cette époque de crise du capitalisme, chaque lutte concrète pose automatiquement la nécessité d’une société socialiste démocratique, mais cette alternative ne peut gagner en crédibilité que si elle offre des réponses aux luttes que nous menons aujourd’hui.

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